Rémi Dreyfus

Légende :

Photographie d'identité de Rémi Dreyfus, avril 1942

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD GR 16P 182360 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie noir et blanc

Date document : Avril 1942

Lieu : Portugal - - - - - Lisbonne

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Contexte historique

Né le 6 septembre 1919 à Paris 16e, fils de Daniel Dreyfus, banquier, et de Thérèse Gompel, Rémi Dreyfus effectue toute sa scolarité dans la capitale. Il obtient son baccalauréat de philosophie au lycée Janson-de-Sailly puis est diplômé dans la promotion 1939 de la prestigieuse école de commerce HEC. Il est également titulaire du brevet de préparation militaire supérieure. Du 10 octobre 1939 au 1er avril 1940, il travaille comme rédacteur dans un journal économique de la Société d’Etudes et d’Informations Economiques, boulevard Saint-Germain.

Incorporé le 15 avril 1940 au 61e dépôt de cavalerie à Saint-Germain, candidat élève officier de réserve, il est muté au Groupement spécial motorisé de Rambouillet pour suivre les cours préparatoires à Saumur. Il participe à la retraite des armées françaises entre Rambouillet et Limoges. Transféré le 16 août au 25e régiment de Dragons à Auch, il est promu maréchal-des-logis le 7 septembre 1940. Le 24 novembre, il est muté au 11e Cuirassiers à Lyon où il est démobilisé le 1er septembre 1941. En effet, les mesures anti-juives de Vichy lui interdisent de rester dans cette armée et il se retrouve chasser de son régiment.

Rémi Dreyfus se retire alors chez son père à Antibes. Il accompagne alors ce dernier, très malade, jusqu’à son décès le 20 novembre 1941. « Il est mort officiellement d’un cancer mais, en fait, il est mort de chagrin : son pays détruit, sa banque détruite, la mairie de son village (il en était le maire depuis 25 ans) dont l’accès lui a été interdit car il était juif, alors que dans ma famille, on se définissait comme français, laïques, républicains, porteurs d’un nom plutôt célèbre. » Le désarroi de son père confronté à la disparition de la République et de ses valeurs reste à jamais gravé dans la mémoire de Rémi Dreyfus.

Par réaction « purement et simplement patriotique », parce qu’il veut défendre son pays, Rémi décide de rejoindre l’Angleterre. Il se rend à Lyon, Toulouse, Marseille et Annemasse pour trouver une filière et prendre des renseignements. C’est à Toulouse qu’il trouve le contact pour passer en Espagne grâce à une famille, les Weinbach, qui avait déjà aidé son frère quand il avait voulu partir pour l’Angleterre. Colette Braun, qu’il épousera après-guerre, membre du mouvement Combat à Toulouse, le met en relation avec un réseau de passeurs. Il franchit la frontière franco-espagnole avec un contrebandier rémunéré le 4 février 1942 à Osseja (Pyrénées-Orientales).

Avec l’aide de paysans catalans et grâce aux conseils de son frère déjà arrivé à Londres, Rémi Dreyfus rejoint le consulat britannique de Barcelone le 9 février qui le fait conduire à Madrid le 16 février. Il rejoint ensuite l’ambassade britannique de Lisbonne le 16 avril et enfin Gibraltar le 26 avril. Il demande alors à être dirigé sur l’Angleterre en vue de son incorporation au sein des Forces françaises libres. Le 6 mai 1942, il quitte Gibraltar pour la Grande-Bretagne et arrive au port de Greenock le 13 mai 1942. Durant son périple, il a utilisé les pseudonymes de Rémy Lacoste et Roland Young.

Le 5 juin 1942, il signe officiellement son acte d’engagement dans les Forces françaises libres avec effet rétroactif au 4 février 1942. Au sein des FFL, il utilise le pseudonyme de Daniel Plowright, patronyme également utilisé par son frère depuis son engagement dans les rangs de la France libre. Il sollicite une affectation dans l’Infanterie de l’Air, les parachutistes, dans l’idée d’être opérationnel plus vite. A compter du 13 juin 1942, Rémi suit l’entraînement des cadets à Ribbersford Hall, promotion "Bir Hakeim". Promu aspirant le 10 décembre 1942, il rejoint enfin l’unité convoitée en étant muté à l’infanterie de l’Air le 1er janvier 1943 puis au 3e régiment de chasseurs parachutiste le 21 avril suivant.

Entre 1942 et août 1943, les volontaires français reçoivent une préparation au saut et un entraînement physique très dur à l'Ecole de la 1ère Brigade Indépendante de Parachutistes Polonais à Largo en Ecosse. Le détachement placé sous les ordres du sous-lieutenant Clévenot, auquel appartient Rémi Dreyfus, arrive au centre d'instruction de Largo le lundi 19 avril 1943. Après 15 jours d'instruction préparatoire, les hommes rejoignent la base de Ringway et effectuent leur "parachute course" du 4 au 16 mai. Rémi Drefus est breveté parachutiste à Ringway le 4 mai 1943. Les volontaires reçoivent leur brevet polonais le 19 mai 1943.

Le 1er janvier 1944, Rémi Dreyfus est nommé attaché de 2e classe de liaison administrative. Les attributions et le rôle de la Mission militaire de liaison administrative (M.M.L.A.) créée le 30 août 1943, ont été définis notamment par le décret du 2 octobre 1943 et l'ordonnance du 14 mars 1944. Elle a pour rôle d'établir entre les Forces alliées engagées sur le théâtre d'opération au moment de la libération de la France d'une part, les populations, les autorités et les fonctionnaires français d'autre part, les contacts nécessaires pour défendre la souveraineté française et assurer au maximum l'aide et la coopération entre les éléments français et les Alliés.

Le commandement allié ayant besoin d’un combattant bilingue anglais-français pour les opérations de débarquement en Normandie, Rémi Dreyfus est incorporé à la mythique 6ème division aéroportée britannique (6th Airborne division) pour le Jour J. Au matin du 6 juin, il prend place dans un planeur tracté par un bombardier quadrimoteur. « Par le hublot, je voyais des centaines de bateaux, j’entendais les escadrilles de chasse. Notre convoi comptait 300 planeurs. Je me suis dit : “Ce n’est pas possible, nous sommes invincibles !” ». Il atterrit dans l’après-midi dans le secteur de Ranville, au nord-est de Caen, pour sécuriser le flanc le plus à l’est du Débarquement. Dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, puis durant les autres nuits, il réalise des patrouilles dans des zones encore occupées par les Allemands pour identifier les lieux où l’ennemi est toujours présent. "Nous en avons fait quatre ou cinq, de ces missions de reconnaissance. Lors de l'une d'elles, j'ai repéré une vingtaine de blindés allemands cachés dans un petit bois, bien reconnaissable sur la carte. Je suis rentré, j'ai signalé l'existence de ce petit bois et de ce qu'il cachait : les bombardiers ont été les détruire à dix heures du matin".

Fin juillet 1944, Rémi Dreyfus retourne en Angleterre. Le 15 août, jour du débarquement en Provence, il est parachuté entre Chalons et Mâcon. Sa mission : couper la nationale 6 aussi souvent que possible, « pour bloquer la route aux troupes allemandes qui se dirigeaient vers le nord. J’étais attendu par le maquis du Charolais. J’avais 400 kilomètres d’avance sur les troupes alliées. Notre mission était de couper les communications de La Rochelle à Belfort ! La brigade SAS a été d’une efficacité redoutable. Mon secteur était peu propice à l’embuscade et aux sabotages : peu de forêts traversées, routes longilignes… Le 4 septembre, l’armée française traversait “mon” territoire ». Un souvenir assombrit cette libération : le combat meurtrier de Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire), au cours duquel de nombreux soldats français ont laissé la vie.

Le 25 septembre 1944, Rémi Dreyfus est promu sous-lieutenant (lieutenant le 25 septembre 1948). Il est démobilisé le 21 août 1945 et retourne à la vie civile. Il entre dans une chaîne de grands magasins, dont il dirigera les centrales d'achats pour le reste de sa vie professionnelle.

Décorations : Officier de la Légion d’Honneur, médaille militaire (1947), croix de guerre 1939-1945 avec deux palmes (citations à l’ordre de l’armée aérienne des 19 janvier et 25 janvier 1945), médaille des évadés (1946), médaille commémorative des services volontaires dans la France libre (1955), médaille des engagés volontaires (1955), insigne des Forces françaises libres numéro 7 042.



Auteur : Fabrice Bourrée

Sources :
Archives privées Rémi Dreyfus
Service historique de la Défense,  16P 182360 et 28P2 275 / 44217
Figaro Magazine, 31 mai 2019
L’Humanité, 6 juin 2014
« D-Day : Trois vétérans français se souviennent de leur 6 juin 1944 », 22 mai 2019 [en ligne]
« Rémi Dreyfus, parachuté en Saône-et-Loire en 1944, a fêté ses 100 ans », 30 mai 2019 [en ligne]
Site "Parachutistes SAS de la France libre"
Site francaislibres.net