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Carte de travail d’un requis du STO (Arbeitskarte)

Légende :

Carte recto-verso des deux premières pages en allemand.

Genre : Image

Type : Document officiel

Producteur : Imprimerie Verdruck Umschlagblatt

Source : © ADD, 132 J 34 Droits réservés

Détails techniques :

Deux feuilles cartonnées format 21 x 27 cm, pliées en deux.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

Cette carte est une véritable carte d’identité, avec photo, empreinte digitale… Elle ne « permet » de travailler que dans l’entreprise indiquée. La page 3 donne l’emploi de cette carte en douze langues. Ce titulaire devait aller travailler chez Schneider à Rothenburg du 17 avril 1943 au 23 mars 1945.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Les oppositions à la Relève ne se font pas attendre, probablement aidées à partir du Centre de recrutement de Valence noyauté par l’ORA (Organisation de Résistance de l'Armée). Ainsi, le 30 juin 1942, des tracts sont distribués et des affiches placardées dans le nord de la Drôme, à Saint-Vallier, Saint-Uze, Saint-Rambert-d’Albon et Andancette, protestant contre l’allocution du président Laval. Les gendarmes s’empressent de lacérer ces affiches et de ramasser ces tracts avant que la population en ait pris connaissance.

Comment les pétainistes peuvent-ils convaincre les jeunes Français ? Fin juillet 1942, Carrel, le directeur de l’Office de placement allemand à Romans, comptant amadouer la population, invite les familles des rares volontaires et des prisonniers de guerre à une séance gratuite de cinéma. L’abbé Lémonon lui fait une réponse vigoureuse.

L’émotion des Français et la protestation s’amplifient lorsqu’est instaurée la réquisition de main-d’œuvre en septembre 1942 : des distributions de tracts appellent maintenant les ouvriers à la grève. Le 29 octobre, à la fabrique de chaussures Bady et à la fonderie Goguet, de Romans, au cartonnage Branchard de Bourg-de-Péage, les ouvriers font une grève d’une heure, en commençant le travail à 15 heures au lieu de 14 heures.

Le 1er novembre 1942 le préfet signale que la Relève est exploitée à des fins politiques par les opposants au régime et notamment le parti communiste, que la résistance à la collaboration s’accentue et que l’idée de la relève est de moins en moins populaire. Sur 42 ouvriers sollicités dans l’industrie des métaux, 2 seulement sont partis. Le préfet rapporte en outre qu’un industriel de Valence, Marcel Barbu*, a engagé ses ouvriers à refuser le départ pour l’Allemagne et s’est entendu avec son personnel pour s’opposer à la Relève. Il est arrêté et interné au Fort-Barraux en Isère. Début décembre 1942, sur 106 ouvriers drômois assignés à partir pour la Relève, 76 se sont révélés défaillants. Dans son rapport de janvier 1943, le préfet indique qu’à défaut de sanction, on les fait garder à vue. Pour la première fois le 24 février, les ouvriers partant pour la Relève en gare de Valence chantent La Marseillaise sur le quai de la gare.

L’initiative de Laval, la loi du 16 février 1943 instituant le Service du travail obligatoire (STO), provoque un choc dans l’opinion et la panique dans les familles concernées. La population, les travailleurs sont indignés. Les jeunes gens nés en 1920-21-22 doivent se faire recenser dans leur mairie, l’attribution des cartes d’alimentation de mars sera subordonnée à la justification de cette formalité. Des catégories indispensables (agriculteurs, cheminots, policiers…) sont exemptées.

Des bras vont quitter le foyer, des ressources vont cruellement manquer en ces temps de restrictions. Et, on le sait, ces hommes vont s’exposer aux dangers des bombes alliées déversées sur l’Allemagne. Des peines de prison et des amendes frapperont ceux qui ne se soumettraient pas, étendues peu après aux personnes qui leur auront prêté assistance ou les auront hébergés.

L’hostilité de l’opinion se manifeste. Dans son rapport de mars 1943, le préfet signale que les opérations de la relève rencontrent une hostilité grandissante : « Les départs pour l'Allemagne sont considérés comme une véritable déportation […]. Les défaillants sont de plus en plus nombreux. Les recherches effectuées par la gendarmerie restent généralement infructueuses, car ceux qui se cachent trouvent des complicités agissantes dans tous les milieux ».

Début mars, Aimé Buix, secrétaire de mairie de Buis-les-Baronnies, envoyé à Valence avec Chastel comme chauffeur, simule une panne de gazogène qui les fait arriver en retard et il ne peut livrer la liste des jeunes concernés à temps. Les jeunes ne partiront pas cette fois.

C’est dans les gares drômoises que se déroulent le plus souvent des manifestations contre le départ. Paul et Suzanne Silvestre signalent, sans le dater, un épisode de femmes couchées sur les rails à Montélimar. À Die, en janvier 1943, des jeunes des classes concernées organisent un tour de ville silencieux et déposent une couronne de lierre au monument aux morts. Le départ à Valence du 12 février 1943 est marqué par un incident : un jeune homme de 23 ans, Marcel Peyrent, requis du STO, célibataire, manifeste son hostilité : il monte sur un meuble du hall de la gare de Valence et harangue ses camarades : « Écoutez-moi ! Les nazis sont ignobles. Il ne faut pas partir en Allemagne. J’aime mieux mourir que de travailler pour eux ». Il sort alors un pistolet de sa poche et se tire une balle dans la poitrine en criant « vive la France ! ». Il n’est que blessé, on le transporte à l’hôpital. La Résistance pourra le soustraire aux recherches.

Le 9 mars 1943, à Valence, des requis ne s’étant pas présentés au départ de leur train pour l’Allemagne sont arrêtés chez eux ou sur leur lieu de travail par les GMR (Groupes mobiles de réserve) qui les emprisonnent. À l’appel de tracts diffusés par l’équipe d’Henri Faure, 500 personnes se rassemblent devant la gare de Valence pour protester et éviter le départ. Ils sont dispersés par les GMR . Mais, vers 13 h, la voie ferrée est coupée par le déraillement du fourgon de queue causé par des manifestants. 


La plus connue de toutes ces manifestations est celle qui se déroule le 10 mars 1943 en gare de Romans, où la foule conspue les GMR chargés d’encadrer l’embarquement de 300 jeunes requis, leur jette des pavés, tente de bloquer le train.

Dans la nuit du 20 mars 1943, 7 tracts polycopiés, signés du parti communiste et incitant les gendarmes et policiers à la désobéissance aux ordres de recherche des défaillants au titre de la Relève, sont déposés à la caserne de gendarmerie de Tain. À Dieulefit, les responsables d’une manifestation prohibée le 14 juillet, rappelés à l’ordre par le maire, reçoivent peu après leur convocation au STO : ils prennent le maquis.

(*) Marcel Barbu, idéaliste et chrétien social très actif, avait été expulsé en juin 1941 de Besançon où il dirigeait une entreprise de fabrication de boîtiers de montres et avait transféré son activité à Valence. Il sera à l'origine de la communauté de travail Boimondau (BOItiers de MONtres du DAUphiné) qui constituera plus tard le maquis de Combovin, commune où est créée une école des cadres du maquis. Lors d’un assaut allemand en 1944, neuf membres de la communauté sont arrêtés : l'un est fusillé, les autres déportés, dont Marcel Barbu qui reviendra de Buchenwald en mai 1945. Il sera député de la Drôme en 1945 et candidat à la présidence de la République en 1965.


Auteur(s) : Robert Serre
Sources : Martin Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse de doctorat de l’Université Paris IV Sorbonne, 2001, avec sa base de données. Lémonon (abbé Michel), Laurent ou l’itinéraire d’un prêtre-ouvrier, essai, Karthala, 2003. Fédération des Unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Drôme/Vercors 1940-1944, Peuple Libre Valence 1989. Buix Aimé « la Résistance dans les Baronnies » in Patrimoine Histoire et Culture des Baronnies, Bulletin de l'association des Amis d'Aimé Buix, n°29, 1er et 2e trimestre 1999. Dufour Lucien-Édouard, Drôme terre de liberté, Peuple Libre/Notre Temps, Valence, 1994.