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La population de Chelles accueille ses libérateurs

Légende :

Arrivée d'éléménts de la 4e division US à Chelles

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne, fonds René Roy : Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 27 août 1944

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Chelles

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Contexte historique

Comptant 14.650 habitants, Chelles est une des huit communes du canton de Lagny. Sa population dépasse largement celle de son chef-lieu, comme elle devance d'ailleurs celle de Meaux. A la proximité de la très importante gare de triage de Vaires, Chelles se caractérise par ses activités industrielles : usines alimentaires Ferrand-Renaud (pâtes alimentaires), forges et mécanique (carrosserie), fabrique d'agglomérés, tanneries… Le chômage frappe la commune dès 1940 à cause de la pénurie de matières premières et de charbon. La population y souffre très tôt.
La Résistance émane d'abord et surtout du Parti communiste. Elle s'exprime assez tôt dans une population ouvrière très politisée. Aimé Auberville crée un groupe FN, secondé par Roger Bonnand (fusillé en 1941), Georges Schoenfeld, René Carminade, groupe dont Adolphe Legeay ("commandant Mariel"), évadé de son camp d'internement, prendra la tête. Ce groupe a des ramifications à Courtry, au Pin, à Lagny, des intelligences à Mitry-Mory et Villeparisis. Il est placé, comme tout cet ensemble local, sous la responsabilité de Camus et de Rossetti. Il arrive d'envisager des actions communes avec ceux de Pontault-Combault. L'action consiste essentiellement en des sabotage dans l'immense gare de triage, pourtant surveillée. Le 4 août 1942, vers 22h00, les FTP lancent une grenade sur la porte du bureau de placement des ouvriers volontaires pour le travail en Allemagne situé 31, rue de la Gare. La glace de la devanture est brisée et le panneau inférieur de la porte endommagé. Il n'y a pas de victime (SHGN, 77 E 4). A l'automne 1942 survient une vague d'arrestations.

En avril 1943, le groupe se reconstitue. Le bureau de placement allemand est à nouveau attaqué à la grenade. Dans les mois qui suivent, l'action s'enhardit : les résistants s'arment sur les sentinelles agressées et entreprennent des sabotages, surtout ferroviaires.
Le groupe du docteur Blanchet en contact avec l'Etat-Major de Vengeance, à Lagny, va se trouver à l'été 1944 au centre d'une tragédie. Chelles se distingue en effet des autres cités de Seine-et-Marne par la violence des combats du mois d'août et le prix très lourd de ses pertes. Le 16 août 1944, à la recherche d'armes en compagnie de résistants catholiques, jocistes de la paroisse Saint-Marcel, et des jeunes de l'OCM, les FTP de Chelles et le groupe du docteur Blanchet tombent dans un piège tendu par Karl Reiben (SD) ("Marcheret"). 35 hommes sont arrêtés dont 14 Chellois. Tous sont abattus au cours de la nuit à la Cascade du Bois de Boulogne et rue Leroux (XVIe arrondissement).

Chelles va inhumer ses jeunes martyrs dans une atmosphère très lourde alors que circulent des convois allemands. Le 23 août, la commune met sur pied un comité local de Libération, présidé par la veuve du docteur Blanchet. La police se met immédiatement à sa disposition. Le 24, le maire, Lavaud, est destitué et Charles Schlosser, père de l'une des victimes du Bois de Boulogne, le remplace à la tête d'une "commission administrative spéciale". Par la suite, mieux armés grâce à l'appropriation d'un arsenal allemand, les FTP et les corps francs Vengeance engagent le combat dans la gare de triage que les Allemands tentent de miner, et à la caserne Sainte-Bathilde. Des soldats et des travailleurs italiens se rendent mais des fusiliers marins attaquent, en vain, des résistants retranchés au commissariat.

La Kommandantur demande alors les bons offices du sous-préfet Poulat. Mais ce n'est qu'une façon de gagner du temps pour acheminer des renforts. Dans l'après-midi du 25, les Allemands s'ouvrent un passage à travers les maisons à l'aide des blindés. Ils s'emparent de la mairie au canon et exécutent douze Chellois, résistants, comme Aimé Auberville, ou non (dont un ouvrier marocain qui exigea de prendre la place d'un jeune enfant). Il semble bien que certains otages aient été arrêtés et exécutés au hasard comme André Verdeaux (16 ans) et ses camarades, Roger Bernadat (16 ans), Christian Mariey (17 ans), Lucien Gallet (17 ans), André Vladislas Pusz (18 ans)…

Le dimanche 27 août arrivent les premiers éléments de la 3e division blindée de la 1ère Armée américaine du général Hodges. Les combats vont se poursuivre dans la gare de triage. A Chelles, en dépit de la joie manifestée à l'entrée des Alliés, la Libération est vécue comme un épisode tragique.


Claude Cherrier in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004