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Citation du corps des pompiers de Belfort

Légende :

Citation portant attribution de la Médaille de la Résistance au corps des sapeurs-pompiers de Belfort

Genre : Image

Type : Citation

Source : © Archives municipales de Belfort, 5Z3 Droits réservés

Détails techniques :

Extrait de la plaquette "La Résistance à l'honneur. Fêtes patriotiques du 21 juillet 1946".

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Franche-Comté) - Territoire de Belfort - Belfort

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Analyse média

Texte de la citation :

« Compagnie de sapeurs-pompiers de la ville de Belfort :
Unité d'élite qui sous l'impulsion de son chef, le capitaine Perriguey, organisa dès le début de l'occupation la lutte contre l'ennemi. Au cours des incendies d'usines ou d'établissements travaillant pour l'ennemi, sut par des actions individuelles ou collectives, freiner toutes les attaques des feux permettant ainsi la destruction de ces installations. Visés directement en février 1942 par les services allemands du travail, eut 65 hommes, sur un effectif de 100, désignés pour le STO en Allemagne, 4 seulement furent emmenés. Eut, en permanence, depuis cette date, et jusqu’à la Libération, 60 réfractaires. Assura des transports d'armes et de ravitaillement pour les maquis. Conduisit par ambulance plusieurs résistants traqués par la Gestapo, dont le chef régional du mouvement Lorraine, transporta à la frontière suisse 350 jeunes gens échappant aux déportations. Se dépensa sans compter de multiples manières. Eut un caporal fusillé le 27 février 1944 à Besançon pour action de résistance, compte plusieurs déportés politiques, dont son capitaine et un sous-lieutenant. Fournit une vingtaine d'hommes aux FFI des maquis du Lomont et du groupement TB, unité qui poursuivit toujours dans la période d'occupation, à coté de son action dans la lutte clandestine, les belles traditions du corps d'élite auquel elle appartient.
Fidèle jusque dans le sacrifice à sa noble devise : « Courage et Dévouement ».


Contexte historique

Le Corps de Belfort est la seule unité de sapeurs-pompiers dont le drapeau soit décoré de la Médaille de la Résistance et de l'insigne « Rhin et Danube » de la 1ère Armée française.

En août 1940, des Belfortains mettent à l'abri une statue érigée avenue Jean Jaurès devant l'entrée de l'hôpital. Elle représente Miss Cawell, infirmière britannique fusillée par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Le geste est déjà un symbole fort. Parmi eux, le caporal Georges Blind.

En novembre 1940, un petit groupe se forme à Belfort. Le caporal Aloïs Martin en fait partie.
Témoignage écrit de R. Hennin : « En novembre 1940, formation d'un groupe, d'une équipe de sabotage, peut-être la première, avec Pierrepaque, Martin, Schwimmer, Boilletot , Guiguon, Spahn et Vebrel. A l'arrivée d'un chef de la Gestapo, organisateur du réseau de mouchards dans le Territoire, j'ai été chargé de surveiller ses activités. Me sentant surveillé de près, j'ai remis mon équipe entre les mains d'un autre groupe…» En fait, il met ses camarades en relation avec le capitaine Maurice Ferrand. Le « groupe Ferrand » entreprend des actions qui marquent la ville et la région.

Sur certaines activités au sein du Corps, voici ce que rapporte Jacques ERB, entré au Corps en 1942, et qui devient l'un des responsables du mouvement Lorraine : « J'étais à cette époque au mouvement Lorraine et en contact permanent avec le chef régional, René Fallas-Magnin, et avec Dugois et Chaignot, responsables départementaux. Grâce aux dérogations dont bénéficiaient les pompiers, et en particulier les cartes de circulation de nuit, nous avons pu mener certaines actions. L'une des premières fut la distribution de tracts et de journaux clandestins : Défense de la France et Lorraine. Journaux fournis par Fallas, que nous recevions de Paris, Montbéliard ou Nancy. Beurier et Vallet étaient les premiers contactés. Ces journaux distribués dans les postes [de pompiers] étaient diffusés de nuit dans les boîtes aux lettres. Début 1944, c'est au poste central que tous les journaux furent livrés. Jean Beurier, aidé par Hoenner, était chargé de la réception et d'en remettre une partie sur Montbéliard où ils firent plusieurs liaisons. Lorraine se servit des pompiers comme agents de liaison entre les différents responsables du mouvement, puis entre les membres de l'état major FFI qui fut organisé fin 1943-début 1944. En 1943, la compagnie eut à combattre des incendies dont l'origine se situait dans les organisations de Résistance. Les plus importants furent la menuiserie Dupont et les usines Renault. Le lieutenant Deshaie et le caporal Martin A. participèrent à de nombreuses actions de sabotage. La manière dont furent conduites les attaques de feu eut pour résultat la destruction totale de ces deux établissements travaillant pour l'ennemi. Petit à petit, nous étions arrivés à un état d'esprit essentiellement résistant à tous les échelons de la compagnie. Le capitaine Perriguey n’y participa pas directement à l'origine, mais devant l'ampleur de cette activité, ferma les yeux, puis milita lui-même vers mai-juin 1944 dans un réseau… »

Une part importante est donnée à l'évacuation de résistants, pilotes, réfractaires au STO Monsieur Fallas-Magnin, responsable régional de Lorraine, lui-même, en bénéficie. Sa tête est mise à prix, il est évacué sur la gare de Lure (70), celle de Belfort étant étroitement surveillée. Le sergent Lemercier et un conducteur, parfaitement au courant des risques, assurent le transport. Le sergent chef Walter héberge chez lui de nombreux jeunes Alsaciens déserteurs de l'organisation Todt. Il effectue plusieurs transports vers la frontière suisse.

D'autres actions plus symboliques, d'initiative personnelle, ont lieu. Tel est le cas du lieutenant Henri Deshaie qui, plusieurs fois, hisse le drapeau tricolore sur les glacis du château, drapeau que les pompiers, réquisitionnés, doivent enlever !!!

Reprenons le témoignage de Jacques Erb : « […] Après les arrestations massives d'octobre - novembre 1943, le poste central fut chargé d'aider la Croix-Rouge à porter les repas aux prisonniers détenus à la caserne Friedrich. Tous ceux qui eurent ce travail à accomplir devinrent porteurs de messages clandestins des prisonniers à leurs familles. » [...] « La liaison aussi fut un travail important, de même que le transport en ambulance de certains responsables locaux. L'abbé Dufay, commandant militaire du Maquis T.B. (Territoire de Belfort), bénéficia à plusieurs reprises de l'ambulance pour se rendre dans les différentes zones occupées par les maquisards. Le poste des Forges devenait, certains soirs, le lieu de rendez-vous de l'état major FFI. L'abbé Dufay, Guillaume et Folinais s’y retrouvaient en toute sécurité. Exemple typique de l'esprit de solidarité qui régnait alors : le fait que des réfractaires au STO, cachés depuis plusieurs mois, réapparaissaient en tenue pour apporter leur aide lors des bombardements et disparaissaient une fois le travail terminé. Certains Sapeurs Pompiers, une vingtaine, beaucoup réfractaires S.T.O, rejoignirent les maquis de la région, Lomont, T.B.… »

Cette libération à laquelle ils oeuvrent depuis le début, en tant que premiers engagés dans la Résistance, trois sapeurs-pompiers ne la vivent pas : les caporaux Aloïs Martin, Georges Blind, le lieutenant Henri Deshaie, tous trois du « groupe Ferrand ».

Arrêté le 27 janvier 1944 à Montbéliard alors qu'il est en mission de liaison avec son ami Marcel Schwimmer, Aloïs Martin est fusillé le 26 février 1944 à 7 h 29 à la citadelle de Besançon, il est le premier sapeur-pompier du corps mort pour la France en tant que résistant.

Le lieutenant Henri Deshaie, quant à lui, est arrêté le 1er septembre 1944. Le 5 septembre, il se trouve déjà dans un wagon du convoi I. 285 qui, au départ de Belfort, va conduire 176 hommes au camp de Buchenwald, lorsque des Allemands (SD Dijon) viennent le rechercher. Où est-il condui t? Probablement au siège du SD. Je ne retrouve sa trace que le 13 septembre, date à laquelle il est interné par le SD Dijon à la caserne Friedrich. Il est inscrit entrant à 16 h 00 dans la cellule 60. Motif : « Unterstützung der Résistanz. » (" Soutien à la Résistance "). C'est finalement le 3 octobre 1944 à 19 h 00, qu'il quitte définitivement Friedrich. Le registre d'écrou porte la mention : « Durch SD abgehölt. » (" Retiré par le SD "). Il prend place dans un wagon du convoi I. 289 qui, de Belfort, conduit 60 hommes au camp de Buchenwald. A son arrivée le 6 octobre, il reçoit le matricule N° 54615. Il est ensuite affecté au kommando de Langensalza, une petite ville où une ancienne usine textile est reconvertie en fabrique de munitions et pièces détachées pour avions. Le 7 avril, devant l'avancée des forces alliées, des déportés de Buchenwald sont évacués par un train sur le KL de Dachau. Sur les 5 009 déportés présents au départ dans les wagons, 816 survivants sont enregistrés à l'arrivée à Dachau. La moitié décède immédiatement ou dans les premiers mois après leur libération. Au 1er janvier 1946, ils ne sont plus que 400... Le lieutenant Deshaie repose dans une fosse commune de Dachau. Il est décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume.

Quant à Georges Blind, le célèbre « fusillé souriant », une notice lui est consacrée.


Auteur : Patrice Pruniaux, auteur du site http://pompiersbelfort.canalblog.com.