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Médaille du Patriote proscrit et contraint à résidence forcée en pays ennemi

Légende :

Le décret du 27 décembre 1954, portant statut du « Patriote proscrit et contraint à résidence forcée en pays ennemi », institua par son article 9, une médaille dite « Médaille du Patriote proscrit et contraint à résidence forcée en pays ennemi ». Cette décoration est portée par toutes les personnes détentrices de la carte de Patriote Proscrit et c’est le décret du 29 août 1959 qui lui donnera son nom actuel : "Patriote résistant à l'occupation des départements du Rhin et de la Moselle 1939-1945" (voir album joint).  Ce titre est encore délivré de nos jours.

Genre : Image

Type : Médaille

Source : © Collection Maurice Bleicher Droits réservés

Détails techniques :

Médaille ronde en bronze argenté, du module de 32 mm.

Date document : sans date

Lieu : France

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Analyse média

Médaille ronde en bronze argenté, du module de 32 mm. Gravure de Georges Guiraud.

Sur l’avers : l’effigie de la République au bonnet phrygien regardant vers l’Est, encadrée d’une branche de laurier et de la légende REPUBLIQUE FRANÇAISE.
Sur le revers : un groupe familial, composé du père portant un léger bagage et de la mère ayant dans ses bras son jeune enfant. Ce groupe s’éloigne du foyer symbolisé par quelques maisons groupées autour du clocher que domine le coq gaulois. Cette scène est entourée par une branche de laurier et l’inscription, à l’origine "PATRIOTES PROSCRITS 1939-1945" , puis à partir de 1959, "PATRIOTE RESISTANT A L’OCCUPATION DES DEPARTEMENTS DU RHIN ET DE LA MOSELLE 1939-1945".


Fabrice Bourrée

Sources : 
http://www.france-phaleristique.com
Symboles et Traditions, n°196, octobre 2005

Contexte historique

Pendant toute la période de la Seconde Guerre mondiale, des personnes s’opposent à la politique de soumission au Reich allemand mise en place en Alsace et en Moselle après l’annexion de fait. D'autres subissent les représailles collectives après le départ de leurs enfants ou mari vers la Suisse, puis la zone non occupée pour les Alsaciens ou la zone occupée en général pour les Mosellans. D'autres subissent des représailles en raison de leur attachement notoire à la France. Il faut patienter jusqu'en 1959, soit quatorze ans après la guerre, pour que des membres de familles d'Alsaciens-Mosellans puissent obtenir, après de longues tergiversations, le statut de Patriote résistant à l'occupation (PRO).

Les causes sont toujours les mêmes: un refus d'aller au Reichsarbeitsdienst, RAD ou service du travail, ou l'incorporation dans la Wehrmacht, ceux qui « utilisent la langue française de façon provocante » sont mis dans le même sac. Le raisonnement du Gauleiter d'Alsace Robert Wagner est simple: l'intérêt de l'Alsace est de participer directement aux combats mais puisqu'il y a des refus, il faut d'urgence mettre des mesures de dissuasion en application. Désormais, ce sont des représailles contre des familles entières qui sont déployées, accusées de responsabilité collective. Le Gauleiter veut « inculquer l'idéologie nationale-socialiste aux Alsaciens afin d'en faire des Allemands convaincus. » Il se donne cinq ans.

La presse locale, à l'époque sous la botte des nazis, publie des communiqués qui livrent le noms des personnes arrêtées à leur domicile avant leur incarcération en camp spécial. Le 15 août 1942, un article du Strassburger Neueste Nachrichten (SNN) se termine ainsi: « S'il existe encore en Alsace des personnes qui n'ont rien appris, elles en supportent les conséquences. » Pourtant, les départs d'Alsace de personnes qui fuient ne cessent pas.

En février 1943 à Haguenau (Bas-Rhin), le Gauleiter Robert Wagner s'adresse à la population en des termes très clairs: « Je suis décidé à continuer les déportations dans le Reich aussi longtemps que cela sera nécessaire. Le chiffre de ces transplantations n'est en effet, pas limité. S'il le faut, on emploiera des méthodes brutales comme nous les avons employées partout contre les ennemis du Reich. »

Depuis 1941 et au cours du premier trimestre 1942, ce sont 290 personnes qui sont incarcérées dans ces camps. Pendant les deux mois d'août et septembre 1942, puis fin février début mars, ce sont plusieurs milliers de personnes qui subissent le même sort. Il est difficile d'en connaître le nombre exact. Ces camps n'ont pas de vocation d'extermination mais doivent servir à rééduquer. Les familles sont triées: celles de « race supérieure » sont dirigées vers les territoires occupés à l'est, celles de « race acceptable » à l'intérieur du Reich, enfin celles de « race inférieure » sont programmées pour être, un jour, envoyées en France.

En Moselle, le Gauleiter Josef Bürckel se veut tout aussi zélé et efficace. En octobre 1942 il adresse une carte aux familles du département. « Vous avez l'immense honneur d'être admis dans le Grand Reich. » Celui qui la garde de fait, accepte! Celui qui la renvoie s'attire de futurs ennuis. Les adhésions sont rares.

Dans différents témoignages, Hubert France, 15 ans en 1943 et domicilié à Uckange (Moselle) à l'époque, désormais Strasbourgeois depuis des décennies, raconte: «Mon père instituteur a laissé pousser sa barbe, un bouc de la résistance, à l'arrivée des nazis. Il refusait de scander Heil Hitler au début de la classe. Il accumulait des actions de résistance passive. Je n'ai pas adhéré à la Hitlerjugend. Nous allions tous les jours en train depuis Uckange où nous habitions jusqu'au lycée de Thionville. On côtoyait quotidiennement un groupe de nazillons. Il fallait éviter les escarmouches et les échauffourées. Mais les invectives étaient courantes et c'était dangereux. A cette époque, on partait vite pour Schirmeck. J'ai une fois administré une raclée à un type qui s'en était pris directement à mon père et à son bouc. Le gars a failli y laisser un œil. Cela s'est passé devant le lycée Charlemagne de Thionville juste quelques semaines avant notre déportation pour Striegau (Silésie).»

Le départ des familles mosellanes débute début janvier 1943: de 10 000 à 12 000 personnes sont envoyées loin de chez elles, 10 097 selon la Gestapo. En Alsace également, le mouvement s'accélère dans les premiers mois de 1943. Au total pour l'Alsace, ce sont près de 10 000 personnes qui sont déracinées. En l'état actuel des connaissances, les chiffres ne sont pas précis; ceux qui sont cités dans cette fiche sont pris dans le livre Les Patriotes Résistants à l'Occupation (pages 77 et 81). En 1948, la Documentation française indique le chiffre de 17 000 personnes pour l'Alsace et 10 000 pour la Moselle.

Certaines familles sont dispersées, d'autres demeurent dans le même camp. C'est souvent lié au type de travail imposé. Les porions des mines de potasse par exemple sont affectés aux mines de sel de Wieliczka (Pologne) où leur savoir-faire est apprécié! Au cours de l'année 1943, les incarcérés des deux sexes qui ne travaillent pas dans les industries de guerre sont alors affectés aux travaux de consolidation des lignes de défense principalement en Biélorussie, en Ukraine ou en Pologne. Ceci dure jusqu'à l'hiver 1944-1945 ou les groupes de travail (Kommandos) souffrent non seulement du froid, mais aussi des attaques de l'aviation soviétique.

La Saxe et la Silésie sont les destinations principales. Le travail s'effectue en dehors du camp. Les transferts quotidiens se font sous la garde de SS armés. Les conditions d'hébergement sont précaires: manque d'hygiène, de chauffage, de nourriture. Des confidences recueillies après guerre indiquent, qu'ici ou là dans des camps, les autorités nazies tentent de faire signer aux adolescents, des engagements dans la Wehrmacht ou la Hitlerjugend. Les témoignages sont unanimes et indiquent que ce sont des « non » catégoriques.

La Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) a recueilli de nombreux récits. Celui de Jeannne Reitzer (Altkirch) résume le drame vécu en Alsace par ceux qui subissent les représailles sur les familles. « J'ai été déportée en février 1943 parce que mon mari, Lucien Reitzer, s'était enfui en Suisse. Nous étions jeunes mariés à cette époque. Il a réussi à rejoindre la Résistance en Auvergne sous le nom de Lucien Parly. » A la fin de son témoignage, elle souligne la difficulté qu'elle éprouve à obtenir un statut. « Nous n'étions pas reconnus comme des déportés. »

Le 29 août 1959, le titre de Patriote proscrit et contraint à résidence forcée accordé en 1954, est transformé par décret en Patriote résistant à l'occupation (PRO). Il reconnait « le patriotisme, le courage et les souffrances des Alsaciens-Lorrains à l'occupation des départements du Rhin et de la Moselle, incarcérés en camps spéciaux, proscrits et contraints à résidence forcée en pays ennemi ou en territoire étranger occupé par l'ennemi, en raison de leur attachement à la France. Le statut de PRO aux accordé aux Français originaires des départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle qui, en raison de leur attachement notoire à la France ont été arrêtés et contraints par l'ennemi de quitter le territoire national pour être incarcérés (...) sous la condition que la période de contrainte ait duré trois mois au moins. »

Mais ils sont exclus des indemnités négociées entre la France et la République fédérale allemande (RFA) en août 1961. Et ce n'est qu'en 1993, qu'une indemnisation leur est accordée. A cette date, beaucoup de PRO, nés dans les classes d'âge de la fin du XIXe et début du XXe siècle, sont déjà décédés.

Le livre édité par la FNDIRP (Les Patriotes Résistants à l’Occupation,1986) publie la liste des camps spéciaux qui donnent droit au statut de PRO. On y trouve également une liste datée de 1988 de membres adhérents à la Fédération, classée par communes de résidence. L'ensemble des PRO d'Alsace et de Moselle n'y figure évidemment pas. Autre liste, celle publiée dans un livre de Jules Schneider paru à l'automne 2015, La déportation des familles haut-rhinoises en Allemagne (1942-1945). Après un long et minutieux travail avec l'aide des mairies du Haut-Rhin, il établit lui aussi un recensement des personnes incarcérées en camps spéciaux.


Bertrand Merle in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016