"Préparation d'une tentative d’évasion à la centrale d’Eysses"

A la fin du mois de décembre 1943, Serge Ravanel est chargé d’une nouvelle mission par le CNR : « j’ai été saisi d’une demande concernant la mise sur pied, en relation avec les prisonniers d’Eysses, d’une opération d’évasion » (1) de plusieurs détenus parmi lesquels Raymond Hego, compagnon de cellule de Ravanel de mars à mai 1943.
Le 2 janvier 1944, Ravanel se rend à un rendez-vous à Villeneuve-sur-Lot, avec un dénommé Fénoglio, alias Kléber, ancien détenu d’Eysses, avec l’aide duquel il élabore un plan opérationnel. « L’opération devait se faire par une action simultanée des prisonniers, fortement organisés et soutenus par la complicité de gardiens, et de Groupes Francs entraînés » (2).
Serge Ravanel le met en relation avec ses deux adjoints : Joly-Joyeux, responsable régional auprès duquel il doit récupérer des armes destinées aux prisonniers et Deleule, responsable des Groupes Francs (GF) pour le Sud-est, chargé de constituer, à partir des groupes lyonnais et marseillais, une équipe d’une douzaine d’hommes bien entraînés et d’assurer la liaison entre Paris et Toulouse. « Des systèmes de messages avaient été prévus afin de donner à nos camardes de Lyon et de Marseille le top de départ le moment venu » (3). Au terme de plusieurs réunions, l’organisation logistique de l’opération est bien engagée. Serein, Ravanel regagne Paris jusqu’à ce que soit donné le feu vert.
Le 10 janvier, afin de finaliser les derniers préparatifs de l’opération, il envoie Deleule à Toulouse. Ce dernier retrouve sur place Joly qui reconnaît avoir refusé de « remettre les armes à Kléber prétendant que Eysses était entre les mains de communistes. Il décide de ne pas participer à l’opération » (4). Très contrarié, Ravanel repart pour Toulouse et tente de rétablir, en vain, le contact avec Fénoglio.
L’échec de cette opération, pourtant minutieusement préparée témoigne de la regrettable méfiance de certains Résistants manifestée à l’égard des opinions politiques de leurs frères d’armes. Alors que l’urgence du combat unifié s’impose, des hommes, bien que sincèrement engagés dans une même lutte, ne parviennent pas à faire preuve de discrétion sur leurs origines ou leurs convictions et, ainsi, desservent leur engagement patriotique. Serge Ravanel déplore « ces méfiances qui freinent le processus d’unification » (5).

Sources : (1) Serge Ravanel, note concernant Eysses (1965). (2) Op cit. (3) Op cit. (4) Op cit. (5) Serge Ravanel, L’Esprit de Résistance, Editions du Seuil, 1995.

Auteur(s) : Emmanuelle Benassi

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