Alice Daul (épouse Gillig)

Légende :

Alice Daul (épouse Gillig), membre de l'équipe des Pur Sang

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives privées de la famille Gillig Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique

Date document : sans date

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Strasbourg

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Contexte historique

Fille d'un dirigeant d'une grande distillerie familiale, Alice Daul fréquente durant toute sa scolarité, l'institution Notre-Dame de Sion. Elle passe avec succès l'épreuve du baccalauréat. Parallèlement, elle entre au sein des Guides de France (GDF) et prononce sa promesse en 1930. Elle s'engage entièrement dans toutes les activités de l'association. Elle choisit Bayard (le chevalier sans peur et sans reproche) comme totem. Avant de poursuivre ses études universitaires, Alice Daul entreprend une formation d'infirmière. Son diplôme en poche, elle souscrit un engagement militaire en temps de guerre et elle est mobilisée en septembre 1939. Avec sa soeur, Marie-Louise, elle s'inscrit à l'Institut d'enseignement commercial supérieur (IECS). Alice y rencontre un jeune étudiant, Cyrille Gillig. Les deux soeurs passent également avec succès le permis de conduire. Alors que la guerre éclate en septembre 1939, Alice est mobilisée comme infirmière au mont Sainte-Odile (Bas-Rhin) puis à l'hôpital de Neufchâteau (Vosges). En octobre 1940, elle est démobilisée à Pau (Pyrénées-Atlantiques) et revient en Alsace annexée.

Et, dès son retour en Alsace, Alice Daul trouve une place de secrétaire-comptable au sein de la distillerie familiale La Cigogne de Strasbourg. Avec sa soeur, Marie-Louise, elle contacte Lucienne Welschinger qui, avec Emmy Weisheimer, porte secours aux prisonniers de guerre (PG) internés ou de passage dans la capitale alsacienne. Malgré l'interdiction des autorités nazies, avec Lucie Welker et Marcelle Engelen, elles forment une organisation clandestine issue du guidisme, les Pur Sang. En janvier 1941, elles tiennent leur première réunion et jettent les bases de leurs multiples actions, notamment l'aide à l'évasion des PG et autres fugitifs. Le but est de servir la France par tous les moyens possibles, respectant ainsi l'application de la promesse scoute: "Sur mon honneur, avec la grâce de Dieu, je m'engage à servir de mon mieux Dieu, l'Eglise et la France, à aider mon prochain en toutes circonstances, à observer la loi des Guides".

Alice Daul s'engage entièrement dans toutes les actions d'aide à l'évasion, l'accueil dans les églises en liaison avec des prêtres et des curés, l'hébergement, le ravitaillement, le convoiement et même le passage. Dans un premier temps, avec Lucie Welker, elle explore le secteur d'Hégenheim (Haut-Rhin) à proximité de la frontière suisse et met en place un plan, il faut passer derrière le cimetière du village et se diriger tout droit vers la Suisse. Mais après six mois d'utilisation, ce dernier lieu est abandonné car le passage s'avère trop dangereux.

Avec sa soeur, Marie-Louise, Alice se rend au col de la Schlucht, dans la vallée de Munster (Haut-Rhin). Le lieu de passage trouvé, le rocher du Tanet situé à 1 100 mètres d'altitude, entre le col de la Schlucht et le lac Blanc, les évasions s'effectuent désormais sur ce terrain accidenté. Les rondes des douaniers étant réglées à la minute près, les moments propices sont faciles à déterminer, notamment les samedis et les dimanches vers 12h30. Ce site est également très fréquenté pour des excursions, ce qui facilite le camouflage des PG évadés et autres fugitifs. Après le passage de la frontière, ces derniers se rendent à la maison des Soeurs de Notre-Dame de Sion à Gérardmer (Vosges). Néanmoins, malgré la réussite de cette action, l'hiver ne tarde pas à freiner le rythme des évasions et Alice et sa soeur, se retrouvent prisonnières d'une tempête de neige. Les Pur Sang doivent trouver un autre lieu de passage, ce qui est fait rapidement du côté de Landange (Moselle).

Malheureusement, après un passage en France de l'intérieur, Lucie Welker est arrêtée par les Allemands le 28 février 1942 à la gare d'Avricourt (Meurthe-et-Moselle). Par la suite, tous les membres de l'organisation, excepté Marcelle Engelen qui s'est évadée d'Alsace dès janvier 1942 pour se soustraire à son incorporation au Reichsarbeitsdienst, RAD ou service du travail, sont arrêtés. Alice est arrêtée sur son lieu de travail à Strasbourg le 21 mars 1942.

Internée à Strasbourg, transférée à Kehl (Allemagne) puis le 30 avril 1942 au camp de Schirmeck, le 22 janvier 1943 à la prison Sainte-Marguerite de Strasbourg, Alice Daul est jugée par le 1er Sénat du Volksgerichtshof, le tribunal du peuple, le 26 janvier 1943 à Strasbourg. Condamnée à une peine de huit années de pénitencier pour aide à l'évasion, elle est déportée le 5 février 1943 à Stuttgart (Allemagne), transférée en novembre 1943 à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) puis à la maison centrale de Ziegenhain (Allemagne). Evadée le 6 février 1945, elle franchit la frontière suisse le 2 mars 1945 avant d'être rapatriée en France le 18 mars 1945. 

En septembre 1945, Alice Daul est l'une des trois premières élues au conseil municipal de Strasbourg. En 1946, elle épouse Cyrille Gillig, ancien déporté du camp de concentration de Neuengamme (Allemagne). Ensemble, ils adhèrent au mouvement Vie Nouvelle, et avec d'autres membres gèrent une maison de vacances dans le massif des Vosges entre 1950 et 1960. Militante de l'Union féminine civique et sociale (UFCS), dont le but est l'émancipation politique des femmes, depuis 1958, Alice Daul en devient la délégué régionale et y apporte une intense activité dans de nombreux domaines, consommation, urbanisme, vie de quartier, formation des femmes à l'engagement politique et congrès. Elle décède le 10 novembre 2011.

Le 10 février 1979, Emmy Weisheimer décore Alice Gillig de l'insigne d'officier de la Légion d'honneur avec la citation suivante : "Fervente patriote et résistante de la première heure, membre de l'une des plus importantes filières de rapatriement de prisonniers du Bas-Rhin, s'est particulièrement dévouée à leur acheminement de Strasbourg à Gérardmer en passant par les Vosges, et à leur ravitaillement en nourriture et en effets d'habillement. Arrêtée le 21 mars 1942, à été condamnée par le Volksgerichtshof à huit ans de Travaux Forcés. A été déportée en Allemagne le 21 mars 1943. Par son patriotisme, son intelligence et son dévouement de tous les instants, a bien servi la cause de la Résistance."


Eric Le Normand (avec l'aide de Xavier Gillig)
DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016