Justice populaire exercée par les FFI de Digne, novembre 1944

Légende :

La Marseillaise, journal du Front national, annonce l'exécution de deux collaborateurs par les FFI de Digne, édition du 29 novembre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © AD Bouches-du-Rhône - PHI 419/1 Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : 29 novembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Alpes-de-Haute-Provence - Digne-les-Bains

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Analyse média

La Marseillaise du 29 novembre 1944 consacre la plus grande partie de sa première page à l'affaire de Pertuis et à ses retombées dans la région.
En bas de page, un article fait le lien entre l'attentat de Pertuis et la réaction des FFI de Digne. Le titre ne laisse aucun doute sur la légitimité des actes commis par les FFI : les deux exécutions ont frappé des traîtres et sont l'expression de la justice populaire.

Le premier paragraphe situe le contexte : les exécutions de Digne sont la conséquence des attentats menés par la « cinquième colonne ». L'explosion qui s'est produite le samedi 25 novembre au château de La Simone dans la commune de Villelaure (Vaucluse) a causé la mort de 31 FFI. L'émotion a largement dépassé le cadre départemental.
Dans les deux paragraphes suivants, l'article explique que les FFI de Digne ont exécuté deux personnes déjà condamnées à mort par la Cour de justice, l’une pour trahison, dénonciation à la Gestapo de son mari et de juifs, l’autre comme agent de la Gestapo.

Dans le dernier paragraphe, la colère causée par la multiplication de violences imputées à la « cinquième colonne » est mise sur le même plan que ce que le journal qualifie de « lenteur complice de la Cour de Cassation. » Les deux condamnés se sont pourvus en cassation après leur condamnation. Le journal précise que la femme Orgia a été condamnée il y a plus d'un mois. Une absence de réponse dans un délai de quelques semaines est interprétée comme une manœuvre dilatoire de la Cour de Cassation. La réaction des FFI est donc non seulement compréhensible mais légitime.

La conclusion montre cependant que le Front national ne se satisfait pas d'une justice extrajudiciaire : « Dans l'intérêt de la Résistance, de la République, de la France, il faut que l'épuration soit faite et entièrement. »


Auteur : Sylvie Orsoni

Contexte historique

Le samedi 25 novembre 1944, une explosion souffle le château de la Simone dans la commune de Villelaure, située à quelques kilomètres de Pertuis (Vaucluse). Le château servait de casernement à une centaine de FFI. On dénombre 31 tués et 27 blessés. Immédiatement, l'explosion est attribuée par la population à la « cinquième colonne » et aux « maquis blancs ». L'épuration entamée dès la libération des territoires décevait. La presse de la Résistance et le Parti communiste relaient les critiques contre une justice trop lente, trop partielle, ne frappant que des « lampistes ». Les institutions judiciaires mises en place par le Gouvernement provisoire sont soupçonnées de laxisme, de juridisme trop pointilleux permettant aux coupables de gagner du temps, voire d'échapper à la justice.
Des incidents valident l'idée d'une « cinquième colonne » à l'affût. Dans ce contexte d'angoisse et de rancœur, le drame de La Simone incite à exercer une justice sommaire. Des exécutions ont lieu dans toute la région. Elles touchent souvent des détenus déjà condamnés. Tout événement angoissant, comme l'offensive allemande dans les Ardennes à la mi-janvier 1945, ou traumatisant, comme le retour des premiers déportés au printemps 1945, exacerbe la colère et entraîne une nouvelle augmentation des exécutions sommaires.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.