Vue de la tribune lors de la « fête de la jeunesse »

Légende :

Vue partielle de la tribune installée dans la cour du préau 3 à l’occasion de la « fête de la jeunesse » le 16 janvier 1944.

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Inconnu

Source : © Dépôt MRN, fonds Amicale d'Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc. Dimensions : 5,5 x 8 cm.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Selon le témoignage de Robert Camp publié dans le bulletin Unis comme à Eysses de juin 2010, cette photo prise lors de la « fête de la jeunesse » organisée au cœur-même de la centrale d’Eysses par les détenus le 16 janvier 1944, montre au premier plan l’équipe sportive du préau 4. Au second plan, nous apercevons une partie de la tribune dressée dans la cour du préau à cette occasion. Quelques détenus présents sur cette photographie ont pu être identifiés. Dans le groupe se tenant debout, Gabriel Lapeyre est positionné à gauche et Paul Jauvin complètement à droite. Dans le groupe agenouillé, le premier à gauche est Robert Camp, le deuxième Robert Lornac et le dernier est Ange Ayora.

La tribune, d’une longueur de 15 mètres, a été confectionnée à partir de châlits. Les inscriptions que l’on aperçoit partiellement sur la tribune rappellent le caractère patriotique de la manifestation. Comme le révèlent les autres photographies prises lors de cette journée ainsi qu’un dessin, ces inscriptions sont les suivantes : « 1944, année de la libération », « Nous la ferons forte, libre et heureuse », « Nos héros, Faïta, Robert, David, Frid, Guy Mocquet, Paul Colette, Robert Georgelin, Bochetto, Bertrand, Cerveau, Bertone, Benac, nous les vengerons », « La libération nationale est inséparable de l’insurrection nationale », « Vive la France », « Nous vaincrons », « Vive le FPJ. Nous bâtirons des lendemains qui chantent. ». Ces inscriptions se veulent unitaires puisqu’elles reprennent à la fois des citations de Paul Vaillant-Couturier, l’un des fondateurs du Parti communiste français (« Nous bâtirons des lendemains qui chantent ») et du général de Gaulle (« La libération nationale est inséparable de l’insurrection nationale »).

La tribune est également ornée de dessins patriotiques sur lesquels figurent notamment une carte de France et une croix de Lorraine. L’ensemble est surmonté d’un portrait du général de Gaulle, certainement pour placer la compétition sous le signe de l’unification de la Résistance.

Ces clichés, pris clandestinement dans la centrale d’Eysses, ont pour objectif d’immortaliser un moment ressenti comme exceptionnel : un meeting résistant en pleine centrale sous le régime de Vichy ! Elles illustrent à merveille « la République d’Eysses ». Le détenu n’est plus soumis, silencieux, au garde-à-vous, tondu comme n’importe quel prisonnier de centrale. Bien plus, il redevient ce qu’il n’est même plus à l’extérieur, sous Vichy, un citoyen libre de penser et d’agir, mais à l’intérieur de murs bien gardés. On saisit là une émulation et un bouillonnement bien difficiles à contenir qui relativisent l’idée d’une utopie dans le projet de s’évader à 1200…


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Contexte historique

Le 16 janvier 1944, le Front patriotique de la Jeunesse organise une « fête de la jeunesse » comprenant le matin une compétition sportive inter-préaux dans la cour du préau 3 et l'après-midi récréatif agrémenté de spectacles au sein d'une salle du préau 2. Il s'agit, après l'évasion de 54 détenus début janvier, de remonter le moral des plus jeunes tout en canalisant leur ardeur, et de cimenter l'unité du groupe (gaullistes et communistes) autour des valeurs de la Résistance.

Le caractère patriotique de cette journée est renforcé par plusieurs éléments : la Marseillaise annonçant l'ouverture de la manifestation, la levée des couleurs nationales sur le mat dressé au centre du préau, les bannières aux couleurs alliées, le portrait du général de Gaulle surmontant la tribune et les nombreuses inscriptions patriotiques qui ornent celle-ci. Au centre de la tribune, une liste de noms de résistants fusillés ou déportés, appartenant essentiellement aux Jeunesses communistes ou aux FTP, rappelle la nécessité de poursuivre le combat mené par ceux-ci.     


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy, 1940-…, Paris, Editions Tirésias, 1992.

Témoignage d’Henri Entine au sujet de la fête de la jeunesse