Francis Cammaerts

Légende :

dit "Grands Pieds" ou "Roger", agent du SOE britannique réseau Buckmaster, chargé du Sud-Est de la France.

Genre : Image

Type : Portrait

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : 1945

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Portrait de Francis Cammaerts qui date de 1945. Il était un grand gaillard, d’une belle prestance.


Auteurs : Jean Sauvageon et Robert Serre

Contexte historique

Dans le Sud-Est, le SOE (Special Operation Executive, créé par Churchill en 1940) envoya la mission Jockey, composée d’un seul homme, un extraordinaire Anglais, de descendance anglo-belge, Francis Cammaerts. Les réalisations et l’organisation des Unités qu’il forma révèlent toute l’importance que le SOE attachait aux maquis avant l’invasion. Jockey était l’un des plus importants des quarante réseaux de cette section du SOE, opérant en France en 1943 et 1944.

Francis Cammaerts était connu des chefs de la Résistance du Sud-est comme le major "Roger", ou quelquefois plus familièrement "Big feet" (Grands Pieds) en raison de sa taille.

En juin 1944, après douze mois en France, parcourant en automobile, à moto ou à pied, une zone immense, Cammaerts organise plus de cent équipes clandestines, d’environ quinze hommes chacune, avec leur code, leurs liaisons, leurs terrains de parachutage, instruites dans les sabotages, les harcèlements et la tactique des coups de main.

Cammaerts avait, en outre, une connaissance rare de la région. Sa personnalité, et une grande modestie, combinée à une volonté farouche dans le culte de la mission reçue, généraient, dans ses contacts, confiance et même affection, à un point tout à fait remarquable.

Comme sa mère était britannique et son père belge, il parlait anglais et français depuis son enfance. Après Cambridge, titulaire d’une licence d’anglais et d’une licence d’histoire, il devint professeur. En 1942, à l’âge de 26 ans, à la suite de la mort de son frère pilote dans la RAF (Royal Air Force), tué dans un combat, et malgré son antimilitarisme (il était objecteur de conscience), il rejoint le SOE, et passe par divers stages - parachutage, radio, sabotage. Il est formé aussi à l’instruction des recrues.

En mars 1943, déposé par un Lysander près de Compiègne, Cammaerts peut s’atteler à la mission de reconstruction des réseaux infiltrés par l’ennemi et en créer de nouveaux. C’est pourquoi il se rend sur la côte méditerranéenne où il prend contact avec un petit groupe de Résistance à Cannes. Sous le pseudonyme de "Jacques Thibault", il commence à circuler dans une vaste zone couvrant tout le sud-est de la France : à Avignon, dans le Vaucluse, au nord de Beaurepaire où il organise un premier parachutage en août 1943, à Montélimar où il prend contact avec Raymond Daujat et Roger Poyol, dans les Basses-Alpes à Digne, à Marseille, à Seyne-les-Alpes où il établit un de ses P.C. permanents et où, en 1944, de nombreux parachutages apportent argent et armes.

Cammaerts pouvait maintenir des contacts excellents avec le QG du SOE à Londres grâce à son opérateur radio, Auguste Floiras. Ce dernier était si expert et si consciencieux qu’il avait transmis plus de 400 messages sans avoir été détecté par les Services de recherche allemands.

Cammaerts est rejoint en 1943, par un autre agent du SOE, Pierre Raynaud (pseudonyme "Alain") qui l’aidait dans la recherche et l’établissement des terrains, de parachutage dans la moitié sud de la Drôme.

Son agent de liaison, Cécily Lefort, dite "Alice", est arrêtée par la Gestapo à Montélimar le 11 septembre 1943 : elle mourra à Ravensbrück.

Ainsi, dans toute la zone Jockey, on a compté jusqu’à dix groupes recrutés dans chaque département. En octobre novembre 1943, le SOE rappela Cammaerts à Londres. Rendant compte aux officiels du SOE, il plaide pour l’accroissement des parachutages de matériel, soulignant l’idée de soutenir le plateau de Valensole et le Vercors, ainsi que leur renforcement par des troupes aéroportées.

Cammaerts revint vers la France, le 9 février 1944, dans un avion qui, ayant des moteurs en panne, s’écrase à Mantailles, commune d'Anneyron. Cammaerts et l’équipage sautent en parachute et atterrissent sans dommage dans le nord de la Drôme. Muni de quelques millions de Francs et de fausses cartes d’alimentation, il aurait été en péril, s’il avait été pris par les Allemands ou la Milice français. Cammaerts est recueilli par madame Girardin de Saint-Avit qui lui offre omelette, vin et café, puis avertit Jean Chancel à Saint-Donat chez qui les 5 Anglais se sont retrouvés. Tandis que l’équipage peut rentrer en Angleterre via l’Espagne, Cammaerts se rend à vélo à Beaurepaire (Isère) et rétablit ses anciens contacts. Il obtint des succès remarquables dans les Hautes Alpes.

Le 6 juin 1944, il reçoit l’ordre de faire passer toutes les unités de combat créées par le réseau Jockey sous le commandement FFI (Forces françaises de l'intérieur), il devient officier de liaison des Alliés auprès du colonel Zeller. Dès le 24 juin, il pressent que la mise en activité d’un énorme maquis dans le Vercors est prématurée et dangereuse. Son télégramme du 24 juin en fait foi : « Le Haut commandement a conduit les chefs FFI à penser qu’un débarquement dans le Sud-Est suivrait dans les quinze jours de l’action. L’impression générale qui se dégage des messages est qu’ils ont été contraints à une action prématurée. Ne peut les sauver qu’au prix de nombreux envois de fournitures, faute de quoi l’ensemble de l’organisation sud-est s’effondrera ». Il se trouve au Vercors lors des événements de juillet. Il réclame vainement par radio le bombardement de l’aérodrome de Chabeuil où s’accumulent des avions allemands et des stocks de bombes.

Il passe ensuite dans les Basses-Alpes. Il travaille avec Christine Granville ("Pauline"), une authentique comtesse polonaise, élue Miss Pologne en 1933, recrutée comme agent par le SOE et dont le véritable nom était Kristina Czarbeck, arrivée dans le Vercors par un parachutage mouvementé et douloureux. Dès 1941, elle avait exécuté un grand nombre de missions en Europe de l’Est. Arrêtée à Budapest, elle s’évade et reprend ses activités en Turquie, au Proche-Orient, puis à Alger. C’est de là qu’elle s’est envolée pour rejoindre le Vercors. Avec le général Zeller, Cammaerts et son radio réussissent dans la nuit du 21 au 22 juillet à traverser le filet des Allemands à l’assaut du Vercors et, par le Diois et Saint-Nazaire-le-Désert, à gagner Digne.

"Pauline", avec l’aide d’un gendarme, sauvera Cammaerts lorsqu’il est arrêté par la Gestapo à Digne le 13 août 1944. L’espion belge Max Masson, chef local de la Gestapo, se laisse convaincre par une forte somme et la promesse de protection et fait libérer Cammaerts le 17 août, une heure avant son exécution.

Le rôle de Francis Cammaerts fut l’un des plus efficaces et des plus inventifs de toute l’histoire du SOE. en France. Henri Amouroux le considère comme « l’un des cracks des services secrets ».

À sa retraite, abandonnant sa maison londonienne menacée par l’extension de l’ensemble portuaire, Francis Cammaerts revient en France en 1989 dans la région qui lui était chère et vit quelques années à Grâne, dans la Drôme. Il est décédé en 2006 chez son fils, dans la région de Montpellier.


Auteurs : Robert Serre, Jean Sauvageon
Sources : Jean Veyer, « La vraie histoire de « Pauline », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Grenoble, 1990 p. 366… E. H. Cookridge, Missions spéciales, A. Fayard, 1966, Famot Genève 1974. Pour l’amour de la France. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.