Voir le verso

Rapport de Schivo au Secrétaire général au maintien de l’Ordre

Légende :

Rapport de deux pages daté du 26 janvier 1944, traité ici en recto-verso.

Genre : Image

Type : Rapport officiel

Source : © Dépôt MRN, fonds Amicale d'Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Support papier. Dimensions : 21 x 27 cm. Deux pages dactylographiées.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Ce rapport de Shivo envoyé directement au Secrétaire général au maintien de l’ordre le 26 janvier 1944 inflige un démenti cinglant à l’analyse de l’inspecteur général, qui avait choisi Eysses trois mois plus tôt, pour concentrer les condamnés dangereux : « comme vous le verrez la région est des plus mauvaises au point de vue national c’est le refuge de toute la crasse juive et internationale », la maison centrale est devenue un pôle autour duquel gravitent familles et organisations de résistance, et d’où le danger essaime « la région est devenue extrêmement dangereuse à cause précisément de la centrale où se trouvent des chefs de toutes les organisations révolutionnaires ». Il dénonce l’attitude conciliante de l’ancien directeur, M. Lassalle, envers les détenus, qui a notamment permis à 54 d’entre eux de s’évader au début du mois : « L’ex-directeur avait laissé établir à l’intérieur de l’établissement une telle anarchie et un laisser-aller de surveillance que ce qui s’est passé n’a pas étonné le personnel loyal à la tête duquel se trouvait le directeur Chartroule. ..». Enfin, il sollicite l’affectation de trois miliciens à sa « garde personnelle et à un service d’observation des surveillants ». En effet, il tient à exercer une surveillance sur certains gardiens qui selon lui servent d’intermédiaire entre les détenus et leurs familles.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.

Contexte historique

A la suite de l’évasion de 54 détenus du quartier cellulaire le 4 janvier 1944, la direction de la centrale d’Eysses est confiée au colonel milicien Joseph Schivo, ami personnel de Darnand. Schivo est militaire de carrière jusqu’en 1926, officier dans la Légion étrangère. Huissier de 1926 à 1937, il devient chef départemental de la Milice des Bouches-du-Rhône. N’appartenant pas à l’administration pénitentiaire, il prend son poste comme directeur de la centrale dès le 24 janvier 1944, avant d’être nommé sur contrat à titre temporaire à compter du 1er mars 1944. Dès le lendemain de son arrivée, il adresse un rapport au chef du gouvernement dans lequel il dénonce la trahison du directeur Lassalle, tout en annonçant son plan de sécurisation intérieure et extérieure. Jugeant le personnel peu sûr, il tente sans succès de placer ses hommes de confiance à leur place. Mais arguant de menaces contre sa personne, il parvient à obtenir la nomination de deux miliciens comme gardes du corps personnel.
Ce nouveau directeur est avant tout un milicien et c’est la mission d’ordre politique qui prévaut. La façade officielle de directeur d’une administration d’Etat s’efface derrière le milicien jusque dans la tenue. Le costume respectable de directeur fait place au gamma de la milice et à une arme. Il n’a de comptes à rendre qu’à son « chef », et sa correspondance adressée à J. Darnand (la plus nombreuse) est rédigée en termes plus militants qu’administratifs.

Lors de la libération de l’établissement le 19 juillet 1944, le directeur Schivo tente de prendre la fuite en passant par Agen où SS et miliciens se rassemblent en vue de se replier sur l’Allemagne. Il est finalement arrêté à Tarascon, après avoir été reconnu et signalé par la famille d’un ancien détenu. Il sera condamné à la peine de mort par la cour de justice du Lot-et-Garonne et fusillé, le 29 mai 1946, au Polygone d’Agen.


Sources : Corinne Jaladieu, Les centrales sous le gouvernement de Vichy : Eysses, Rennes, 1940-1944, thèse de doctorat, Histoire, Rennes 2, 2004. Archives nationales, Fontainebleau, dossier de carrière de M. Lassalle. Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.