Carte d’identité de surveillant pénitentiaire

Genre : Image

Type : Carte d'identité

Source : © Centre de détention d’Eysses, salle de la mémoire. Droits réservés

Détails techniques :

Document papier avec une photo d’identité agrafée. Dimensions : 11,5 x 8cm.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Cette carte est conservée dans la salle de mémoire du centre de détention d’Eysses, espace consacré à l’histoire de la centrale de l’abbaye bénédictine à nos jours. Le nom du titulaire a été volontairement masqué. La carte a été délivrée par le directeur de l’administration pénitentiaire le 15 septembre 1943 à un surveillant né en 1917. Il est possible qu’elle n’ait jamais été utilisée puisqu’elle ne porte aucun tampon officiel ni signature. La photo d’identité du titulaire en uniforme pénitentiaire est agrafée sur la partie gauche de la carte.

La casquette-marine, que porte ce surveillant sur sa photo d’identité, remplace le képi dans l’uniforme des surveillants pénitentiaires en 1938. Elle porte une étoile et une fausse jugulaire argent. La casquette présentée ici est une casquette de simple surveillant. En effet, les surveillants-chefs ont deux galons circulaires, les premiers surveillants un seul galon.

Selon Philippe Poisson, une des origines possibles de l’étoile à cinq branches figurant sur la casquette, est l’appartenance à la compagnie de l’Etoile des archers du guet chargés à Paris, au XVIIe et XVIIIe siècle, de la garde des prisonniers relevant de la justice. Une étoile était brodée sur leur uniforme. La tradition voudrait que l’étoile pénitentiaire devenue signe distinctif après le Second Empire, soit une résurgence de cette ornementation.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Philippe Poisson, « L’uniforme du personnel de surveillance », « L’étoile à cinq branches », 2005 (http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com).

Contexte historique

Le personnel pénitentiaire chargé de surveiller les politiques n’a pas de caractéristique spécifique, il est constitué de petits fonctionnaires touchant le salaire plancher de la fonction publique mais organisé et combatif. La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 qui reconnaissait les syndicats ne s’appliquant pas aux fonctionnaires, les gardiens de prison mirent à profit la loi du 1er juillet 1901 pour se constituer en groupement sous la forme associative. La toute première structure vit le jour le 12 décembre 1905, nommée « Association Amicale des Gardiens de prison ». Compte tenu de ses conditions de vie et de travail, le petit personnel pénitentiaire réserva un excellent accueil à cette association. Le taux d’association était de 60% après un an d’existence seulement et en 1914, de 75% ! Malgré la loi de 1906 fixant à dix heures la durée quotidienne maximale de travail, elle était de 12h15 en 1907 à Eysses. A travers congrès et journaux (L’étoile, puis le Réveil pénitentiaire) l’association se battait pour des revendications matérielles (salaires, retraites, temps de travail, tableau d’avancement) mais aussi contre l’arbitraire qui trouve dans les prisons un terrain d’élection.

Christian Carlier souligne deux facteurs conjugués de recrutement avant guerre : proximité d’un ou plusieurs grands établissements et environnement rural peu favorisé.
D’après les dossiers du personnel de la centrale d’Eysses, la guerre accroît la part du recrutement local et rural. A Eysses : 67% du personnel est originaire du Lot-et-Garonne et des départements limitrophes (dont 22% de Villeneuve-sur-Lot), la moyenne d’âge calculée en 1943 pour 129 gardiens est de 30 ans et sept mois, nettement inférieure à celle calculée par Christian Carlier à la veille de la guerre (39 ans et trois mois pour l’ensemble des prisons et de 38 ans et neuf mois dans les maisons centrales).
A la centrale d’Eysses, pour faire face à l’afflux important de prisonniers, on détache des agents d’autres établissements, mais le recours aux auxiliaires reste indispensable. Ils représentent jusqu’à 66% des agents en 1943 et 1944. La principale motivation des nouveaux recrutés est d’assurer l’entretien d’une famille (le pénitentiaire reste plus que jamais, en ces temps de difficultés matérielles, un vivier d’emplois locaux), la seconde est d’échapper au STO. Pour les auxiliaires, l’âge moyen en 1943 est de 27 ans et six mois (3 ans de moins que pour l’ensemble du personnel), leur recrutement est encore davantage régional. Le taux de démission est de 41% ! S’ajoutent des licenciés (31%) pour faute dans l’exercice de leur fonction. Les plus courantes étant l’endormissement durant la surveillance (de nuit au service de guet en particulier) et la complicité avec les prisonniers (sortie de lettres, achat de pain pour le compte des détenus).


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Autres sources : Christian Carlier, L’Administration pénitentiaire et son personnel dans la France de l’entre-deux-guerres, Paris, collection Archives pénitentiaires, n°9, 1989. Alain Gilet, La naissance du syndicalisme pénitentiaire, 1905-1914, mémoire de titularisation de sous-directeur stagiaire, 24e promotion, direction Christian Carlier, janvier 1995. Christian Carlier, Histoire du personnel des prisons françaises du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Champs pénitentiaires, Editions de l’atelier, 1997.