La genèse du Conseil national de la Résistance

L'année 1943 est une année charnière dans l'histoire de la Résistance française, la prémisse d'un vent nouveau sur un pays moralement dévasté et une nation divisée. A la dureté de l'Occupation et sa cohorte d'humiliations et de pénuries se greffe le démembrement minutieux et radical de l'Etat de droit et de son fondement républicain et démocratique. Le paysage politique, jadis divers et nuancé, a laissé place à la mainmise d'une franche politique de collaboration avec l'Allemagne nazie. Les partis politiques ainsi que les centrales syndicales, victimes de bannissement ou de dissolution, s'efforcent de se recréer dans la clandestinité : c'est le cas de la SFIO, qui prendra le nom de Comité d'Action Socialiste (CAS), du Parti communiste français, dissous le 26 septembre 1939 ou encore de la Confédération Générale du Travail (CGT) et de la CGT-Unitaire, dont l'unification s'opérera sous le signe des Accords du Perreux, en avril 1943. Le gage de la poursuite de la lutte en accord avec la Résistance française est la reconstitution clandestine des appareils : c'est à ce prix que les tenants de la mobilisation anti-vichyste finiront par figurer aux côtés de la Résistance.

Enfin, l'année 1943 se pose comme la consécration au plus haut niveau de l'unification des mouvements épars de la Résistance intérieure grâce à l'opiniâtreté d'un homme dévoué corps et âme à ses missions : Jean Moulin.

Jean Moulin est mandaté par le général de Gaulle, alors à la tête de la France Libre à Londres, et dont il est le délégué en métropole, pour à la fois unifier les mouvements et réseaux résistants et les rallier à la France Libre dans sa poursuite de la guerre aux côtés des Alliés. C'est d'ailleurs en juillet 1942 que le nom de France Libre laissera place à celui de France Combattante, pour officialiser symboliquement la rencontre des deux résistances : celle de l'intérieur et celle de l'extérieur, bien qu'à cette époque, beaucoup reste à faire.

Investi de très lourdes missions, Jean Moulin, homme de confiance ayant déjà donné tous les gages de son engagement patriotique et républicain dès les années 1930, va multiplier les responsabilités à la tête des institutions clandestines qu'il devra créer et coiffer. 

Dans l'esprit de De gaulle et de Moulin, la première étape de l'unification de la Résistance passe par l'instauration d'institutions clandestines au plan national qui communiquent entre elles. Ce n'est qu'une fois celle ci effective que les commandements/pouvoirs se déclineront au niveau régional, départemental et local. C'est dans cet esprit qu'ont été instauré la Délégation générale, le Comité Général d'Etudes ou encore le Bureau d'Information et de Presse, premières émanations de l'Etat clandestin. 

Cet éternel homme de l'ombre a-t-il eu conscience de la lumineuse réussite à laquelle il est parvenu, en dépit des très nombreux obstacles qui ont jalonné sa courte vie ?

Auteur(s): Paulina Brault

Plan de l'expo

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Bibliographie

A- Etat de la Résistance en zone Nord haut ▲

On se réfère à la zone Nord pour parler de la zone couvrant les trois cinquièmes du territoire national qui comprennent toute la façade atlantique ainsi que les grandes régions industrielles.

Il est un paradoxe à souligner concernant la zone Nord : si la formation de mouvements et de réseaux de Résistance y est plus précoce (dès l'été 1940), en revanche, l'unification des acteurs de la Résistance s'y fera non seulement plus tardivement, mais de manière moins organisée.

En vérité, il y eut bien une tentative d'unification dès avril 1941 par le colonel Alfred Heurteaux - plus tard membre de l'OCM -  mais celle-ci échoua. 

Début 1943, il n'existe pas de véritable liaison organique entre les mouvements et la France Libre de Londres, pas davantage qu'il n'existe de liaison entre les mouvements eux-mêmes.

Ce n'est que le 26 mars 1943 que Pierre Brossolette, émissaire du général de Gaulle, réunit les chefs des cinq plus importantes mouvances de Résistance de la zone Nord, à savoir, l'Organisation Civile et Militaire (OCM), Libération-Nord, le Front national, Ceux de la Résistance (CDLR) et Ceux de la Libération (CDLL) et parvient à leur faire adopter un texte de confiance au général de Gaulle.

 

 

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Auteur(s) : Paulina Brault

B- Etat de la Résistance en zone Sud haut ▲

En zone Sud, la prise de contact entre chefs de mouvements a été dans un premier temps - du moins jusqu'au 11 novembre 1942, date de l'occupation de la zone Sud par les Allemands - plus aisée qu'en zone Nord, où la répression a frappé plus précocément.

Au sein de la zone Sud, les mouvements de Résistance ont initié le processus d'unification à la fois de manière plus aisée, plus organisée et plus précoce qu'en zone Nord, alors même que leur caractéristique est d'être une Résistance à très forte connotation politique, ce qui aurait pu sous-entendre des clivages trop importants pour être surmontés dans le cadre d'un tel projet. Paradoxalement, et en dépit des querelles qui ont émaillé le chemin vers l'unification, c'est tout de même l'unité qui a prédominé.
La Résistance intérieure y a ainsi été marquée par la recherche de la mise en commun des forces vives, en vue de gagner en efficacité.

Le plus important mouvement de Résistance non communiste de zone Sud, Combat, n'en est-il pas le parfait exemple ? Le mouvement Combat est né de la fusion de plusieurs mouvances résistantes : en novembre 1941, le groupe Liberté, emmené par François de Menthon et Pierre-Henri Teitgen, fusionne avec le Mouvement de Libération nationale, conduit par Henri Frenay et Bertie Albrecht.

Avec plus de difficulté mais bel et bien animée par la maxime "L'union fait la force", la naissance des Mouvements Unis de Résistance (MUR) viendra couronner, en janvier 1943, les efforts des uns et des autres pour renforcer et faire parler d'une seule voix le réseau de la Résistance en zone Sud.

 

Auteur(s) : Paulina Brault