Bourgogne : l'exemple de l'Yonne

L'implantation de Libération-Nord dans l'Yonne peut être datée de juin 1943, de nombreux éléments en témoignent. Elle se réalise simultanément par deux voies qui ne semblent pas avoir été coordonnées. D'un côté, Henri Ribière prend contact avec Pierre Vauthier, professeur à Joigny, qui a été secrétaire fédéral de la SFIO de 1933 à 1939, et le charge d'organiser Libération-Nord dans le département. D'un autre côté, Jean Texcier envoie Jean Chapelle (" Verneuil "). Cette décision est confirmée à la fois par Jean Chapelle (" Vers juin 1943, la direction clandestine du mouvement Libération-Nord délègue dans l'Yonne un étudiant parisien, Verneuil "), et par Pierre Vauthier qui indique que J. Chapelle a été délégué pour le Tonnerrois (" liaison Jean Texcier ")...

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Libération-Nord haut ▲

L'implantation de Libération-Nord dans l'Yonne peut être datée de juin 1943, de nombreux éléments en témoignant. Elle se réalise simultanément par deux voies qui ne semblent pas avoir été coordonnées. D'un côté, Henri Ribière prend contact avec Pierre Vauthier, professeur à Joigny, qui a été secrétaire fédéral de la SFIO de 1933 à 1939, et le charge d'organiser Libération-Nord dans le département. D'un autre côté, Jean Texcier envoie Jean Chapelle (" Verneuil "). Cette décision est confirmée à la fois par Jean Chapelle (" Vers juin 1943, la direction clandestine du mouvement Libération-Nord délègue dans l'Yonne un étudiant parisien, Verneuil "), et par Pierre Vauthier qui indique que J. Chapelle a été délégué pour le Tonnerrois (" liaison Jean Texcier "). Ils semblent, à ce moment, s'être ignorés. L'un parle de l'Yonne, l'autre du Tonnerrois. H. Ribière et J. Texcier sont des responsables nationaux de Libération-Nord. Il y a bien eu deux implantations, en juin 1943. Il faut sans doute y voir l'effet des divisions apparues dans le mouvement en 1942, et la mise à l'écart de Pineau. Les uns, avec Jean Cavaillès, sont partisans de l'action immédiate, et l'imminence annoncée du débarquement en 1943 les encourage ; les autres veulent conserver au mouvement son objectif essentiellement politique. Jean Chapelle et Pierre Vauthier incarnent, semble-t-il, ces deux lignes. Libération-Nord se développe assez rapidement à partir des initiatives de Pierre Vauthier et de Jean Chapelle " Verneuil ", dans de nombreux secteurs du département, souvent par le rattachement de groupes déjà existants. C'est ainsi que le mouvement est présent, à l'automne 1943, à Joigny, où Paul Herbin accepte le rattachement du groupe Bayard, tout en exigeant le maintien de l'autonomie de son groupe ; le mouvement est aussi présent à Sens, Villeneuve-sur-Yonne, Migennes, Bonnard-Bassou, Brienon. Dans l'Avallonnais, le mouvement s'implante à Avallon, à l'Isle-sur-Serein ; dans le Tonnerrois, où " Verneuil " intervient directement, à Tonnerre, Lézinnes, Ancy-le-Franc ; enfin à Auxerre, où est rattaché le groupe Pour la France, dirigé par René Aubin et déjà très actif. Le docteur Seguin, lié au mouvement Résistance, est, semble-t-il, rattaché à Libération-Nord. Il est frappant de constater le nombre important des rattachements multiples ; c'est en particulier le cas du groupe Bayard, rattaché à la fois à Libération-Nord et au réseau Jean-Marie Buckmaster. Le mouvement cherche à s'unifier et à se structurer. Une première tentative est faite en décembre 1943 (le 5 ou le 20, la date est difficile à préciser) avec Pierre Vauthier comme responsable civil, " Verneuil " comme responsable militaire régional adjoint, plus spécialement chargé de l'Yonne. Des responsables de secteur sont désignés. Une réorganisation est rendue nécessaire après les arrestations de mars 1944 : Gaston Vée remplace Pierre Vauthier comme responsable civil, et " Verneuil " est désigné comme responsable militaire régional et départemental, tout en conservant l'Yonne comme priorité. Deux vagues d'arrestations ont en effet frappé, l'une en octobre 1943, à Villeneuve-sur-Yonne avec Jean Puissant et Bolland, à Auxerre avec Seguin, à Avallon avec Rondet, dans le Tonnerrois avec Lenieff et Semblat ; l'autre en mars 1944, à Joigny avec Vauthier et Marot, à Sens avec Mader et Regnard, à Avallon avec Daprey. Au printemps 1944, l'action de Libération-Nord se situe sur deux plans, militaire et politique : - sur le plan militaire, deux grands ensembles existent. D'abord le groupe Bayard, devenu 4e demi-brigade dans l'organisation FFI mise en place en mai 1944, mais en réalité autonome ; ensuite les forces dirigées par " Verneuil ", devenues 3e demi-brigade. Libération-Nord crée trois maquis, organisés à partir de mars 1944 : le maquis Garnier, dirigé par Montchanin ; le maquis Aillot, dirigé par Moncomble et Mennecart et le maquis Horteur. Tous trois sont appuyés par de nombreux groupes de sédentaires. La direction nationale du mouvement a donné l'ordre d'attendre le Débarquement pour passer à l'offensive. Au contraire de Herbin, " Verneuil " veut constituer une grande unité pour que Libération-Nord puisse jouer un rôle décisif au moment de la Libération. C'est pour cette raison qu'il organise, après les pertes sévères subies par ses maquis en juin, le grand rassemblement des Iles Ménéfrier. Les forces du groupe Bayard prennent une part active à la libération du Jovinien, la 3e demi-brigade joue un rôle important dans la libération d'Avallon et de l'est du département ; - sur le plan politique, la mise en place du Comité départemental de libération (CDL) est l'œuvre pour l'essentiel de Gaston Vée, à cause de l'arrestation de Pierre Vauthier. La première réunion a lieu le 10 mai 1944 avec cinq membres : Vée, Madame Berval, Crette, Niel et Fovet ; c'est ce dernier qui en assure la présidence car Vée, se trouvant trop jeune, y renonce. Libération-Nord dispose dans le CDL d'une position très forte. Le mouvement est dirigé depuis son implantation dans le département par des hommes liés directement au Parti socialiste : c'est évident pour Vauthier, mais c'est aussi le cas de " Verneuil ". En effet, non seulement il vient dans l'Yonne sur les instructions de la direction nationale, mais surtout il ne cache pas son point de vue dans des courriers adressés soit à G. Vée (en juin 1944), et à P. Vauthier après la guerre (en juillet 1946). A la Libération, Libération-Nord publie à Auxerre La Vie de l'Yonne. Le premier numéro de la période légale paraît le 22 septembre 1944. Le directeur-rédacteur est François Lejeune, pseudonyme de Gaston Vée, membre de Libération-Nord et fondateur du CDL dont il est resté membre. Le journal se présente comme l'" hebdomadaire régional de Libération ". Il tire à 12 ou 15 000 exemplaires à l'automne 1944. 

Source(s) :

D'après Jean Rolley, « La naissance du mouvement Libération-Nord et son implantation dans l'Yonne » et « Le développement du mouvement Libération-Nord dans l'Yonne et son rôle jusqu'à la Libération », in CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI, 2004.

Maquis haut ▲

Formé de syndicalistes, chrétiens et confédérés, et de socialistes, le mouvement Libération-Nord pratique tout d'abord des formes d'action essentiellement pacifiques : rédaction, fabrication et distribution du journal Libération, collecte de renseignements. Les activités militaires sont absentes dans cette première phase d'organisation du mouvement, d'autant plus que la composante chrétienne ne penche pas naturellement pour la lutte armée. De 1940 à 1942, les cadres du mouvement ne jugent pas cette forme d'action prioritaire. Il s'agit de mobiliser contre la propagande de Vichy et des Allemands. Quand, en 1942, se crée en zone Sud l'Armée secrète, un certain nombre de militants convaincus de la nécessité de mener de front propagande et lutte armée vont poser la question au sein de Libération-Nord. Jean Cavaillès, philosophe protestant, incarne cette tendance qui prône la lutte armée. Le mouvement cherche alors à organiser des groupes de sédentaires (c'est le cas à Villeneuve-sur-Yonne). Malgré la mise en place du STO et les encouragements prodigués à ne pas se prêter aux recensements, les réfractaires ne sont jamais explicitement invités à rejoindre les maquis avant le début de l'année 1944. Le 25 janvier 1944, le journal Libération appelle à éviter " par tous les moyens le départ en Allemagne " en rejoignant " les mouvements de résistance " et " le cas échéant, les maquis ". En revanche le 16 juin, le journal est plus clair : " Gagnez les maquis. Devenez des soldats ". Le mouvement Libération-Nord s'est implanté dans l'Yonne en juin 1943. D'une part, la direction nationale contacte Pierre Vauthier, ancien secrétaire départemental du parti socialiste dans les années trente. D'autre part, la direction nationale délègue un jeune étudiant de Sciences Po, Jean Chapelle (" Verneuil "), pour " coordonner les groupes existants " à partir du Tonnerrois, où il a des attaches familiales, et mettre sur pied une structure militaire en vue du Débarquement, que l'on attend pour la fin de l'année. En s'appuyant sur de petits groupes de résistants, il constitue trois maquis, organisés à partir de mars 1944 : le maquis Garnier, le maquis Aillot et le maquis Horteur, appuyés par de nombreux groupes de sédentaires. La direction nationale du mouvement a choisi d'attendre le Débarquement pour passer à l'offensive. Dans l'Yonne, " Verneuil " veut constituer une grande unité pour que Libération-Nord puisse jouer un rôle politique décisif au moment de la Libération. C'est pour cette raison qu'il organise, après les pertes sévères subies par ses maquis en juin, le grand rassemblement des Iles Ménéfrier. 

Source(s) :

Equipe de l'Yonne, " Présentation des maquis de Libération-Nord " in CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI, 2004.