Monument aux morts (1914-1918) de Montélimar

Légende :

Devant le monument aux morts de la guerre 1914-1918, se sont rassemblées de nombreuses ouvrières le 11 novembre 1943.

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : cliché Claude Seyve

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique.

Date document : novembre 2009

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar

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Analyse média

Le 11 novembre 1943, de nombreuses femmes ouvrières se rassemblaient devant le monument aux morts de Montélimar, malgré les interdits.

Le choix du lieu n’était pas anodin : la Seconde Guerre mondiale succédait à la Première, rappelée par le monument ; seulement 20 ans les séparent et, chaque année à cette même date, sont honorés les Poilus tombés dans ce conflit contre le même adversaire.

Inauguré le 8 octobre 1922, il était l’œuvre d’un statuaire, M. Sayn. Il célébrait, à l’époque, le sacrifice de la commune pour la défense de la Patrie au cours de la Grande Guerre. Pour intitulé : « La ville de Montélimar à ses enfants morts pour la France 1914-1918 » 406 noms sont alignés en trois colonnes.

Le monument est situé sur la place d’Armes, lieu attaché aux batailles de la République en 1793 et plus généralement à la défense de la France. La caserne, à proximité, marque l’histoire de la ville depuis le XVIIe siècle. Le lieu représente donc beaucoup de mémoire à plus d’un titre : il possède une forte charge symbolique attachée à l’idée de patrie, de république et de nation, hautement sensible en 1943.


Auteurs : Seyve claude
Sources : Carte postale de la collection Robert Serre, le statuaire du MAM 1914-1918 : Sayn, éditions Joguet Montélimar.

Contexte historique

Á l’initiative de Jean Ravier ("Nénesse"), responsable du réseau de sédentaires FTP (Francs-Tireurs et partisans) de Montélimar, une manifestation d’ouvrières montiliennes eut lieu devant le monument aux morts le 11 novembre 1943.

Le matin même de ce jour-là, les ouvrières du cartonnage Milou, de la chocolaterie d’Orient et du cartonnage Harlez, dont les usines étaient proches du monument, engagèrent l’action. Il n’y avait pas eu de tracts, mais, les usines étant proches les unes des autres, le bouche à oreille avait bien fonctionné.

Renée Audibert fait le récit détaillé de l’événement :

« Nous avions demandé à chacun de déposer le matin, en venant au travail, un petit bouquet au monument aux morts, celui-ci ayant un petit ruban tricolore. Nous devions sortir de l'usine, je crois, vers onze heure trente, pour nous regrouper tous au monument aux morts. Effectivement, nous avons retrouvé un grand nombre de ceux de la chocolaterie et de chez Harlez aussi. Chez Milou, ce fut la surprise, nous y étions presque tous. Il faut dire que M. Milou était favorable à la Résistance. Par contre, il y avait un contremaître qui lui ne l'était pas. Il faut le dire, il nous inspirait souvent des craintes ; mais, ce jour-là, il ne s'est pas manifesté. Monsieur Milou, lui, nous mit en garde contre les risques courus pour une chose dont il ne voyait pas l'enjeu. M. Milou se faisait vieux et il y avait un jeune patron qui devait un jour le remplacer. Il nous mit en garde plus sévèrement, tentant même de nous empêcher de sortir ; il fut vite submergé et nous nous retrouvions dehors. En arrivant au monument aux morts, nous trouvons quatre gendarmes, mitraillettes face à nous. Il y avait des tas de petits bouquets, un épais parterre de petits bouquets enrubannés de tricolore. Les gendarmes nous demandent de ne pas avancer au-delà d'une certaine distance, ce qui devait faire une dizaine de mètres. Mais là, gonflés à bloc devant la réussite de notre entreprise, nous avancions malgré tout pas à pas. Je me trouvais au premier rang avec Nénesse. Les gendarmes, soudain, baissent leurs armes et nous haranguent. "Les enfants, disent-ils, nous avons ordre de ne pas vous laisser approcher ; vous êtes là. Mettez-vous à notre place. Nous n'avons rien contre vous, au contraire, mais pour quel bénéfice mettez-vous vos vies et nos vies en danger ? Vous avez obtenu ce que vous vouliez : alors, dispersez vous". Un moment qui me parut éternel, d'un silence de mort.
Puis "Nénesse" dit aux gendarmes : "Chantez la Marseillaise avec nous ! " Une Marseillaise, pas chantée mais hurlée, se mit à retentir, les gendarmes, chantant avec nous, armes toujours basses ; à la fin, ils remirent leurs armes face à nous, et, cette fois fermement, nous demandent de partir très vite. Nénesse se tourne vers eux et leur dit : "Allez, chantez l'Internationale !" Évidemment les gendarmes se sont fâchés gentiment. Alors, l'Internationale retentit et, comme nous allions nous mettre en route, pour nous disperser, surgit on ne sait d'où, un petit avion conduit par M.Vernier (alias capitaine Vallière) : il jette, en rasant les platanes, une superbe gerbe de fleurs qui tombe juste aux pieds des gendarmes. De ce jour et jusqu'à sa mort, tous les 11 novembre, M. Vernier est venu jeter, de son avion, une gerbe de fleurs au monument aux morts.
»

Jean Ravier a dû quitter Montélimar à la suite de manifestations comme celle-ci, après de nombreuses rafles de Juifs, de résistants communistes, socialistes et autres, d’imprimeurs, et rejoindre, accompagné de plusieurs jeunes de son groupe résistant, le maquis FTP des Pilles.


Auteurs : Claude Seyve
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Interview de Renée Audibert, octobre 2009. Documentation de Robert Serre.