Cécile et Henri Steingart

Légende :

Cécile et Henri Steingart photographiés en 1941.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Centre Medem-Arbeter Ring Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique noir et blanc

Date document : 1941

Lieu : France

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Contexte historique

Tsirl et Chaim-Herz Sztejngart, connus sous les noms francisés de Cécile et Henri Steingart, sont un couple exemplaire de militants du Bund en Pologne, en France où ils immigrent au début des années 1930, puis aux Etats-Unis où ils s’installent en 1951.
Henri est né en 1915 à Varsovie, Cécile en 1916 à Bialystok, tous deux dans des familles qu’ils qualifient de "misérables".
À eux deux, ils ont fréquenté les principales institutions de jeunesse du Bund qui ont fait la renommée du parti dans la Pologne d’entre-deux guerres : les écoles laïques yiddish de la Tsysho (Esther Richter Ika y est l’institutrice d’Henri), le sanatorium Medem près de Varsovie pour requinquer les enfants pendant l’été et le mouvement d’enfants Skif.
En 1929, pour échapper à la misère, Henri et sa mère décident d’émigrer à Paris. De même, en 1933, Cécile y rejoint sa sœur aînée. Cécile rencontre Henri une semaine après son arrivée, début d’un couple pour la vie ; Henri devient apprenti maroquinier, Cécile tricoteuse. Mais ils ont une autre ambition. Avec le jeune bundiste Markus Klok, ils fondent immédiatement la section française du Skif à la fois au sein du Cercle Amical – Arbeter Ring, (CA-AR, la société de secours mutuel qui rassemble les bundistes de Paris depuis 1929) mais aussi comme section juive des Faucons Rouges français (la jeunesse socialiste de la SFIO, elle-même intégrée à l’International Falcon Movement). Pour ces enfants âgés de 10 à 18 ans, ils organisent des activités de scoutisme en plein air, mais aussi des activités pédagogiques. C’est de ce groupe initial d’enfants, filles et garçons, que sont sortis dix ans plus tard les jeunes résistants du Bund.

Le couple obtient sa naturalisation française en décembre 1939, trop tard pour qu’Henri soit mobilisé. Quand la blitzkrieg éclate en mai 1940, le couple est retenu à Paris par une grave opération subie par Cécile, mais la mère d’Henri quitte Paris sur les routes de l’Exode et y disparaît sans jamais avoir été retrouvée. Dans Paris occupé, sous la direction d’Ika, Henri et Cécile participent au fonctionnement du Cercle Amical, en particulier de sa cantine (dans le cadre du Comité Amelot), pour apporter l’aide sociale indispensable aux milliers de Juifs qui sont restés, sans ressource, à Paris.

Après "la rafle du billet vert" du 14 mai 1941 qui aboutit à la détention de près de 4 000 Juifs étrangers dans les camps du Loiret, Cécile y accompagne Ika avec des femmes qui veulent retrouver leur mari, leur père ou leur frère. Comme Cécile est désormais de nationalité française, elle arrive à entrer dans les camps et à distribuer vivres et courrier. Elle échoue néanmoins à faire évader certains de ses amis qui ont été ensuite déportés. De retour à Paris, elle est présente lors de l’arrestation d’Ika par la Gestapo dans la cantine du Cercle Amical. Le couple quitte alors Paris et arrive en octobre 1941 à Saint-Didier-au-Mont-d’Or dans la proche banlieue de Lyon, là où s’est regroupé un noyau de familles bundistes de Paris.
"Nous avons commencé à travailler clandestinement. Nous avons retrouvé certains de nos anciens enfants qui étaient devenus des adolescents. Quelques-uns d’entre eux étaient déjà orphelins, de parents déportés, alors nous étions comme leurs parents. Ils passaient tout leur temps avec nous, chez nous".

Le Comité d’Action et de Défense de la Jeunesse Juive (CADJJ) est créé pour regrouper la jeunesse bundiste, la jeunesse communiste juive, la jeunesse sioniste et la 6e section des Éclaireurs Israélites de France (6e EIF). Il agit sur trois axes :
- La protection et le sauvetage : d’abord les faux papiers puis la cache des enfants dans des fermes, dans des familles françaises, dans des institutions religieuses avant leur passage clandestin en Suisse.
- L’action politique : pour l’information, avec l’impression ronéotypée et la distribution du journal en yiddish Undzer shtime ( Notre voix) pour les adultes, et en Français Le Réveil des Jeunes pour ceux du CADJJ, ainsi que des journaux et tracts pour le compte du parti socialiste clandestin représenté par Daniel Mayer et Suzanne Buisson.
- L’organisation de groupes de combat en vue de la prochaine libération : avec l’argent du Jewish Labor Committee de New York que le réseau bundiste reçoit par la Suisse, ils achètent des armes (à des policiers ou à des gendarmes…) et commencent l’entraînement des jeunes avec le bundiste et sergent démobilisé Abram Gordon. Plusieurs seront tués, dont Charles Szulc.

Après la Libération, à Paris, Cécile et Henri relancent avec succès l’activité du Skif qui permet aux enfants survivants et bien souvent orphelins de retrouver en partie le fil de leur jeunesse avec des activités extra-scolaires pour presque tous les jours de la semaine. A la suite du camp international des Faucons Rouges de Brighton en 1946, auquel ils peuvent participer avec une centaine d’enfants, ils obtiennent de généreux donateurs et du Jewish Labor Committee les fonds pour acheter un centre de colonies de vacances : Cécile trouve le château de Corvol dans la Nièvre, utilisé jusqu’à maintenant encore par le successeur du Skif, le CLEJ (Club laïque de l’enfance juive).

En 1951, le couple Steingart émigre avec un groupe de bundistes à Montréal puis à New-York. Henri reprend son activité de maroquinier, tandis que Cécile, après avoir été proviseure et enseignante des écoles juives du Workmen’s Circle, devient rédactrice au Forverts / Jewish Daily Foward, le célèbre journal yiddish créé à New York City en 1897 et toujours publié de nos jours sur internet. Henri est décédé en 2002, Cécile en 2013 et ils reposent dans le cimetière de Fort Lauderdale (Floride).


Auteur : Bernard Flam

Sources :
Entretiens de Cécile et Henri Steingart, New York, 1975 dans le cadre du projet "William E. Wiener Oral History Library of The American Jewish Committee" - NYPL SASB DOROT JEWISH DIVISION Rm 111- MK 593559 & MK 593540, traduits de l’Anglais et annotés par Bernard Flam.
"La résistance juive en France », Combats pour la Diaspora, numéro 23-24 du 3 ème trimestre 1988.
Fawjel Shrager, dirigeant de la résistance des bundistes de France, Un militant juif, 1979 - Les éditions Polyglottes et ses archives - Archives du Centre Medem.
Archives photographiques du Jewish Labor Committee - Tamiment Library and Robert F. Wagner Labor Archive - Photos.048 – box 6 - New York University.
Documents et Photos des archives du Centre Medem.