Monument commémorant le maquis Caillet à Mirmande

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Monument constitué de blocs de pierre calcaire gréseux. Il mesure environ dix mètres.

Date document : 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Mirmande

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Analyse média

Le monument du maquis de Mirmande, camp Caillet, a été érigé sur la route départementale 57 qui relie Mirmande à Marsanne en traversant la forêt portant le nom de cette dernière localité. Sa facture n’a pas la même envergure que celle du Mémorial des FFI de la Drôme dressé à quelques kilomètres, sur la même commune.

Le monument est pourtant intéressant pour diverses raisons. Autant le mémorial est symbolique par sa forme, autant le monument du maquis de Mirmande est didactique et imagé par ses inscriptions.

Adossé à une pente couverte d’une garrigue de chênes verts favorable à la cache, limité par un muret, le monument est composé de plusieurs éléments.

Sur la terrasse supérieure, carrelée de pierres locales, on distingue de gauche à droite quand on est face au monument :
- un bloc calcaire sur lequel une mitraillette Sten a été gravée. C’est l’arme symbolique de la Résistance.
- une stèle de moins d’un mètre de haut avec, sculpté, un container suspendu à un parachute ; autre action symbolique de la Résistance.
- un bloc d’une trentaine de centimètres comportant la date d’un événement : 16 août 1944 arrivée des troupes alliées à Mirmande. La date prête à confusion. On serait tenté de penser que l’on évoque l’arrivée des premiers éléments de l’armée états-unienne débarquée le 15 août 1944 sur les côtes provençales. Il semblerait que ce soit le passage de la mission Jedburgh Monocle qui soit signalé par cette date. L’équipe de cette mission avait été parachutée près d’Apt dans la nuit du 13 au 14 août. Mais le témoignage de Fernand Boullon dans l’ouvrage Pour l’amour de la France, page 389 situe au 17 août la présence du commando Monocle. La date du 16 août 1944 est donc discutable.
- une stèle haute d’environ un mètre et portant comme inscription : maquis de Mirmande (camp Caillet) 1943 1944, le dessin d’un brassard FFI, ici 63 hommes ont porté ce brassard. L’inscription est intéressante car elle définit le lieu, un personnage, la période d’activité du maquis, le nombre de maquisards. Aucune action n’est citée. Si l’on regarde sur le côté droit de la stèle, on distingue une croix de Lorraine. Position surprenante, normalement elle devrait se trouver sur la face principale de la stèle. L’auteur de la notice ne connaît pas la raison de cette disposition. Un certain refus du gaullisme ? Cet agencement est d’autant plus troublant qu’une croix de Lorraine, réalisée en carreaux de mosaïque, inscrite dans un V a été disposée sur le mur de soutien au-dessus de la pierre évoquant l’arrivée des troupes alliées à Mirmande le 16 août 1944. Cette croix de Lorraine veut-elle suggérer, visuellement, au passant, que les FFI ont joué un rôle important dans la Libération, aux côtés des troupes alliées ?
- un bloc d’une trentaine de centimètres porte l’inscription : FFI, 17éme compagnie, 3éme section. Elle précise l’appartenance du maquis Caillet et sa place dans le dispositif militaire de la Résistance armée drômoise.
- une plaque qui attire, dès l’abord, le regard du passant. Elle rend hommage à l’homme qui a permis la réalisation du monument édifié en 2002. Fred Samuel (1907-2006), joaillier de renommée internationale, pourchassé, s’est réfugié dans la Drôme et a participé au maquis de Mirmande sous le pseudonyme de Soulas.
- 15 piquets tricolores couronnent le tout.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

Le maquis Caillet prend naissance en avril 1944. Il se situe à environ un kilomètre de la route des Grands Rigauds, qui va de Mirmande à Marsanne. Son existence, pour être éphémère - trois à quatre mois - revêt une grande importance locale. Le maquis Caillet est rattaché, en juillet, à la 17ème compagnie AS Drôme, capitaine Vernier (« Valière-Vallière »).

Charles Caillet, maire de Mirmande, révoqué par le gouvernement de Vichy, constitue, dès 1942-1943, une structure d'accueil, avec l'aide de certains paysans de sa commune et des communes voisines. Le cadre local constitue un milieu sans doute favorable, par son histoire, ses capacités nourricières, son esprit modéré, solidaire et patriote.

« Dès 1942, écrit Pierre de Saint-Prix, une organisation de camouflage et de « planquage » des militants recherchés par la police, des Juifs et plus tard, des jeunes qui veulent échapper au STO, fonctionnait efficacement. Plus de 1 500 réfractaires ont transité à Mirmande, soit chez Louis Combe, soit dans la ferme de Charles Caillet, véritable dispatching où s'opérait la répartition des candidats bergers ou arboriculteurs, chez les exploitants agricoles du voisinage. Tout Mirmande résistait : le boulanger Coste, Besson le menuisier, Rouveyre le cafetier, Testu, Monsieur et Madame Blanc, l'instituteur secrétaire de mairie et sa femme, etc. Marcelle Rivier hébergeait Lövenstein qui put longtemps, bien que de confession israélite, vivre à découvert, informé par les gendarmes de Loriol, que Caillet tenait en main, des rafles ordonnées par Vichy ». Il faut confronter ce tableau idéal à d'autres témoignages : il ne peut y avoir eu 1 500 réfractaires. Le colonel Moulin, excessif dans l'autre sens, « compte en tout treize hommes » pour l'effectif du maquis. En fait, selon des anciens de ce maquis, il comptait entre cinquante et cent personnes, selon le moment, entre avril et septembre 1944.

La constitution du maquis Caillet fin avril 1944, est provoquée par l'arrestation par la Gestapo de Marc Pestre, maréchal-ferrant de Saulce, sympathisant communiste, membre du réseau Buckmaster-Roger, qui cachait des armes. Mais la Gestapo échoue dans sa tentative d'arrestation de Pierre de Saint-Prix et de trois autres résistants, chez eux. Tous les quatre doivent se cacher et ils créent un camp dans la forêt de Mirmande, avec la complicité de Caillet, aux Grands Rigauds. Le débarquement du 6 juin 1944, et l'appel à l'insurrection qui l'accompagne, bousculent les réfractaires : les plus décidés quittent les fermes où ils se cachaient et rejoignent le camp. Quelques jeunes de Mirmande et Saulce, des fugitifs, viennent également en renfort. Jean Bouyon fuit les Chantiers de la jeunesse pour revenir à Saulce. Le 3 juin 1944 ; il arrive aux Grands Rigauds et donne, plus tard, ses impressions sur le camp.
« Il était installé sur une pente douce, à flanc de colline. On y avait édifié quelques cabanes très rustiques, faites avec des branchages. Nous changions assez souvent ces branchages et, plus spécialement, ceux formant le toit, car, au bout de quelques jours, cette végétation commençait à flétrir, étant ainsi plus facilement repérable du ciel : nous étions survolés de temps à autre par un petit avion allemand, un mouchard qui observait la région pour essayer d'y repérer d'éventuels maquis. L'intérieur était entièrement occupé par un grand bas-flanc situé à quatre-vingts centimètres au-dessus du sol. Une quinzaine de personnes pouvaient y dormir. Nous nous rasions quand le cœur nous en disait. L'eau était à peu près à 800 mètres de notre camp ».
« Comment nourrir tout ce monde ? » questionne Fred Samuel, ancien légionnaire, réfugié aux Reys-de-Saulce chez Courtin, alors sergent-chef de la compagnie ; il est l'un des rares à avoir une formation militaire.
« Les fruits, abondants, ne suffisaient pas. Il fallut quêter dans les fermes un mouton, quelques poulets. Les bouts de papier signés en échange ne contentaient pas certains fermiers. Néanmoins on renouvela l'opération avec les débits de tabac. Comment faire autrement ? Cela dura jusqu'à la fin juin. À ce moment-là, le succès des Alliés encouragea les directeurs de dépôts à nous ravitailler largement, depuis Montélimar. »
Quant à l'armement et à son maniement, l'appréciation de Jean Bouyon est édifiante : « Le lendemain de mon arrivée, on me confiait une mitraillette Sten. Ce même jour on m'initia au maniement des grenades, des cordons Bickford et des détonateurs qui allaient avec ».
Pierre de Saint-Prix précise certaines des difficultés rencontrées : « Nos connaissances en armement étaient limitées. Il s'agissait de retrouver, pour les monter ensuite ensemble, toutes les pièces constituant une même arme. Ce jeu de puzzle était long et fastidieux. Nous décidâmes d'essayer les Stens ».
Les actions militaires du maquis Caillet sont très diverses. Outre l'écoute de la radio de Londres, la récupération des parachutages et la cache des armes, le barbouillage des panneaux de circulation, destiné à dérouter l'ennemi en retraite, il y eut des sabotages de voies ferrées, « mais, écrit Jean Bouyon, nous n'étions ni spécialisés, ni entraînés pour ce genre d'opérations. De plus, nous ne possédions pas du tout le matériel nécessaire. Plusieurs tentatives avortèrent. »
D'abord maquis-refuge, il devient partie intégrante d'une compagnie FFI de l'AS en juin 1944. Paul Coste, réfractaire à Mirmande depuis le printemps 1943, remarque que, se joignant à une douzaine de transfuges du STO, quittant Mirmande, ils sont allés chercher du côté de Bourdeaux une organisation et un chef aptes à leur proposer un véritable plan de lutte. Le maquis Caillet participera à quelques escarmouches, peu de ses membres ayant reçu une formation à l'armement, même léger.


Auteur : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.