Rue Théo-Gerhards à Saverne (Bas-Rhin)

Légende :

En 1980, le conseil municipal de Saverne, présidé par Adrien Zeller, attribue à l'unanimité le nom de Théodore-Gerhards à une rue de sa ville. 

Genre : Image

Type : Nom de rue

Source : © Archives privées Gerhards Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : sans date

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Saverne

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Contexte historique

Né en 1900 à Saverne, Théo Gerhards fait ses études dans des écoles catholiques en Belgique et en Suisse. Lors de la Première Guerre mondiale, il passe au conseil de révision le 8 avril 1918. Envoyé la même année à Berlin pour servir dans l'armée du Kaiser, il combat en novembre contre les troupes restées fidèles à l'empereur, puis avec les Spartakistes contre les troupes gouvernementales.

En Alsace, l'arrêté ministériel du 14 décembre 1918 établit un système de cartes d'identité lié à l'origine des parents. Alors que la famille est expulsée en Allemagne, Théodore se retrouve dans l'obligation de faire son service militaire en France où, à cette occasion, il obtient la nationalité française. Rejoignant ses parents en Rhénanie, il suit des cours à l'Ecole supérieure de textile à Mönchenglabach (Allemagne). Avec l'annulation de l'arrêté, la famille peut revenir à Saverne où Théodore occupe divers postes de représentant en produits mécaniques. Il s'engage d'un point de vue politique en adhérant au Parti social français (PSF). Il se marie en 1930 et le couple a quatre enfants. Très investi dans la vie associative (histoire locale, Club vosgien, chorale paroissiale et théâtre), il est aussi dessinateur et graveur. Aux niveaux idéologique et politique, il apparaît comme nationaliste, catholique fervent, politiquement et socialement engagé. 

En avril 1940, Théodore Gerhards est envoyé dans une usine d'armements à Auxerre puis revient en Alsace vers la fin juin 1940. Très rapidement, malgré son statut de père de famille, il s'engage dans la Résistance sous le pseudonyme d'Emile. Tout d'abord, il prend part à l'organisation d'une filière d'évasion dans le secteur de Saverne. Il se charge de recueillir les évadés, de les héberger à l'occasion et de les aiguiller vers le bon chemin pour franchir la frontière. Lors de son procès, il reconnaît avoir apporté son aide à une quarantaine d'évadés. Il est également contacté pour organiser l'évasion de Robert Schuman mais la première tentative échoue le 20 avril 1942. Il opère avec plusieurs intermédiaires dans le secteur dont, Maria Gerhards, sa soeur, Eugène Masseran, Auguste Werlé, Pierre Trappler, Eugène Meyer et Marie-Laure Dreysse à Saverne, Germaine Gerber à Saint-Jean-de-Saverne, Marguerite Fuhrmann et Eugène Denninger à Marmoutier (Bas-Rhin).

A partir d'avril 1942, son intérêt se porte sur les renseignements industriels. Membre du réseau Kléber-Uranus des Forces françaises combattantes (FFC) en qualité d'agent P2, Théodore Gerhards s'intéresse au site des usines Trippel à Molsheim (Bas-Rhin) et Junkers de Strasbourg-Meinau. Pour ce dernier lieu, il entre ainsi en contact avec un dessinateur industriel originaire de Marmoutier, Marcel Kopp, par l'intermédiaire de Marguerite Fuhrmann. Il charge son contact d'établir un plan d'ensemble du site et vers la fin avril 1942, de sa propre initiative, l'employé lui remet un document technique concernant les ateliers d'essais et les chiffres de la production des ateliers de réparation de moteurs de janvier à avril 1942.

Théodore Gerhards recueille également des informations politiques par l'intermédiaire de Pierre Trappler et Eugène Meyer, travaillant tous deux dans l'administration municipale à Saverne. Il s'agit de questionnaires classés "secret" émanant du Sichersheitsdienst, SD ou service de sécurité, sur la presse, l'éducation, la littérature, le cinéma, la notion de race ou la santé publique.

Le 6 juillet 1942, Théodore Gerhards est arrêté par la Gestapo à la ferme du Kreutzfeld pour aide à l'évasion. Marguerite Furhmann est appréhendée le 14 et Marcel Kopp le 15. Incarcéré dans un premier temps à la prison de la rue du Fil à Strasbourg, il est interrogé par l'agent Brunner. Par la suite, il est transféré à Kehl (Allemagne). Il parvient à maintenir le contact avec sa famille grâce à des visites hebdomadaires. Mais très rapidement, avec les deux autres accusés, ils sont transférés le samedi 28 novembre 1942 vers 18 heures à la prison Alt-Moabit à Berlin. Le procès du Reichskriegsgericht ou tribunal de guerre du Reich, s'ouvre devant le 3ème Sénat, le 3 mai 1943. Dès la fin de l'après-midi, Théodore Gerhards, Marguerite Fuhrmann et Marcel Kopp sont condamnés à mort pour espionnage.

Le jugement est confirmé par l'amiral Bastian le 21 mai 1943. Le 28 octobre 1943, Théodore Gerhards est transféré à la prison Roter Ochse à Halle (Allemagne) avant d'y être exécuté le lendemain. Quant à Marguerite Fuhrmann et à Marcel Kopp, les peines sont commuées en peines de prison à perpétuité. Seule la première reviendra de l'univers concentrationnaire nazi. Marcel Kopp est exécuté par les Allemands dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945 à Sonnenburg (Slonsk - Pologne).

Sa dépouille est incinérée et l'urne déposée dans une tombe où elle reste jusqu'à fin octobre 1946. Elle est alors exhumée, avec celles de 80 compatriotes, et transférée à Berlin, puis au fort Desaix de Mundolsheim (Bas-Rhin). Le 3 septembre 1948, l'urne arrive à Saverne où elle est déposée dans la grande salle de l'hôtel de ville. Après l'hommage que lui rend une foule immense, la cérémonie officielle des obsèques se déroule en présence des autorités civiles et militaires le dimanche 5. Le cortège rejoint le cimetière par l'artère principale de la ville entre deux haies ininterrompues d'habitants. Auparavant, le 22 novembre 1946, le général Leclerc remet à Maurice, le plus jeune enfant de Théo alors âgé de sept ans, la médaille de la Résistance française avec rosace, et le général de Jussieu-Pontcarral, au printemps 1947 à Strasbourg, la Légion d'honneur et la croix de guerre 1939-1945 avec palme à sa veuve Claire. Le 23 avril de la même année, il est ajouté sur son acte de décès la mention « Mort pour la France ».

En 1980, le conseil municipal de Saverne, présidé par Adrien Zeller, attribue à l'unanimité le nom de Théodore-Gerhards à une rue de sa ville. Son nom figure également sur le monument commémoratif érigé à Ramatuelle en souvenir des membres des services spéciaux tués durant la Seconde Guerre mondiale.


Arnaud Gerhards et Eric Le Normand (avec l'aide d'Auguste Gerhards)
DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016