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Huet François

Légende :

François Huet

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Philippe Huet Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : 23 avril 1961

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Isère - Pont-en-Royans

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Analyse média

Photo de François Huet ("Hervieux"), officier, chef militaire du Vercors (mai-août 1944) prise après-guerre le 23 avril 1961 à Pont-en-Royans. Au dos, ont signé un certain nombre de résistants du Vercors, civils et militaire. On peut y lire notamment les signatures de Descour, Chavant...

Né le 16 août 1905 à Paris, fils d'officier, François Huet embrasse quasi-naturellement la carrière militaire. Saint-Cyrien, officier de Cavalerie, participant à la guerre du Rif au Maroc (1925), il sert de 1937 à avril 1940 dans l'état-major du général Gamelin. En mai 1940, commandant comme chef d'escadron un groupe de reconnaissance de la 5ème DIM (division d'infanterie motorisée), il participe à de durs combats pendant la campagne de France.

Affecté à la liaison entre l'armée d'armistice et les Chantiers de jeunesse, il est secrétaire général des Compagnons de France et participe à un réseau de renseignements Les Druides. Propriétaire d‘une maison familiale à Coublevie, près de Voiron, au pied du Vercors, il est familier de la région. C'est une des raisons pour laquelle, le 6 mai 1944, le colonel Descour, chef d'état-major régional des FFI, le désigne, avec le grade de lieutenant-colonel, comme nouveau chef militaire du Vercors, après les capitaines Alain Le Ray et Narcisse Geyer. Arrivé dans le massif le 5 juin, "Hervieux" installe son PC à l'hôtel Breyton, à Saint-Martin-en-Vercors, puis à la villa Bellon, un peu à l'extérieur du village.

Peu convaincu de la nécessité de verrouiller le Vercors, il se plie néanmoins le 9 juin aux consignes de Descour, persuadé que le débarquement allié en Provence et le parachutage de renforts alliés ne sauraient tarder. Dès lors, son histoire se confond avec celle de la dernière phase du Vercors résistant, la plus célèbre, la plus héroïque et la plus tragique. Le 23 juillet, il donne aux combattants l'ordre de dispersion en forêt, marquant ainsi la fin des combats en ligne. Regroupant les rescapés du Vercors, il participe à la libération de Grenoble les 22-25 août. À la Libération, il est désigné chef d'état-major de la XIVe région militaire (l'actuelle région Rhône-Alpes), fonctions qu'il exerce à Lyon de septembre 1944 à juin 1945, puis, de juillet à décembre 1945, commandant du 11ème Cuirassier, régiment reconstitué par Geyer au Vercors. Il assure ensuite différents commandements et prend sa retraite avec le grade de général de corps d‘armée. Il décède prématurément le 16 janvier 1968.


Auteurs : Gilles Vergnon

Contexte historique

L'histoire du Vercors résistant se décompose en trois phases :

Le premier Vercors (1942-1943) voit la greffe du projet géostratégique de Pierre Dalloz sur un semis de camps de réfractaires créé en dehors de lui. À Grenoble, un noyau de militants socialistes, réuni depuis l'automne 1940, cours Berriat, dans la pharmacie du docteur Léon Martin, ancien député-maire de la ville, est activé en août 1941 par la visite de Raymond Gernez, ex-député du Nord pour diffuser Le Populaire, organe socialiste clandestin. Ce groupe contacte, au printemps 1942, d'autres noyaux socialisants, spécialement à Villard-de-Lans (le médecin d'origine roumaine Eugène Samuel, l'hôtelier Théo Racouchot, le directeur de banque Edouard Masson, les frères Huillier, etc.) et dans le Royans (l'instituteur révoqué Benjamin Malossane à Saint-Jean-en-Royans, Jean et Louis Ferroul à Saint-Nazaire-en-Royans, Louis Brun à Pont-en-Royans). Ce tissu militant, dans lequel le cafetier grenoblois Aimé Pupin joue les premiers rôles, progressivement affilié au mouvement Franc-Tireur, est à l'origine du camp d'Ambel (C1 en janvier 1943), puis d'autres camps de réfractaires au STO : C2 à Carette, C3 à Autrans, C4 à Cornouze, C6 au col de La Chau.

En parallèle, Pierre Dalloz, architecte installé aux Côtes-de-Sassenage, écrit en décembre 1942 une « Note sur les possibilités militaires du Vercors ». Cette première version, modeste, distingue un « programme d'action immédiate » et un « programme d'action ultérieure » subordonné à l'acceptation du premier et à un futur débarquement allié en Provence. Cette note, transmise fin janvier 1943, par l'intermédiaire Yves Farge à Jean Moulin qui donne son accord, devient le « projet Montagnards » après la rencontre, le 10 février 1943, entre Dalloz, Farge et le général Delestraint, chef de l'AS, qui l'emmène à Londres. Accepté par la France libre, bien financé, ce projet, qui donne une dimension stratégique à des camps isolés en montagne, permet la fusion des deux équipes début mars et la création d'un premier "comité de combat" (Dalloz, Farge, Rémi Bayle de Jessé, les militaires Marcel Pourchier et Alain le Ray). Celui-ci est vite démantelé par les arrestations de la police italienne (Léon Martin, le 24 avril, Aimé Pupin le 27 mai). Pierre Dalloz gagne Paris, puis Alger en novembre, où il rédige une nouvelle note, plus ambitieuse que la précédente. Mais les arrestations en juin de Delestraint et de Jean Moulin cassent cependant le fil entre un projet que les acteurs locaux continuent ou croient continuer d'appliquer, et la hiérarchie de la France libre.

Le second Vercors (1943-juin1944) voit l'institutionnalisation et la militarisation des camps. Un second comité de combat, animé par le capitaine Alain Le Ray (« Rouvier ») chef militaire et Eugène Chavant (« Clément ») chef civil, avec Jean Prévost (« Goderville »), Eugène Samuel (« Jacques ») et Roland Costa de Beauregard (« Durieu »), travaille à transformer les réfractaires en combattants, créer des compagnies civiles de réserve, mobiliser à leurs côtés des segments d'institutions (Églises, gendarmerie, municipalités) encadrant une population qui s'accommode progressivement au maquis. De janvier à juin 1944, le nouveau chef militaire, Narcisse Geyer (« Thivollet ») poursuit cette ligne, malgré des frictions croissantes avec les responsables civils et des habitants découvrant, après les incursions allemandes (22 janvier aux Barraques et 18 mars 1944 à Saint-Julien) et de la Milice à Vassieux en avril 1944, la réalité de la guerre.

Le troisième Vercors (9 juin-21 juillet 1944), le plus connu, transforme la zone en petite République. Le Vercors est mobilisé dans la nuit du 8 au 9 juin, et ses accès routiers bouclés par décision de Marcel Descour (« Bayard »), chef d'état-major régional, qui l'impose à François Huet (« Hervieux »), nouveau chef militaire nommé fin mai. Cette décision controversée a deux origines : le message de Jacques Soustelle ramené d'Alger par Chavant le 6 juin, qui l'assure de la pérennité du « projet Montagnards », et, surtout, une dynamique spontanée de montée au maquis, imprévue dans son ampleur, amenant les effectifs à plus de 4 000 volontaires. Venant surtout de Grenoble et Romans-sur-Isère, ces nouveaux maquisards cumulent enthousiasme et manque d'expérience militaire. L'euphorie, l'assurance d'une aide alliée et d'un débarquement imminent en Provence amènent, dès avant la « restauration » officielle de la République le 3 juillet, à l'institution d'un embryon de contre-État (journal Vercors libre, administration, censure, tribunal et même un camp pour prisonniers allemands et suspects), alors que Huet reconstitue officiellement des régiments réguliers (chasseurs alpins et cuirassiers). La Wehrmacht lance, après une première attaque manquée à Saint-Nizier (Isère), les 13-15 juin, une offensive générale le 21 juillet (opération Bettina) incluant un débarquement aéroporté sur Vassieux, qui en font l'opération la plus importante menée contre la Résistance en Europe occidentale. Celle-ci, marquée par de nombreuses atrocités (Vassieux, La Chapelle, grotte de la Luire) disloque en trois jours le maquis. Dans la nuit du 21 juillet, Chavant envoie son fameux télégramme, affirmant que les services de Londres et Alger « n'ont rien compris à la situation... et sont considérés comme des criminels et des lâches », base de polémiques futures sur la « trahison » du Vercors. En fait, celui-ci est doublement victime (au-delà de l'égarement du projet initial, des promesses inconsidérées et des rivalités entre services) du caractère secondaire qu'occupe à la fois la Résistance dans les plans alliés et le Vercors chez les stratèges de la France libre, et d'une mobilisation prématurée par rapport au débarquement en Provence, encouragée par l'euphorie de juin 1944. Le bilan est lourd : 456 tués (326 Résistants et 130 civils) dans les communes du massif. Les survivants participent à la libération de Romans, Grenoble et Lyon.


Auteurs : Gilles Vergnon, Alain Coustaury

Sources : Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, éditions de l’Atelier, 2002.
Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.