Livret matricule d’officier de Frédéric Bleicher

Légende :

Frédéric Bleicher, résistant, faisait partie de la compagnie Abel de Romans-sur-Isère.

Genre : Image

Type : Livret matricule

Source : © Archives Maurice Bleicher Droits réservés

Détails techniques :

Livret matricule réglementaire d’officier ; dimensions 20,7 x 13,3 cm.

Date document : Sans date (1945)

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

C'est un livret matricule d’officier classique dans lequel sont inscrits l’état civil de l’officier, son signalement, ses campagnes, ses décorations.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Le témoignage de Frédéric Bleicher évoque la période, en 1943-1944, où ce résistant confectionnait de faux-papiers. Ce n'est donc qu'une partie de son action dans la Résistance qui est l'objet de ce témoignage.

« Dans le cadre de mes activités dans la Résistance au sein de la compagnie civile de Romans, j'étais responsable de la fourniture de tous les faux papiers d'identité que nous remettions aux réfractaires au STO.

Munis de ces faux papiers, je les hébergeais et les dirigeais ensuite vers les maquis du Vercors. Afin de réaliser ces faux papiers, j'ai mis en place une organisation avec la complicité de fonctionnaires. Une réfugiée lorraine qui était secrétaire à la mairie de Bourg-de-Péage Madame Kambietz me fournissait les formulaires administratifs nécessaires.

Les cartes d'identité vierges étaient heureusement libres d'achat. Celles portant l'en-tête de la préfecture de Valence nous étaient remises par un autre Lorrain, Wagner, qui était employé dans cette préfecture.

Je devais ensuite disposer d'un tampon officiel. J'ai alors remis à Wagner une boîte de cirage contenant du stent (qualité de pâte, NDLR) utilisé par les dentistes pour prendre l'empreinte des dents. À la préfecture, il a pris l'empreinte d'un tampon "État français-Préfecture de la Drôme". J'ai ensuite coulé du métal dans cette boîte, ce qui m'a permis de reproduire ce tampon. J'ai procédé de même avec le secrétaire du commissariat de police de Romans, ce qui m'a permis de reproduire un tampon de cet organisme. Je faisais les photos d'identité chez moi et mon camarade Daniel Borkowski rédigeait tous les documents et imitait les signatures.

J'ai également réalisé des faux papiers pour mes parents qui, juifs, vivaient à Paris et dont la situation devenait de plus en plus périlleuse après les deux arrestations et internements subis par ma sœur en juillet 1942, en mars 1943 et la multiplication des rafles à Paris.

Il fallait les doter de cartes d'identité, de cartes d'alimentation mais aussi de déclarations de changement de domicile qui leur permettraient de crédibiliser le scénario d'un déménagement de la Drôme vers Paris et de faire avaliser ces papiers par la police à Paris. J'ai tout d'abord choisi, parmi la liste des vrais papiers d'identité délivrés à la mairie de Bourg-de-Péage, les identités de deux personnes aux âges proches de ceux de mes parents. Je pensais qu'il était nécessaire de reproduire les papiers réellement délivrés en estimant qu'une vérification par les Allemands ou par la police auprès de la mairie se serait bien terminée, alors que la probabilité d'une arrestation concomitante des deux porteurs des mêmes identités était très faible.

J'ai ensuite fabriqué de fausses cartes d'identité de la préfecture de la Drôme ainsi que de fausses cartes individuelles d'alimentation sur lesquelles j'ai domicilié mes parents à Bourg-de-Péage. Il fallait ensuite établir de faux certificats de changement de domicile de Bourg-de-Péage vers Paris. J'ai envoyé tous ces documents à mes parents cachés dans des ourlets de vêtements. Munis de ces documents, mes parents ont pu faire enregistrer en février 1944, auprès du commissariat de police du 5e arrondissement de Paris, le faux changement de domicile. Ils étaient ainsi en possession de cartes d'identité visées par la police qui leur a également remis des documents de déclaration de changement de domicile de Bourg-de-Péage vers la rue de Bièvre à Paris. C'est avec ces faux papiers, mais en quelque sorte authentifiés par la police, que mes parents ont vécu jusqu'à la Libération. »

Frédéric Bleicher dissèque parfaitement le système de la confection de faux documents. On saisit l'importance de ces pièces falsifiées qui ont permis, pour son auteur de sauver, entre autres, ses parents d'une arrestation et sûrement d'une déportation certaine.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Archives Maurice Bleicher