Germaine Tillion pendant la guerre d'Algérie

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Association Germaine TILLION Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France - Ile-de-France

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Contexte historique

Le 1er novembre 1954, jour de la « Toussaint rouge », qui marque le début de la guerre d'Algérie, un des attentats les plus graves a lieu dans l'Aurès : l'interception de l'autobus Biskra-Arris, suivi de la mort du caïd Ben Hadj Sadok et d'un instituteur venu de métropole, Guy Monnerot ; d'autre part, quatre militaires français sont tués à Batna et à Khenchela. Ces événements amènent Louis Massignon à faire appel à Germaine Tillion ; il obtient pour elle une mission d'observation de trois mois du ministre de l'Intérieur de Pierre Mendès France, François Mitterrand (25 novembre 1954). Sa mission se déroule principalement dans le département de Constantine, surtout dans l'Aurès, où elle revient dans les lieux qu'elle a connus vingt ans avant, assez changés : une piste monte à Kebach où elle trouve deux petites épiceries. Mais elle constate aussi la chute du niveau de vie des Ouled Abderrahmane, qui sont maintenant un millier, alors que la production agricole est de plus en plus précaire et la déstructuration de la société traditionnelle. Ce phénomène général (indépendant de la répression militaire, qui touche particulièrement l'Aurès) aboutit à ce qu'elle va appeler "la clochardisation de la population algérienne", notamment par l'exode rural et la formation des bidonvilles autour des grandes villes. Elle pense qu'un effort doit être fait en priorité pour scolariser correctement et former professionnellement les jeunes Algériens du monde rural.

À la fin de sa mission, elle revient à Alger peu après la nomination comme gouverneur général du gaulliste et ancien résistant Jacques Soustelle. Suite à une entrevue qu'elle a sollicitée par courtoisie administrative (22 février 1955), il décide de lui confier une responsabilité comme membre de son cabinet chargé des affaires sociales et éducatives. Dans ce cabinet, se trouvent à la fois des « libéraux » (Jacques Juillet, Vincent Monteil) et des conservateurs (Henry-Paul Eydoux, le colonel Constans). Sur le plan administratif, elle ne quitte cependant pas le CNRS, dont elle est seulement « détachée ». C'est dans ce cadre qu'elle élabore avec un certain nombre de personnalités le projet des Centres sociaux. L'implication directe de Germaine Tillion prend fin rapidement du fait du rappel de Jacques Soustelle (1er février 1956), désormais passé du côté des conservateurs, et la nomination de Robert Lacoste, qui, bien que socialiste, mène une politique encore plus axée sur la répression, dans laquelle Germaine Tillion n'a plus sa place. Face à cette politique, elle soutient le développement des Centres sociaux jusqu'au début de 1957 quand elle se rend compte que les choses ont changé et notamment que la généralisation de la torture rend impossible tout arrangement. Les Centres sociaux persistent cependant, fonctionnant plus ou moins bien dans un climat de plus en plus violent ; leur histoire est marquée par des procès (1957, 1959) pour complicité avec le FLN, et surtout par l'attentat de l'OAS le 15 mars 1962, tuant six des cadres, dont Mouloud Feraoun.

Après le départ de Jacques Soustelle, elle passe trois mois chez les Touareg dans le Sahara, avant de rentrer à Paris. À la demande de l'ADIR, elle met au point un texte sur la situation économique et sociale de l'Algérie, publié en plusieurs livraisons dans l'organe du mouvement, Voix et visages, puis sous forme de brochure. Ce texte, d'abord peu connu, touche un public beaucoup plus large lorsqu'il est publié (tardivement) en 1957 par les Éditions de Minuit, provoquant un certain nombre de critiques (il est reproché à l'auteur de ne pas évoquer les questions politiques), en liaison avec celles dont est l'objet Albert Camus, préfacier de l'édition américaine du livre.

L’année 1957 marque un tournant décisif à la fois dans la situation en Algérie (l’armée est investie des pouvoirs de police à partir de "la Bataille d’Alger") et dans l’implication de Germaine Tillion. En juin, elle accompagne les enquêteurs missionnés par la CICRC (Commission Internationale Contre le Régime Concentrationnaire) dans les prisons et les camps en Algérie ; elle y recueille de nombreux témoignages de tortures et d’exactions, souvent de la bouche de personnes qu’elle connaît et estime. Elle est mise en contact, à l’initiative de ce dernier, avec le chef FLN de la zone autonome d’Alger, Yacef Saadi, responsable des attentats qui ont endeuillé la ville. Un dialogue dramatique, humain mais sans concessions aboutit à l’engagement inopiné de Yacef Saadi de ne plus s’attaquer aux populations civiles, la contrepartie française devant être de surseoir aux exécutions capitales des condamnés à mort. Elle consacre désormais toute son énergie à informer les responsables français de la société civile et de la vie politique, parmi lesquels le général de Gaulle, avant et après son retour « aux affaires ». Elle multiplie les démarches pour sauver des personnes, obtenir la grâce ou le sursis des condamnés à mort et tenter d’arracher à l’arbitraire et à la torture ceux qui en sont menacés.


Quand Yacef Saâdi est arrêté par les militaires quelques semaines après leur rencontre, elle obtient difficilement, au prix d’ interventions obstinées, qu’il soit remis à la Justice et, un an plus tard, elle témoigne à décharge à son procès. Le texte de son témoignage, publié dans la presse dès 1958, suscitera deux attaques, amenant Germaine Tillion à répondre publiquement, d'abord à Simone de Beauvoir en 1964, puis au général Massu en 1971. Elle poursuivra inlassablement ses interventions jusqu’à la fin de la guerre et au-delà , pour sauver des personnes de quelque côté qu’elles se situent, intervenant aussi bien pour certains militaires putchistes, que pour les internés du réseau Jeanson, les harkis ou des objecteurs de conscience .

« …Je n’ai pas "choisi" les gens à sauver : j’ai sauvé délibérément tous ceux que j’ai pu, Algériens et Français de toutes opinions. Je n’ai ni cherché ni (certes) désiré les périls représentés par l’entreprise qui me fut proposée en juillet 1957: exactement, c’est l’entreprise qui est venue me tirer par la main. « Il se trouve» que j’ai connu le peuple algérien et que je l’aime ; «il se trouve » que ses souffrances, je les ai vues, avec mes propres yeux, et «il se trouve » qu’elles correspondaient en moi à des blessures ; «il se trouve», enfin, que mon attachement à notre pays a été, lui aussi, renforcé par des années de passion. C’est parce que toutes ces cordes tiraient en même temps, et qu’aucune n’a cassé, que je n’ai ni rompu avec la justice pour l’amour de la France, ni rompu avec la France pour l’amour de la justice.» (lettre ouverte à Simone de Beauvoir, 1964 - A la recherche du vrai et du juste, p. 259).

Ses prises de position - qui s’expriment également dans de nombreux articles et dans ses livres - lui vaudront l’admiration et la reconnaissance de beaucoup. Elles provoqueront aussi des débats passionnés (avec P. Nora notamment) et des attaques virulentes (telle celle du général Massu en 1971).


Site internet de l'association Germaine Tillion
Page wikipedia consultée le 3 mars 2015.