Journal Défense de la France, n°10, 1er février 1942

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°10, February 1, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro composé de 6 pages format 21 x 32 cm. Papier jaunâtre de médiocre qualité, acheté au marché noir.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Cette 10e édition de Défense de la France est datée du 1er février 1942 et, vraisemblablement, tirée, comme les trois dernières, à 10 000 exemplaires sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941. La matrice est réalisée à partir d’une machine à écrire Offset.

Cette 10e publication est un « Numéro spécial sur l’éducation ».

Exception faite du premier article, dont Philippe Viannay se réserve la place, marquant ainsi sa position de chef, ce numéro est presque entièrement dû à la plume du professeur Dain, « Klein », professeur de l’Institut catholique.

- En exposant ses « Reflexions sur l’éducation », « Indomitus », introduit, en quelque sorte, ce numéro consacré à ce thème.

- Dans le second et principal article, « Les cadres de la jeunesse », l’auteur tente, en trois chapitres, de « montrer ce qui a changé ou, tout au moins, ce qu’on a tenté de changer du côté de la jeunesse » depuis les 18 derniers mois. Le professeur donne un aperçu de la situation de l’université au début de 1942 et de l’action des divers ministres de l’Instruction publique : Georges Ripert (6 septembre au 13 décembre 1940), Jacques Chevalier (14 décembre 1940 au 24 février 1941), Jérôme Carcopino (février 1941 à avril 1942).

 

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A cette époque, l’impression du journal se fait de nuit dans les caves de la Sorbonne, rue Cujas (Paris). L’entreprise encore très artisanale se gère, jusqu’à présent, en totale autonomie, selon les souhaits de son chef Philippe Viannay. Mais, avec l’augmentation des tirages depuis le début de l’année 1942, cette détermination à l’autogestion est de plus en plus lourde et il devient alors urgent de pénétrer plus avant le monde de l’imprimerie.

A partir du mois de février 1942, Défense de la France franchit une étape importante de son histoire : par l’intermédiaire de Paul Ranchon, Philippe Viannay rencontre un imprimeur professionnel, Jacques Grou-Radenez dont le bureau est installé au 11 rue de Sèvres (Paris) : cet « homme eut alors un rôle central et nous ouvrit littéralement les portes du sérail » confie Philippe Viannay. Il offre immédiatement son concours à Défense de la France et lui permet de « passer de l’offset au stade professionnel […]. » (1)

« Outre la fourniture du matériel, Grou-Radenez promet de dépanner Défense de la France pour l’impression de certains documents » 
(2), de mettre en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens et, surtout, de former les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et notamment à l’ensemble des règles de la typographie. Parmi eux Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement.

Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, rue du Montparnasse (Paris). Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.

Par ailleurs, à cette même époque, Défense de la France monte une centrale de faux papiers indépendante qu’il confie à Monique Rollin et Michel Bernstein.

« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support […]. Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (3)

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (4)

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich


Sources :
(1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Uhe certaine idée de la Résistance, Défense de la France, éditions du Seuil, 1995. (3) Philippe Viannay, Op.cit. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit.

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This tenth issue of Défense de la France is dated February 1, 1942 and was likely printed at approximately 10,000 copies on the Rotaprint that the movement acquired in the Spring of 1941. The layout was done on an Offset typewriter.
This tenth issue is a « Special Issue on Education: Apart from the first article, which was reserved for Philippe Viannay, marking his position as the head of the organization, this issue was written almost entirely by Professor Dain, « Klein », a professor at the Institut Catholique de Paris.

- By exhibiting his « Reflections on Education », « Indomitus », in a way, introduces the theme of the publication.

- In the second and principal article, « The Youth's Surroundings », in three chapters, the author attempts to « show what has changed or at the very least, what we have attempted to change about the youth » in the last 18 months. The professor gives insight into the situation of the university system at the beginning of 1942 and the action of several ministers of public education: Georges Ripert (September 6 to December 13, 1940), Jacques Chevalier (December 14, 1940 to February 24, 1941), and Jérôme Carcopino (February 1941 to April 1942).

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At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne on Rue Cujas in Paris. The still artisanal operation had managed, up to the present, to maintain full autonomy, according to the wishes of its leader, Philippe Viannay. But, with the increase in printing since the beginning of 1942, the determination to remain self-managed grew more difficult and it became necessary to enter into the world of professional printers.


In February 1942, Défense de la France took an important step in its history. Using Paul Ranchon as an intermediary, Philippe Viannay met a professional printer by the name of Jacques Grou-Radenez, whose office was situated at 11 Rue de Sèvres in Paris. This man « had thus a central role and literally opened the doors to his inner circle » confided Philippe Viannay. He immediately offered his support to Défense de la France, and allowed it to « format the paper on a professional stage [...]. » (1)
« In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (2), creating a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography. Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement.

From then on, the movement operated out of a workshop at 41, rue du Montparnasse in Paris. These apprenticeships at the printers help the young pioneers, on the whole, to learn on the job.

At the same time, Défense de la France launched an independent operation to create false documents under the charge of Monique Rollin and Michel Bernstein.

« Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compells us to leave our little ghetto. » (3)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (4)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Philippe Viannay, Op.cit. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain.  Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 41 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.

« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes. L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et, au fur et à mesure que les mois passent, la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout. »  

En France, la répression allemande à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus en plus violente, notamment depuis le décret Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941. 

Pourtant, peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement. Parachuté le 1er janvier sur le sol français, Jean Moulin, représentant personnel du général de Gaulle, a pour mission de fédérer tous les éléments de la Résistance autour de la France Libre.


Sources : Clarisse Feletin, Hélène Viannay, l’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans, éditions Pascal, 2004.

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The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism.

For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.
« The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult ». "The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap".

In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941.

Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom.

However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize. Parachuting onto French soil the first of January, Jean Moulin, the personal representative of General de Gaulle, was charged with the federation of all of the Resistance relating to the Free French Forces.

Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi