Manifestation des anciens d’Eysses à leur retour de déportation

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Inconnu

Source : © Dépôt MRN, fonds Amicale d'Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc. Dimensions : 12,7 x 9 cm.

Date document : 4-5 août 1945

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Cette photographie a été prise le 5 août 1945, lors de la première manifestation des anciens d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot. Une des tâches primordiales que s’est assignée l’Amicale des anciens détenus patriotes de la centrale d’Eysses, fondée quelques mois plus tôt, est le châtiment des collaborateurs et miliciens, responsables des exécutions de février 1944 et de la déportation du Collectif d’Eysses en mai 1944. A droite, en tenue de déporté, on reconnaît Henri Colombeau. Le panneau porté par un ancien déporté, également en tenue concentrationnaire, ne peut être plus explicite : « Les survivants d’Eysses vengeront leurs morts. Pétain – Laval – Darnand – Schivo – DUPIN au bout d’une corde. » Le dessin représente un homme en uniforme arborant l’emblème de la Milice et la croix-gammée, pendu à une potence sur laquelle sont gravées les initiales « RF » pour République française. Il symbolise donc la république condamnant à mort les traîtres à la patrie, miliciens et collaborateurs.


Auteur : Fabrice Bourrée

Contexte historique

La volonté pour les anciens d’Eysses de venger leurs morts est constitutive du serment d’Eysses, fidèle au réquisitoire d’Henri Auzias avant son exécution le 23 février 1944. Elle se traduit par une action en justice dans les procès d’épuration. L’amicale œuvre d’abord pour la condamnation du directeur milicien Schivo, de son épouse, et de ses deux gardes du corps miliciens. La démarche est collective, le bureau de l’amicale rédige un acte d’accusation tandis que plusieurs anciens d’Eysses vont témoigner à charge aux procès. Son action est couronnée de succès ; face à un faisceau de preuves accablantes, la condamnation à mort des miliciens fanatiques : Schivo, son épouse et son garde du corps Alexandre, est logiquement obtenue. Ils comparaissent devant la Cour de Justice du Lot-et-Garonne le 13 mars 1946 ; les deux hommes sont exécutés, madame Schivo voit sa peine commuée - comme il est de coutume pour les femmes - en travaux forcés à perpétuité, puis à vingt ans.

Peu après cette exécution, le parquet de la Cour de Justice est saisi du vœu de l’amicale demandant des mesures contre le lieutenant Martin - commandant le feu du peloton d’exécution - et contre le premier surveillant Dupin dénonciateur de neuf des détenus fusillés. Les efforts de l’amicale et l’acte d’accusation qu’elle rédige, aboutissent à sa condamnation en décembre 1948, aux travaux forcés à perpétuité, mais sa peine est rapidement commuée et il est libéré en avril 1952 ; ceci suscite une vive protestation de la part de l’amicale qui multiplie les démarches auprès du Parlement, envoie une lettre au président de la République, autant d’initiatives inefficaces dans ce contexte de « réconciliation nationale ».

Quant au lieutenant Martin, il échappe à son inculpation, dans la mesure où il apparaît qu’il n’a aucune responsabilité pénale dans cette affaire ; les représentants de l’amicale d’Eysses lui reprochent, non d’avoir commandé les forces de police, mais d’avoir commandé le peloton d’exécution ; le commissaire estime en effet pour sa part qu’aucune poursuite pénale ne peut être juridiquement justifiée, à moins que l’on établisse à son encontre une activité personnelle, consistant au dépassement des ordres reçus par l’Intendant de police Hornus. Or, dans cette hypothèse, on pouvait aussi bien reprocher aux hommes du peloton d’avoir visé les condamnés au lieu de tirer en l’air ou de mettre bas les armes. Il propose donc de prendre en sa faveur une décision de non lieu. On perçoit ici toute la complexité juridique d’un tel procès, qui explique l’efficacité relative de l’amicale en matière d’épuration.


D’après Corinne Jaladieu, « La naissance d’une amicale », non publié.