Stèle de Saint-Rambert-d'Albon

Légende :

Stèle en mémoire de résistants fusillés suite à l’attaque de Saint-Rambert-d’Albon, élevée près de la ferme de Camille Gervais au hameau de Coinaud, commune d'Anneyron.

Genre : Image

Type : Stèle

Producteur : Cliché Michel Seyve

Source : © AERD, collection Michel Seyve Droits réservés

Détails techniques :

Plaque de marbre scellée sur un bloc de calcaire. Dimensions du bloc : hauteur 106 cm, largeur 75 cm.

Date document : années 1950

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Anneyron

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Analyse média

La stèle est située devant le bâtiment de l'exploitation de Camille Gervais, abattu le 8 juin 1944. La facture de la stèle est classique : une plaque de marbre gravée, scellée sur un bloc de calcaire mailloché.

Elle a été érigée dans les années 1950.


 

Contexte historique

L'affaire de Saint-Rambert est exemplaire des difficultés, des risques pris par les résistants souvent mal équipés et mal entraînés face à un ennemi toujours efficace. Elle est aussi pertinente pour apercevoir les conséquences dramatiques d'une escarmouche improvisée qui se termine mal. À l'époque, son compte-rendu par des personnes mal informées transforme cet échec en succès. Cette erreur persistera et amène à réfléchir sur la difficulté de nourrir et d'utiliser la mémoire.

Le 6 ou le 7 juin, en présence du lieutenant Weill, Drouot (« L'Hermine ») fait transmettre l'ordre, par Jean Peyre, à Georges Monot d'attaquer la garnison allemande de Saint-Rambert-d'Albon. Monot refuse d'abord puis se laisse convaincre. Il exécutera l'opération avec Camille Gervais. Ce dernier et Monot sont peu convaincus de la nécessité d'attaquer Saint-Rambert. Cette réticence contraste avec la détermination des jeunes volontaires. Les habitants des points attaqués sont avertis et acceptent. Le groupe d'attaque comporte 106 hommes des compagnies de Saint-Sorlin (Monot) et d'Anneyron (Gervais). Il faut y ajouter les groupes de Saint-Rambert et d'Épinouze. Le 7 juin au soir, ils sont rassemblés dans la cour de la ferme de Gervais. À Saint-Rambert, la garnison allemande compte un détachement de cinquante soldats qui surveillent une centaine de prisonniers soviétiques employés à la manutention de matériel. Il faut y adjoindre une soixantaine de cheminots allemands. Une autre estimation parle de deux cents hommes. Le 7, Tony Baltoglu prévient le garagiste Rolland que son garage, abritant une douzaine d'Allemands, va être attaqué. Le garagiste accepte. De même Martial Lhorme avertit Antoinette Genthon de son intrusion dans son domicile, à trois heures du matin, pour déclencher la sirène qui donnera le signal de l'attaque. Les gendarmes acceptent d'être neutralisés sans résistance. Le groupe Frachon de la compagnie Gervais doit attaquer le garage Rolland au nord. Celui de Saint-Rambert est chargé de faire sauter la rotonde des locomotives. Le groupe de Maurice Gervais doit neutraliser la gendarmerie au sud. La compagnie Monot a quatre objectifs : attaquer la salle des fêtes hébergeant le gros des Allemands, la zone où se trouvent les cheminots allemands, le QG allemand au château du Bon Repos et l'usine abritant les Soviétiques. L'opération débute mal. Un camion de la compagnie Monot tombe en panne. "L'emprunt'' de trois voitures à l'usine de Carbone-Lorraine à Épinouze est plus long que prévu. Le groupe a finalement trois quarts d'heure de retard sur l'horaire fixé. Quand la sirène retentit, aucun groupe n'est en place. Trop éloignés, ils ne peuvent profiter de l'effet de surprise. Les chefs allemands ont le temps d'organiser la défense. Voulant savoir qui a déclenché la sirène, ils se rendent à la poste où ils arrêtent mademoiselle Genthon et la conduisent sur la place rejoindre le maire déjà appréhendé. Au garage Rolland, les Allemands, attaqués par le groupe Frachon, contre-attaquent. Paul Baron est tué, Gaston Frachon, André Mayrès sont capturés, tous les deux blessés. Cinq hommes du groupe sont également blessés. Les Allemands fouillent les maisons sans succès. Le lieutenant Weill attaque la salle des fêtes que son unité n'a pu investir que d'un seul côté. Les Allemands peuvent réagir facilement. Une méprise dans un commandement conduit un maquisard à tirer et à blesser Weill. Le manque d'entraînement fait que l'utilisation de la carabine US pose problème. Le FM britannique de Martial Milloud, mal dégraissé, s'enraye à la troisième rafale. Vers sept heures, les maquisards décrochent. L'échec est complet, ses conséquences vont être dramatiques, les représailles étant immédiates. À Saint-Rambert, une trentaine d'habitants, dont le maire Berthon, sont pris en otages. Au garage Rolland, les blessés prisonniers sont achevés, Chevrot arrêté pour détention de tracts est abattu. Vers 12 heures 30, une compagnie allemande, accompagnée par deux miliciens en civil (L. et B.) investit Anneyron. Le maire Victor Lafuma, le secrétaire de mairie Delhomme, mademoiselle Dutal refusant d'indiquer les cantonnements du maquis sont pris en otages. Ils sont rejoints par le commandant de la gendarmerie, l'adjudant Basset et messieurs Michaud et Vasey. La ferme de Paul Baron est incendiée. Surpris dans son lit, alors qu'il se repose de l'attaque de la nuit, Carra, brutalement interrogé, conduit les Allemands chez Camille Gervais. Ce dernier achève la récupération des armes de son groupe. Il reste pour retarder la poursuite de ses hommes. Les Allemands voyant des hommes fuir dans les champs tirent et blessent grièvement Michel Chiaffredo qui s'effondre. Les Allemands ayant rejoint Gervais subissent le tir de Chiaffredo qui n'a pas rendu son arme. Ils ripostent, blessant encore Chiaffredo qui, abandonné, meurt de ses blessures. Gervais et Carat sont immédiatement abattus. Leurs fermes sont pillées et incendiées. Vers 20 heures, de retour à Anneyron, les Allemands interrogent à nouveau Victor Lafuma. Il refuse de parler. Il est condamné à mort. Il est sauvé par l'officier allemand qui est, comme lui, un ancien combattant de 1914-1918. Le geste n'est guère apprécié par les miliciens. Le bilan est lourd. Six maquisards et deux civils tués, cinq blessés dont un, Lombard, mourra à l'hôpital. Les pertes ennemies n'ont pas été estimées, jusqu'à maintenant, avec précision. En 1952, un journaliste les estime à une trentaine de morts, ce qui semble très exagéré. Il y a eu quelques morts et blessés. La compagnie Monot s'est retirée aux Grises (2 km au sud-ouest du château de la Pérouze à Saint-Sorlin-en-Valloire). Le reste de la compagnie Gervais se dissout, une vingtaine d'hommes vont se réfugier dans le bois des Épars (Anneyron) sous les ordres de Weill avant de rejoindre la compagnie Monot. Les autres passent chez Charles Lahmery (« Bozambo »). Une autre vision de l'événement a été donnée. « Les Allemands étaient plus de deux cents. Malgré l'infériorité numérique, cette attaque réussissait puisque de nombreux Allemands étaient mis hors de combat, nous n'avions comme pertes que un tué et deux blessés (qui furent achevés par les boches) et cinq blessés légers. Les résistants encerclent le local où se tient la garnison puis font sonner l'alerte. Quand les Allemands sortent pour aller aux abris, ils sont mitraillés et grenadés. Environ cinquante morts et autant de blessés chez l'ennemi. Deux morts et trois blessés chez nous. Les compagnies se sont ensuite retirées. Les compagnies sédentaires de Saint-Rambert, Saint-Sorlin, Anneyron, se massent aux environs de Saint-Rambert. À une heure fixée par le lieutenant Gervais et le capitaine Monot, l'alerte est sonnée dans le pays (sirènes, tocsins). Les Allemands sortent de leur dépôt, du théâtre et des hôtels et sont attaqués aux fusils, fusils-mitrailleurs et à la grenade par les FFI (Forces françaises de l'intérieur). Les pertes allemandes sont de cinquante tués ou hors de combat, les pertes FFI de quatre morts et deux blessés. »
Cet épisode montre la nécessité de croiser les sources pour appréhender correctement un événement qui apparaît simple à étudier. On peut aussi réfléchir sur l'origine, le but de telles descriptions erronées.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme - le Vercors, édition AERI-AERD, 2007.