L’attaque de La Roque, "Virgule" et Lacado, 8 août 1944

Légende :

Jean-Paul Nathan venu constater la destruction de La Roque après l’attaque du 8 août 1944.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Amicale des maquis de Vabre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Août 1944

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn

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Contexte historique

Depuis le 6 juin 1944, les maquis du Tarn Sud voient un afflux de volontaires. Les Allemands, stationnés à Castres et Mazamet, accentuent leur pression sur eux. Le 20 juillet 1944, le Corps franc de la Montagne noire (CFMN) subit une attaque massive l’obligeant à se disperser. Depuis le début août, les parachutages sur le terrain Virgule, près de Lacaze, se font plus nombreux et moins secrets. Habituellement, les maquisards sont informés, par la résistance des PTT, des mouvements des Allemands, qui de plus en plus inquiets, ne circulent plus qu’en colonnes blindées, sauf lors de l’attaque du 8 août sur La Roque.
Henri Combes, le capitaine Campagne explique : "chaque fois que les colonnes allemandes ont quitté Castres en direction de la montagne, nous avons été immédiatement alertés et il ne s’est rien passé de grave pour nous (…) Cela a toujours marché, sauf un jour, où ils sont passés par Boissezon, ils sont arrivés à Brassac, mais ils ne sont pas passés devant la gare. Ils sont arrivés à La Bassine, mais là, comme il était deux heures et demie du matin, le chef des Eaux et Forêts s’était assoupi, fatigué, en se disant il n’y aura plus rien, et ils ne sont pas passés devant la gare de Viane. Ils sont arrivés au terrain de parachutage et il y a eu sept morts. Ça a été le premier combat (8 août)". Ainsi, c’est un vrai choc pour les maquisards qui, jusqu’alors, avaient été prévenus à temps.

Le compte-rendu de cette attaque, par le lieutenant Lagnès (Robert Gamzon), commandant la compagnie Marc Haguenau, daté du 9 août 1944, souligne à la fois la brutalité du combat et l’effet de sidération produit par cet assaut allemand. Il commence par le récit de la réception des containers sur le terrain de parachutage : "vers 4h45, le ramassage des containers étant commencé (…) À ce moment, on m’a signalé des bruits de chenillettes sur la route du col de la Bassine".

Il explique ensuite, chacune de ses décisions pour essayer de tout protéger, lorsqu’il comprend que les Allemands visent spécifiquement le maquis et qu’ils sont parfaitement renseignés. Même les trois hommes de garde n’ont rien vu venir ! et le lieutenant Lagnès, est surpris par leur passivité : "Ces trois hommes nous ont rejoint par la suite, mais paraissent nettement plus fautifs de ne pas avoir tiré (…) Ils avaient tout de suite compris que c’était une attaque allemande. Persuadés que la mitrailleuse avait entendu cette fusillade, ils avaient jugé inutile de tirer eux-mêmes et s’étaient planqués dans le fossé (d’où ils nous ont rejoints ultérieurement). Ils auraient pu ouvrir le feu et attendre le premier véhicule allemand qui était une voiture mitrailleuse découverte, au lieu d’être surpris à bout portant par le feu adverse. Je compte faire une enquête complémentaire et demander des sanctions et éventuellement passation en conseil de Guerre". Pour le Lieutenant, c’est une faute grave !

L’attaque est coordonnée sur les trois sites : "Virgule", La Roque et Lacado. "(…) une fusillade assez intense fut entendue dans la direction de La Roque qui devait être simultanément attaquée. J’en conclus d’une attaque générale du secteur et que la défense du terrain était impossible contre les forces importantes qui pourraient arriver dès la pointe du jour". Le récit est d’une précision militaire : heures, positions, armes sont notées. Les hommes n’ont ni dormi, ni mangé, et les troupes sont épuisées, précise-t-il. "Nous arrivâmes au nord de Camalières vers 8h30 (…) un convoi allemand y arrivait également (…) Il comportait environ 3 automitrailleuses, 7 camions, 3 motos. J’ai envoyé un homme au courant pour prévenir La Roque de cette arrivée (…) observant la route Viane-Lacaze, nous vîmes une colonne de chenillettes (cinq ou six étaient visibles au moins), pendant que les Allemands se déployaient en tirailleurs au sud de la route. J’en conclus à un encerclement et décidais de camoufler mes hommes, d’abord dans le bois puis dans les haies, en attendant la fin de l’attaque". Les Allemands nombreux et bien équipés fondent de toutes part ssur le maquis. Le combat semble disproportionné, c’est pourquoi le lieutenant préfère le repli à une riposte frontale.

Le rapport sa focalise, ensuite, sur les évènements qui touchent Lacado et il souligne que l’attaque est bien planifiée, fruit de renseignements précis, glanés auprès de celui que Lagnès considère comme un traitre : Hans. "Ceux-ci opérèrent une attaque excessivement précise, prouvant une connaissance minutieuse des lieux et des habitudes de la section, et prouvant l’intervention, fort probable, de Hans dans l’action (…) Cette attaque de Lacado , beaucoup plus soignée que celle de la Roque, confirmerait mes soupçons concernant Hans, puisque celui-ci connaissait beaucoup mieux Lacado que la Roque et qu’il avait, à plusieurs reprises, insisté pour être versé à la Roque".

Il conclut par un tableau des pertes subies, tant sur le plan humain que matériel et précise aussi que les hommes sont physiquement très fatigués, mais gardent un excellent moral : "nous ne demandons qu’à prendre notre revanche et à être désignés, dès que notre équipement sera remis en état, pour attaquer ou dresser des embuscades".

Ainsi, cette attaque sur le terrain de parachutage Virgule, les maquis de la Roque et de Lacado, se solde par un lourd bilan : sept morts, dont trois sont des jeunes EI de la Compagnie Marc Haguenau : Gilbert Bloch, Roger Gotschaux et Rodolphe Horowitz. Les quatre autres sont non juifs : ldelfino Cavaliero, Gabriel Sicard, Henri Bernard et Victor Célestin.

Les témoins précisent que le lieutenant Lagnès, pour raviver le moral des troupes après la découverte des compagnons tués au combat, lut un passage du Deutéronome, et ce choix souligne à nouveau la dimension spirituelle forte animant les EI de ce maquis.

Le 15 août, le débarquement de la Première Armée française, du général de Lattre de Tassigny, en Provence, accentue la pression sur les troupes d’occupation. Le 19 août 1944, le train de Mazamet est attaqué par les maquisards de Vabre et deux jours plus tard, ils libèrent Castres.


Auteur : Valérie Pietravalle

Sources et bibliographie :
Mémorial de la Shoah, CCXV-4, "Rapport général sur l'attaque du 8 août 1944 du lieutenant commandant la compagnie MH"
Valérie Ermosilla (Pietravalle), La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.
Archives de l’amicale des maquis de Vabre.
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