Bulletin de l’Amicale, n°1, 19 juin 1945

Légende :

Bulletin de l’Amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses.

Genre : Image

Type : Journal associatif

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Bulletin composé de 6 pages (3 feuilles recto-verso). Dimensions : 20 x 26 cm.

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Ce premier bulletin de l’amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses, daté du 19 juin 1945, annonce la création de l’amicale le 19 mai précédent et définit clairement ses objectifs :

« L’amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses a été constituée pour maintenir vivants la solidarité, l’esprit combatif, qui ont fait d’Eysses, sous la répression, une des forteresses de la résistance patriotique. Nous sommes fiers des succès remportés, fiers aussi des dures batailles menées. Aujourd’hui, un autre combat est engagé : la lutte pour la renaissance de la France. Fidèles à l’esprit de notre collectif de patriotes, nous apportons, là encore, la force de notre union.

UNIS COMME A EYSSES
Pour la liberté et la renaissance de la France
Pour l’épuration et le châtiment des traîtres
Pour le respect de la volonté nationale

Nos héros sont tombés pour libérer la France de toute trace du fascisme, pour assurer la sécurité de leurs enfants, de nos enfants ; c’est à nous à veiller au respect de ces engagements »
.

Les principaux objectifs développés dans les paragraphes suivants sont :
- La volonté de traduire en justice les collaborateurs.
- Le soutien moral et l’aide sociale aux familles des anciens d’Eysses.
- La défense des droits des anciens d’Eysses.

Sont ensuite traités les sujets directement liés à la vie de l’amicale qui a tout juste un mois d’existence, à commencer par la nomination d’un comité directeur provisoire dont la présidence est confiée à Stéphane Fuchs et la domiciliation du siège de l’amicale au 10 rue Leroux dans le XVIe arrondissement parisien (où l’actuelle Association nationale pour la mémoire des anciens résistants emprisonnés à Eysses tient toujours sa permanence hebdomadaire).

Le bulletin lance un appel à tous ses lecteurs afin de rechercher localement « tous les anciens du collectif d’Eysses » afin que leur union et leur regroupement rendent leur travail plus efficace. Il appelle également au premier rassemblement des anciens d’Eysses le 5 août 1945 à Villeneuve-sur-Lot, au cours duquel l’assemblée générale de l’amicale décidera de « la marche et de la direction définitive » de l’amicale.

Il informe également les lecteurs qu’une délégation de l’amicale s’est rendue à Eysses du 7 au 11 juin 1945 et dresse un bilan de cette visite. Elle indique au lecteur comment récupérer auprès du greffe de la centrale les effets personnels laissés à Eysses en mai 1944. Elle donne quelques renseignements récoltés sur place sur le devenir de leurs tortionnaires, fait état des chaleureuses retrouvailles avec les surveillants qui étaient venus en aide aux détenus et avec les responsables de la Résistance villeneuvoise, notamment Gérard Bouvard. Les délégués ont ensuite tenu un meeting dans la halle de Villeneuve devant une assistance nombreuse (« 4.000 assistants ») afin d’évoquer « l’historique du collectif d’Eysses ».

Un appel est lancé à tous les anciens d’Eysses pour recueillir leurs témoignages en vue d’en faire une édition. Le dernier paragraphe du bulletin donne des informations pratiques sur la procédure à mener pour faire annuler les condamnations prononcées par les tribunaux de Vichy.


Auteur : Fabrice Bourré

Contexte historique

Avant de quitter la centrale, les détenus, s’attendant à être déportés, font le serment que tous ceux qui sortiront vivants de l’épreuve, se retrouveront le premier 19 du mois de leur libération, à 19 heures au café Brébant à Paris. C’est ainsi qu’un peu moins d’un an plus tard, le 19 mai 1945, au lieu prévu, l’Amicale des Anciens Détenus Patriotes de la centrale d’Eysses est créée. Citons Raymond Prunières : « C’est en effet, le 19 mai 1945 qu’est née notre chère amicale. Fidèles aux vœux formulés dans la centrale, fidèles au rendez-vous fixé après la tragédie du 19 février 1944, nous étions une cinquantaine au café Brébant  à Paris. Visages émaciés ou encore gonflés d’œdème, rayonnants de se revoir, mais aussi quelle tristesse dans les yeux au souvenir de ceux qui ne viendraient pas, qui ne reviendraient jamais de l’enfer nazi. Nous étions là, parmi les premiers rapatriés, le typhus faisant encore ses ravages à Dachau. C’est alors qu’est née l’Amicale, à deux pas du  Brébant , dans la salle du Secours populaire de France. Que de tâches devant nous ! Il fallait accélérer le retour de ceux qui étaient encore derrière les barbelés ; il fallait renseigner les familles angoissées ; nous devions faire châtier les assassins de nos frères, les tortionnaires, les traîtres. Que de tâches, oui, mais comme tout paraissait simple ! La guerre était finie, c’était la fête du retour. Rien n’était trop beau pour honorer ceux qui avaient tout sacrifié pour la Patrie, ceux qui avaient tant souffert. » Un bureau provisoire est constitué sous la direction de Stéphane Fuchs et de Victor Michaut, avec un secrétariat provisoire composé de Henri Entine, Jacques Kahn et Raymond Prunières. En quelques semaines, l’organisation se structure ; une première lettre est envoyée aux rescapés qui annonce la constitution de l’Amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses, « décidée à maintenir dans l’avenir cette solidarité profonde qui a fait notre force et notre fierté dans les moments les plus durs […] Le bloc indivisible qu’ont formé les patriotes d’Eysses unis dans l’action sans distinction de convictions ou de croyances ». Après une réunion le 19 juin au siège du Secours Populaire et la sortie du premier bulletin le même jour, une première réunion du Comité directeur de l’Amicale a lieu à Paris le 15 juillet.

L’Amicale est hébergée provisoirement dans le 16ème arrondissement de Paris, rue Leroux, au centre d’accueil des internés et déportés politiques. Sa permanence hebdomadaire s’y tient toujours. L’amicale répond à un besoin d’affirmation identitaire suffisamment important pour que la grosse majorité des survivants d’Eysses-Dachau s’y retrouve : elle compte en effet huit cents adhérents en 1952. Le congrès du 25ème anniversaire en 1969 regroupe 160 délégués (anciens d’Eysses et représentants des familles). Une enquête effectuée par Jean Ringeval - une cheville ouvrière du bureau de l’amicale depuis sa création - en 1990, à partir d’un ensemble de 1476 noms de prisonniers passés par Eysses, donnait : 376 déportés et 34 internés passés par la centrale d’Eysses et membres de l’amicale. En décembre 2003, l’ensemble des deux catégories s’élevait encore à 194.

Le titre de l’amicale est modifié en 1987, afin de valoriser l’homologation comme bataillon FFI et de souligner le lien avec la déportation : « amicale des résistants, patriotes, emprisonnés à Eysses bataillon FFI-déporté à Dachau ». Face à la diminution des effectifs, depuis 1995, un collège des familles fait partie du bureau de l’amicale ; ses membres sont fondateurs en février 1997, d’une Association pour la mémoire des patriotes résistants déportés d’Eysses. En décembre 2003, la fusion de deux associations a été décidée, pour faire face aux difficultés de fonctionnement liées aux problèmes de santé rencontrés par les anciens dont les plus jeunes ont autour de 80 ans.


Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, Tiresias, 1992. Site officiel de l’association : http://www.eysses.fr.

Rapport anonyme sur la cour martiale et les exécutions d’Eysses

Une du bulletin Unis comme à Eysses, n°180, novembre 1992