Joël Le Tac

Légende :

Photographie d'identité de Joël Le Tac extraite de son dossier individuel du BCRA

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD 28P4 303 36 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique 

Date document : 1940-1941

Lieu : Angleterre

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

LE TAC Joël, André, est né le 15 février 1918, dans un appartement du 6ème arrondissement de Paris de LE TAC André et de LE TAC Yvonne née MANIÈRE. Il est le troisième fils LE TAC, ses frères ainés étant Roger né en 1904 et Yves né en 1908.

Sa mère Yvonne, institutrice dans l’Instruction publique et accessoirement farouche partisante du principe de laïcité, éduquera ses fils dans l’amour de la Patrie et du respect de la République. C’est en arpentant durant sa jeunesse les quartiers historiques de Paris que Joël se découvre très tôt un intérêt pour l’histoire de la Révolution française, de la Guerre de 1870 et pour la Commune. Influencé par l’éducation de sa mère,  Joël développe une profonde aversion envers l’injustice, sentiment qui l’accompagnera durant toute sa vie.

Sa jeunesse est également l’occasion de s’accoutumer aux paysages aux côtes du nord Bretagne puisque la famille ayant acquis une petite maison à Saint-Pabu (Finistère) y passe ses vacances estivales. Durant ses séjours prolongés, les enfants jouent à la guerre et Joël s’imagine à la tête d’une « armée internationale de la Société des Nations ». Sur la côte nord finistérienne, Joël se familiarise avec le particularisme d’un environnement marin qui peut s’avérer souvent dangereux et hostile pour les non-initiés.

A l’adolescence, Joël est inscrit au prestigieux lycée Louis-le-Grand à Paris. A cette période, il se passionne pour la politique. Animé par un antiracisme viscéral teinté d’antimilitarisme et de pacifisme, iladhère en tant que commissaire politique aux Étudiants socialistes. Guidés par ses convictions, il n’hésite pas à en venir aux mains lors de rixes contre ce qu’il considère être les ennemis héréditaires de la République à savoir les Camelots du roi de l’Action française. Fervent lecteur du Canard enchaîné et du journal socialiste Le Populaire, il prend conscience à la lecture de ces derniers, du danger que représentent le fascisme et le nazisme pour la stabilité et la paix en Europe. A son niveau et à sa manière, il entend prendre part à la défense de la démocratie et du parlementarisme face aux risques croissants que font peser les idéologies d’extrême droite qui gangrènent l’Europe des années 1920 – 1930. Pour se faire, il participe au sein du mouvement politique qui rassemble les forces de gauche, le Front commun, à de violentes bagarres de rue qui opposent militants de gauche et militants d’extrême droite.

L’année 1936 est marquée en France par l’accession au pouvoir de la coalition de gauche du Front populaire dirigée par Léon Blum et dans lequel Joël Le Tac place beaucoup d’espoir quant à l’apaisement politique, économique et social des situations nationale et européenne. Cette même année voit également le déclenchement de la Guerre civile en Espagne au cours de laquelle s’affrontent les défenseurs de la légitime IInde République espagnole du Frente Popular et les putschistes notamment composés de militaires séditieux et bientôt commandés par le Caudillo Franscico Franco.

Au vu des difficultés économiques qui traversent la France et les pays européens, consécutives au krach boursier américain de 1929 dont découle une inévitable crise économique, qui impacte à retardement le Vieux Continent, crise que le Gouvernement de Léon Blum ne parvient pas à endiguer à court terme, entraînant irrémédiablement des effets néfastes sur la vie socio-économique des Français, beaucoup de soutiens du Front populaire à l’image de Joël Le Tac éprouvent alors un sentiment de désillusion à l’endroit de la politique insuffisante menée par la coalition de gauche au pouvoir.  Alors qu’il se persuade de l’imminence d’une guerre contre l’Allemagne nazie, Joël constate amèrement que les responsables des démocraties européennes dont la France, s’accordent officiellement pour laisser la jeune République espagnole seule face aux franquistes, soutenus politiquement et militairement par l’Allemagne nazie d’Hitler et l’Italie fasciste de Mussolini.

Déçu de manière générale par la politique et plus particulièrement par le manque de volontarisme du Gouvernement du Front populaire, Joël Le Tac s’éloigne progressivement de la vie militante et consacre désormais sa vie de jeune étudiant à ses cours de droit et surtout aux sorties entre amis, tout en gardant à l’esprit que la guerre n’est plus qu’une question de temps. Lors de ces virées nocturnes dans les quartiers branchés de Paris, Joël fait la rencontre d’individus tels qu’Henri Salvador, Jean-Pierre Melville (futur réalisateur du film L’Armée des ombres) ou encore André Lacaze dit « Dédé » avec lequel il se lie rapidement d’amitié et qu’il l’accompagnera plus tard dans l’aventure résistante. De conviction politique radicalement opposée, André Lacaze est un Camelot du roi alors que Joël est un militant socialiste, les deux hommes parviennent néanmoins à se respecter et à s’apprécier mutuellement. C’est dans ce contexte politique et international tendu qu’éclate en Europe, la Seconde Guerre mondiale le 3 septembre 1939 suite à l’invasion de la Pologne par l’Armée allemande.

Dans le cadre de la mobilisation générale, Joël Le Tac est affectée le 16 septembre 1939 au 8ème génie situé à Versailles loin du front, en tant aspirant élève dans les transmissions avant d’accéder au grade d’aspirant élève dans le génie. A sa demande, il est versé, toujours à Versailles, comme aspirant élève d’infanterie. Cependant, Joël ne satisfait pas d’être éloigné du front. En juin 1940, face à la déconvenue militaire que subissent les Armées françaises, l’unité de Joël est contrainte au repli en direction du sud-ouest, à Castets dans le département des Landes. Au même moment, le Maréchal Pétain appelé au pouvoir par le Gouvernement de Paul Reynaud, demande l’armistice le 17 juin 1940 auprès des Allemands. Avec trois amis de son unité, Joël refuse la défaite et le notifie à ses supérieurs. Les quatre soldats désobéissant aux injonctions de suspendre les hostilités, décident de se rendre à Saint-Jean-de-Luz située sur la côte basque. Là-bas, Joël s’embarque le 24 juin 1940 sur le navire britannique, le Baron Kinnaird, un navire marchand transformé en transporteur de troupes et chargé de rapatrier les soldats polonais vers l’Angleterre. Avant de quitter la France, il envoie une ultime carte postale à ses parents dans laquelle il indique sa volonté de continuer la guerre.

A bord du navire qui ramène de nombreux militaires français refusant l’Armistice signé le 22 juin 1940, il fait la connaissance notoire du jeune Alain de Kergorlay avec qui il sympathise. Le Baron Kinnaird accoste dans le port de Liverpool le 30 juin 1940. A peine débarqué, Joël Le Tac se rend immédiatement en direction de Londres et rejoint le Quartier Général de la France Libre. Au 1er juillet 1940, Joël s’engage comme volontaire de la France Libre, acte d’engagement officiellement signé à la date du 27 septembre 1940. Il reçoit le matricule 547 D.

A Londres, il découvre une ville assaillie par les raids meurtriers de la Luftwaffe qui exerce une pression sur les Britanniques via le Blitz. Dans cette ville, il retrouve une connaissance parisienne qui lui propose de servir comme instructeur à l’école militaire des cadets de la France Libre qui s’est établie à Brymbach au Pays de Galles. Le 1er septembre 1940, Joël Le Tac est promu au grade de sergent puis le 15 septembre, il quitte l’école de Brymbach pour être incorporé dans les Forces aériennes de la France Libre (FAFL).

Durant le mois de septembre 1940, le Général de Gaulle décide de doter les FAFL d’une unité parachutiste dont il confie la constitution et le commandement au capitaine du génie, Georges Bergé. Le 29 septembre 1940, la 1ère Compagnie d’Infanterie de l’Air (1ère CIA) est officiellement mise sur pied. Joël Le tac rejoint cette unité fraichement créée en octobre 1940 qui ne compte à cette époque qu’une trentaine de recrues. Le capitaine soumet ses jeunes volontaires à un entraînement physique intensif afin de les accoutumer aux prochaines opérations spéciales en territoire ennemi. Bergé propose à ses recrues de suivre une épreuve indispensable pour une unité d’infanterie de l’air, celle des sauts en parachute dispensés au Central Landing Establishment de Ringway près de Manchester. Joël Le Tac décroche le brevet de parachutiste de la France Libre le 20 décembre 1940 avec le numéro 398.

En cette fin d’année 1940, le Special Operations Executive (SOE, service de guerre subversive britannique) en manque d’effectifs, sollicite le Deuxième Bureau de la France Libre dirigé par André Dewavrin alias Passy en vue d’une opération de sabotage en France occupée. Le 17 janvier 1941, un responsable du SOE, Thomas Cadett, expose à Passy une ébauche de l’opération baptisée « SAVANNAH », qui vise à détruire au moyen d’explosifs, les cars transportant des aviateurs allemands servant sur des bombardiers particulièrement efficaces dans la campagne du Blitz, que l’Allemagne impose sur l’Angleterre. Compte tenu de la portée de la mission susceptible de concrétiser une coopération des services gaullistes avec les services britanniques, Passy se tourne vers le capitaine Bergé afin qu’il réfléchisse à la constitution d’une équipe de sabotage. Les paras brevetés de la France Libre dont Joël sont alors transférés à la Special Training School n°17, « station 17 ». Là-bas, les hommes de la 1ère CIA sont soumis aux préceptes de la guerre subversive impulsés par des instructeurs du SOE qui combinent recherche de renseignements, techniques de sabotage et règles élémentaires de la vie clandestine.

Après plusieurs tergiversassions et ajournements, le capitaine Bergé, le sous-lieutenant Jean Petit Laurent, le sergent Jean Forman, le sergent Joël Le Tac et  le caporal Joseph Renaultsont convoqués le 2 mars 1941 rue Baker Street à Londres, au siège du SOE pour prendre connaissance précisément des modalités de la missionet du lieu de largage en France occupée, qui se fera dans les environs de Vannes de nuit et en « blind », c’est-à-dire à l’aveugle, sans aucun comité d’accueil au sol.Le 15 mars 1941, après avoir revêtus leurs vêtements civils et préalablement arrachés tout signe distinctif renvoyant aux origines anglaises des vêtements, les agents français de l’opération SAVANNAH sont discrètement conduits à l’aérodrome Stradishall appartenant à la RAF. Vers 19h45, l’équipe embarque dans un bombardier moyen A.W. 38Whitleyconverti en transporteur de troupes, capable de voler de nuit et rattaché aux opérations spéciales du SOE. Afin de donner l’illusion aux Allemands qu’il s’agit d’un simple raid aérien nocturne, le bombardier Whitley transportant les parachutistes de la France Libre est accompagné de bombardiers conventionnels de la RAF chargés d’effectuer un raid sur l’aérodrome de Meucon. Après s’être détaché du groupe de bombardiers, le Withley des opérations spéciales largue les cinq parachutistes de l’opération SAVANNAH et leurs containers mais manquent la Drop Zone de plusieurs kilomètres.

Joël Le Tac et ses compères parviennent néanmoins à se rassembler à dissimuler les toiles de parachutes et attendent l’aube avant de faire mouvement en direction de leur objectif.  Au matin du 16 mars 1941, les membres de l’équipe prennent contact avec des fermiers locaux. Cette prise de contact inattendue avec des autochtones permet au groupe de disposer d’un appui dans la région en prévision d’un éventuel développement de l’activité résistante, ce qui se confirmera lors des prochaines missions de Joël Le Tac en France occupée et plus particulièrement en Bretagne.Le 17 mars, le capitaine Bergé demande au sous-lieutenant Petit Laurent de partir en mission de reconnaissance à Vannes afin de repérer l’hôtel où logent les aviateurs de l’escadrille allemande. De retour de Vannes le soir même, la capitaine Bergé estime que les renseignements collectés par Petit Laurent sont incomplets et le renvoie en mission dès le lendemain. Petit Laurent a pu cependant rapporté à son supérieur que les renseignements dont disposaient les services à Londres, étaient désormais périmés. Au bout de deux jours, ne voyant pas réapparaître Petit Laurent, Bergé décide d’annuler la mission et ordonne aux membres de l’équipe de se disperser en attribuant à chacun une mission de renseignement à réaliser. D’autre part, il fixe au préalable une date et un point de rassemblement en vue de l’exfiltration de l’équipe. Cette opération maritime d’embarquement doit avoir lieu dans la nuit du 4 au 5 avril 1941 depuis une plage de Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée, ce qui laisse une quinzaine de jours aux membres de l’équipe pour leur mission de renseignement et de prise de contacts en France occupée.

Le capitaine Bergé se dirige vers le Sud-Ouest et plus particulièrement dans le secteur de Bayonne alors que Jean Forman est envoyé sur Paris via Nantes. Joseph Renault reçoit pour mission de se faire embaucher sur l’aérodrome de Meucon afin de collecter des informations utiles concernant l’escadrille allemande. N’y parvenant pas, il profite de cette quinzaine de jours pour aller voir sa famille qui habite en Bretagne. De son côté, Joël Le Tac part voir ses parents qui sont en résidence dans leur de maison de Saint-Pabu. Il profite de son séjour dans le nord Finistère pour se rendre à Brest prendre des contacts et aller à la chasse aux renseignements.

A la date fixée pour l’embarquement, seuls Bergé, Forman et Le Tac sont présents au point de ralliement. L’équipe doit être récupérée par un sous-marin de la Royal Navy, le Tigris, qui met à l’eau trois embarcations chargées de ramener les agents à bord. La mer étant déchaînée, deux embarcations se renversent instantanément. Le capitaine Geoffrey Appleyard prend les commandes de la troisième embarcation et atteint le rivage. Compte tenu de l’étroitesse de celle-ci, seuls Bergé et Forman peuvent prendre place à bord. Le Tac doit attendre le second voyage pour pouvoir être ramené. Hélas, une avarie sur la barque empêche l’équipage du sous-marin d’aller chercher le sergent Le Tac resté sur le rivage. Le sous-marin est contraint d’abandonner l’agent de la France Libre sur la plage. Après deux heures d’attente et ne voyant pas la barque revenir, Le Tac décide de quitter les lieux et de se rendre à Paris où il prend contact avec son frère, Yves.

Persuadé que l’opération SAVANNAH peut encore être réalisée, Joël embarque son frère en direction de Vannes le 8 avril 1941. Ensemble, ils tentent de réitérer l’opération de sabotage contre l’autocar des aviateurs allemands. Ils apprennent grâce aux indications de paysans locaux que l’autocar a changé son itinéraire. Joël décide donc de suspendre temporairement l’exécution de la mission et demande à un contact avec qui il a établi un rapport de confiance de poursuivre le travail de renseignement autour des aviateurs allemands.

Toujours aussi déterminés, les deux frères Le Tac réapparaissent à Vannes le 22 avril 1941 avec la ferme intention de mettre à exécution le plan de sabotage SAVANNAH. Après avoir pris connaissance auprès de leur indicateur du chemin pris l’autocar et des horaires de passage de ce dernier en un secteur précis, les frères Le Tac décident de mettre le plan à exécution. Or, ils constatent que l’autocar se déplace désormais en convoi de quatre autocars, escortés par une voiture et deux motos. Au vu du dispositif allemand de convoyage, Joël décide d’annuler définitivement l’opération SAVANNAH. Même si l’objectif principal de SAVANNAH n’a pas été rempli, il n’en demeure pas moins qu’elle fut une expérience qui a permis aux services secrets de la France Libre de s’affirmer militairement auprès de son homologue britannique ouvrant ainsi la voie à l’élaboration de prochaines missions de sabotage. De surcroît, le principe de cette opération ciblant directement le personnel des forces allemandes, inspira pour le SOE d’autres ébauches de missions qui ne furent jamais concrétisés.

Pour l’heure, les frères Le Tac se séparent, Joël retourne au domicile parental à Paris, rue Gît-le-Cœur. Mais il a une autre idée en tête : gagner la zone sud. Or, l’une des difficultés inhérente à la vie clandestine est le besoin continuel de ressources financières. Heureusement, Joël a pu bénéficier de prêts d’argent en provenance d’amis de la famille, ce qui lui permet au passage de mesurer le degré de patriotisme et de confiance de ces personnes. Le soir même de son retour à Paris, il reprend le train en direction de Bordeaux puis des Landes. Le lendemain, il traverse la ligne de démarcation et se dirige sur Toulouse puis Marseille. Lors de ce voyage, Joël n’oublie pas d’opérer des rapprochements avec tout individu susceptible de servir la cause de la France Libre. A Marseille, il tente d’obtenir l’aide du Consulat américain afin que celui-ci lui trouve une solution de rapatriementvers l’Angleterre. En vain. Errant dans les quartiers marseillais, dépourvu d’argent, Joël Le Tacreprend contact avec un ami qui lui propose de l’héberger et de le nourrir. Lors d’une balade dans les rues de la Cité phocéenne, Joël retrouve de façon tout à fait inopinée, l’un de ses compagnons d’arme au moment de l’affaire SAVANNAH : le sous-lieutenant Petit Laurent, qui avait disparu après sa seconde mission de reconnaissance sur Vannes. Ce dernier lui explique qu’à son retour de Vannes, il s’était senti repéré et suivi, et par conséquent, avait préféré ne pas retourner à la planque où était caché le reste de l’équipe SAVANNAH. Il affirme en outre, être toujours un agent au service de la France Libre et invite Joël Le Tac à le rejoindre dans sa nouvelle mission qui consiste à créer un réseau de renseignements en lien avec des Républicains espagnols. Le Tac accepte et reçoit en échange une somme d’argent de la part de Petit Laurent, lui permettant de regagner Paris via Bordeaux et créer au passage une filière de boîtes aux lettres indispensables au fonctionnement du réseau. Après avoir retraversé seul la ligne de démarcation, il gagne Bordeaux et s’embarque dans un train qui le conduit à Paris où il s’installe au domicile parental.

Dans le même temps, conforté par la structure adoptée pour l’opération SAVANNAH, le SOE réitère auprès des services de la France Libre, dans le cadre d’une coopération entre les deux entités, une demande de mise à disposition d’une équipe de saboteurs en vue d’une mission en France occupée. Le 10 avril 1941, une première tentative de parachutage d’un commando polonais du SOE – mission JOSÉPHINE A – se solda par un échec suite à une défaillance technique. Au printemps 1941, le SOE souhaite rééditer l’opération en ayant recours cette fois-ci, aux parachutistes de la France Libre. La mission baptisée JOSÉPHINE B a pour objectif la destruction d’une centrale électrique située à Pessac  qui alimente entre autre la base sous-marine allemande de Bordeaux. L’équipeest constituée du sergent Raymond Cabard alias « Fraichin » de l’adjudant Jean Forman alias « Baudouin », un ancien de SAVANNAHet du sergent André Varnier alias « Jacques Leblanc ». Les trois hommes sont largués avec leur matériel en « blind » dans la du 11 au 12 mai 1941dans le secteur de Mimizan dans le département des Landes. Après avoir rapidement camouflé le matériel, le petit groupe part effectuer une reconnaissance de l’objectif et découvre que la centrale électrique de Pessac est solidement protégée par un haut mur d’enceinte auquel s’ajoute un dispositif de câbles électriques. Du fait de la hauteur du mur d’enceinte, les saboteurs de la France Libre ne peuvent estimer la présence allemande à l’intérieur de la centrale. Enfin, ils ne disposent d’aucun moyen de locomotion pour assurer leur repli, l’agencement du site ne facilitant pas la tâche. Après ces constations, les membres de l’équipe songent à renoncer à l’opération et préparent déjà leur exfiltration par voie maritime au moyen d’un sous-marin chargé de les récupérer au large de Mimizan. Arrivés trop tard pour l’opération d’exfiltration, les trois saboteurs de la mission Joséphine B sont contraints de rester sur place. Ils mettent à profit ce temps disponible en France occupée pour compléter leurs observations sur la centrale de Pessac par des renseignements de terrain. Après plusieurs séjours dans des secteurs différents, l’équipe se retrouve et Forman qui est le supérieur hiérarchique du groupe, décide de se rendre à Paris pour s’assurer de contacts. Forman a notamment l’intention de revoir  Joël Le Tac, son ancien co-équipier de SAVANNAH, qu’il retrouve effectivement à l’adresse indiquée. Il lui fait part de l’opération JOSÉPHINE. Ragaillardi par cette nouvelle opportunité de mission, Joël Le Tac parvient à convaincre Jean Forman de retenter le coup contre la centrale de Pessac. Après quelques jours d’attente sur Paris, les deux compèresregagnent Bordeaux début juin 1941.

Arrivés à Bordeaux, Forman et Le Tac se rendent chez les parents du capitaine Bergé qui hébergent les deux autres membres de l’équipe JOSÉPHINE B, Cabard et Varnier. Il fixe la nuit du 6 au 7 juin comme d’exécution de l’opération. Alors que le groupe est acheminé par camionnette depuis Bordeaux en direction de Pessac, le véhicule tombe en panne et contraint Forman à reporter l’opération la nuit suivante en privilégiant dès lors, l’emploi de bicyclettes. Le 7 juin 1941, à 23h30, la petite équipe de saboteurs de la France Libre quitte Bordeaux à bicyclette pour se diriger sur l’objectif de la centrale de Pessac. Vers 00h30, la petite troupe se positionne à proximité de la centrale en ayant pris soin de camoufler préalablement leur moyen de transport. Après une période d’observation consistant à scruter l’activité nocturne autour de la centrale, notamment les rondes des huit gardiens allemands, Forman donne l’ordre de passer à l’attaque à 3h45. Après avoir remarqué la présence d’un poteau télégraphique situé contre le mur de la centrale, Forman décide y place une échelle et s’appui sur le poteau pour franchir le mur de la centrale. Une fois dans la cour intérieure, le groupe dispose de 15 minutes pour poser les engins explosifs puis s’enfuir avant la prochaine ronde des gardiens allemands. Une fois les engins disposés, l’équipe prend la fuite en direction de leurs bicyclettes. A peine ont-ils enfourchés leur vélo qu’une première détonation se fait entendre suivi de près, par sept autres explosions.

Le lendemain de l’opération, l’équipe JOSÉPHINE B sait qu’elle doit désormais faire face aux investigations et aux ratissages des Allemands. Après 72 heures passées à Bordeaux, Forman ordonne le décrochage et la séparation de l’équipe. Une fois en zone non occupée, chaque membre rejoint un lieu en laissant un intervalle de temps entre eux. Le Tac se rend à Marseille et revoit des connaissances à qui il propose de travailler pour la France Libre. Après une excursion à Montpellier et Toulouse, villes dans les lesquelles des liens avec des embryons de résistance sont créées, les deux compères Forman et Le Tac sont de retour à Marseille où on leur indique qu’il est temps de regagner Londres. Rejoints par Henri Labit, un français libre de la 1ère CIA, le trio apprend qu’il y a un « taxi » de retour,une opération nocturne d’atterrissage-décollage « pick up » effectuée par la RAF au moyen d’un avion Lysander. Hélas pour les trois paras de la France Libre, le Lysander ne viendra jamais au rendez-vous et les trois hommes sont contraints de rebrousser chemin vers le sud. Labit se sépare de Forman et Le Tac qui se dirigent vers la frontière espérant profiter d’une filière d’évasion leur permettant de regagner l’Angleterre en passant par l’Espagne. Dirigés depuis Toulouse vers la frontière espagnole, Forman et Le Tac qui ont été rejoints par un jeune, Edgar Thupé-Thomet, désireux de rallier à De Gaulle et la France Libre. Arrivés à Barcelone grâce au convoyage organisé par une filière clandestine, les trois hommes se présentent au Consulat britannique de la ville qui les accueille et prépare leur retour vers l’Angleterre via un passage par Lisbonne.

Le 28 août 1941 après cinq mois de mission, Joël Le Tac est enfin à Londres et peut rendre compte de son expérience d’agent clandestin de la France Libre envoyé en territoire ennemi. Il reçoit la « Military Medal », médaille militaire britannique pour son implication dans les opérations SAVANNAH et JOSÉPHINE B.  Le bilan global de JOSÉPHINE B se savoure comme un succès pour les parties prenantes à l’opération autant sur le plan militaire que politique. En effet, il conforte d’une part, la position prédominante du SOE dans sa stratégie de guerre subversive avec le recours au sabotage planifié comme un outil subsidiaire aux méthodes dites conventionnelles de mener la guerre. Ainsi, à l’opposé des couteuses opérations de bombardements qui mobilisent une grande quantité de facteurs humains et matériels avec des résultats parfois mitigés, le SOE démontre qu’au travers de moyens alternatifs, il est possible d’atteindre l’ennemi à l’arrière de sa ligne de front en infligeant de sérieux coups d’arrêt au fonctionnement de sa machine de guerre.D’autre part, ce succès légitime la présenceet l’efficacité des services de la France Libre auprès de leurs homologues britanniques, qui met en évidence l’indispensable complémentaritévoire une certaine forme d’interdépendance entre les différentes structures. De ce fait, les services gaullistes ont pu démontrer leurs capacités à répondre aux exigences opérationnelles des britanniques du SOE qui peut désormais s’appuyer sur des agents français – qui naturellement, ont l’énorme atout de connaître le pays–  pour tenter une implantation et une généralisation de l’action subversive en France occupée.

Dès lors, le SOE en coopération avec les services de la France Libre, peut envisager de passer à la seconde étape de sa stratégie de guerre subversive qui va se concrétiser, dans les territoires occupés, par l’ancrage d’organisations permanentes, dotées d’une autonomie d’action accrue et couvrant une zone géographique étendue. Pour se faire, le SOE travaillera de concert avec la France Libre dans l’élaboration et le suivi de missions en France. Cette sédentarisation de l’action subversive qui doit en principe s’adosser sur des organisations résistantes déjà existantes, se matérialise à terme et selon les chances de réussite, par la constitution de réseaux de résistance à l’image de l’organisation dont Joël Le Tac aura la charge : initialement conçue comme une mission, l’organisation au nom de code « OVERCLOUD » prendra au fur et à mesure la dénomination de réseau de résistance. Au début de l’automne 1941, le Deuxième Bureau de la France Libre ayant pris la forme et l’appellation de Service de Renseignements (SR) créé en octobre une section Action/Mission (A/M) dans son organigramme avec à sa tête le capitaine Raymond Lagier alias Bienvenüe. Cette section planifie et programme l’envoi de plusieurs missions en France dans l’espoir de couvrir une large zone d’action, aussi bien en zone nord qu’en zone sud, à partir de structures résistantes constituées et avec lesquelles des contacts ont préalablement été établis par des agents de la France Libre.Ce travail entreprisdès l’été 1941par les services gaullistes avec le concours du SOE, permet l’acheminement d’une série de missions qui visent dans leur phase initiale, à renforcer les liens entre des groupes locaux de la Résistance intérieure et Londres. Puisant parmi les volontaires de la France Libre, notamment ceux de la 1er CIA que Joël a fréquentés, ce processus débute par le parachutage de plusieurs agents français au cours des mois de juillet, d’août et de septembre 1941.

En octobre 1941, alors qu’il est promu sous-lieutenant, Joël Le Tac est rappelé par le capitaine Raymond Lagier alias Bienvenüe qui désire lui confier une mission en Bretagne : la constitution d’une organisation clandestine articulée autour de l’action subversive. Le projet de mission OVERCLOUD prévoit l’infiltration en Bretagne du sous-lieutenant Le Tac et de son opérateur-radio, Alain de Kergorlay. Afin d’optimiser les chances de réussite du projet OVERCLOUD et dans un souci de cloisonnement des activités de l’organisation, la structureOVERCLOUD sera divisé en activités indépendantes les unes des autres de manière à atténuer le risque de démantèlement complet du réseau. De la même manière, chaque activité sera subdivisée en secteurs géographiques à l’échelon départemental voire régional et ce, lorsque l’organisation aura atteintsa taille critique. En tirant profit des contacts établis par Joël Le Tac lors de ses premières missions en France occupée, le réseau OVERCLOUD devra scinder ses activités selon quatre branches parfaitement compartimentées :

- la branche Action et Résistance devra former une sorte d’armée clandestine destinée à participer à des actions locales de faible envergure dans un premier temps, puis à participer à la lutte générale lors du moment venu.

- la branche Renseignements devra s’acquitter du collectage d’informations susceptibles d’intéresser directement les services secrets alliés. Elle aura également pour mission de centraliser les éventuels renseignements collectés par les branches, par l’intermédiaire des agents de liaison précités.

- la branche Sabotage aura la responsabilité d’attaquer des objectifs qui pourront être désignés soit par l’organisation elle-même, soit par les services londoniens.

- la branche Propagande devra s’assurer dans la région d’activité de l’organisation, de la distribution de tracts, journaux ou mots d’ordre émis par Londres.

De plus, une équipe de réception devra être constituée afin de s’occuper de la reconnaissance et de la signalisation des terrains d’atterrissage et de largage ainsi que de l’accueil et du camouflage des hommes et du matériel. Dans le même ordre d’idée, Le Tac devra établir une liaison maritime entre la France et l’Angleterre qui servira aussi bien à l’acheminement du courrier que des hommes et du matériel.

Pour mener à bien leur mission, le duo Le Tac et de Kergorlay débutera avec un budget 300 000 francs à répartir au sein des branches de l’organisation. En matière de transmissions, Joël Le Tac codé JOE disposera à terme de deux opérateurs-radio : le premier Alain de Kergorlay codé JOE W destiné à entretenir des liaisons régulières avec Londres, puis le second Pierre Moureaux codé JOE X qui sera envoyé plus tard pour recruter sur place de futurs opérateurs et assurer leur formation au maniement des postes-émetteurs. En cas de besoin, un troisième opérateur-radio de secours est affecté à la mission OVERCLOUD, il s’agit de Gérard Brault codé JOE Y futur opérateur-radio de Jean Moulin lors de ses missions en France.

La première phase de la mission OVERCLOUD baptisée « KUR » qui consiste à jeter les bases du réseau en zone occupée, débute à la mi-octobre 1941 avec l’acheminement et le débarquement des agents Le Tac et de l’opérateur-radio de Kergorlay sur les côtes bretonnes. Le 14 octobre 1941, les deux agents sont conduits à la base maritime du SOE située à Helford River près de Falsmouth dans la Cornouaille britannique. Ils embarquent de nuit dans une vedette chargée de les infiltrer en France occupée. Le 15 octobre, vers 1h00 du matin, la vedette arrive au large des côtes finistériennes dans l’encablure des îles Guénioc et Trévors. Malgré une mer agitée, deux canoës sont mis à l’eau dans lesquels prennent place le sous-lieutenant Le Tac et le sergent de Kergorlay ainsi que leur matériel. Ramant en direction de l’Aber-Benoît située sur la commune de Saint-Pabu, les agents parviennent discrètement sur le rivage après trois heures de navigation dans des conditions difficiles. Aussitôt, ils se chargent de dissimuler les canoës ainsi que le matériel,  puis se rendent à la maison des parents de Joël, André et Yvonne Le Tac, où après les avoir réveillés en plein sommeil, ils sont accueillis chaleureusement autour d’une petite collation. Cette phase de débarquement en territoire occupé constitue la première opération maritime réussie de la section A/M du SR de la France Libre.

Quelques après leur débarquement sur les côtes bretonnes, Joël Le Tac et Alain de Kergorlay prennent la direction de Paris et se rendent au domicile parental, situé rue Gît-le-Cœur. Depuis ce QG improvisé, Joël y retrouve son frère Yves avec qui il fait le compte-rendu du travail de recrutement effectué en Bretagne et à Paris. Ainsi, Joël découvre que des ramifications ont pu être établies notamment avec Paulin Bertrand alias Paul Simon représentant d’un groupe de résistants structuré autour de la publication du journal clandestin Valmy. En outre, Joël apprend que le responsable de la mission DASTARD de la France Libre, le sergent Raymond Laverdet codé RED alias Raymond Ruis parachuté en région parisienne dans la nuit du 7 au 8 septembre 1941, a tenté une prise de contact avec lui. Après être parvenus à se retrouver, les deux hommes conviennent de fixer l’adresse des parents Le Tac comme « boîte aux lettres » pour leurs organisations respectives. Une fois les liens tissés avec divers milieux résistants parisiens, Joël Le Tac doit désormais penser à prioriser le recrutement au sein du réseau. Pour se faire, il commence par choisir et former celle qui assurera la fonction de secrétaire du réseau : la jeune Christiane Frahier que Joël a connu grâce à son fiancé, l’aspirant André Kuhner rencontré lors du voyage vers Liverpool en juin 1940 et avec qui il a servi comme instructeur à l’école militaire des cadets de la France Libre.

Lors de ce premier séjour à Paris, Le Tac et de Kergorlay tenteront en vain d’établir une liaison radio avec Londres. N’y étant pas parvenu, les frères Le Tac, de Kergorlay et Christiane Frahier s’embarquent pour la Bretagne et s’installent près Vannes, secteur dans lequel Joël avait pu s’assurer d’un soutien local lors de l’opération SAVANNAH. Joël met à contribution ce temps passé dans la région vannetaise pour élaborer les modalités de structuration du réseau. Ainsi, il met sur pied dans la région de Vannes des groupements relativement cloisonnés.De son côté, le radio de Kergorlay s’efforce de contacter Londres avec son poste-émetteur. Le 30 octobre 1941, le premier messagede la mission OVERCLOUD est transmissous l’indicatif de Joël Le Tac, JOE depuis une fermemorbihannaise confirmant de fait, l’activation du réseau. Mais l’équipe OVERCLOUD est rapidement contrainte d’interrompre la poursuite de ses émissions à cause de la présence d’un transformateur électrique situé à proximité de la ferme, occasionnant de nombreuses interférences. Au courant de novembre 1941, l’équipe se rend à Rennes afin de consolider les relations avec les embryons de résistance, les organiser, définir leur rôle respectif et enfin les incorporer à l’organigramme du réseau. Quant à l’opérateur-radio de Kergorlay, il doit se contenter de reprendre les émissions avec Londres depuis un lieu sûr.

Arrivés à Rennes, les frères Le Tac peuvent parachever le recrutement auprès de groupes existants et amorcer la formation et l’incorporation de ces derniers dans le réseau. Grâce aux multiples contacts préétablis dans la sphère professorale et estudiantine, les Le Tac disposent d’un vivier de volontaires rassemblés autour du Comité des Étudiants Rennais déjà impliqué dans la propagande contre l’occupant allemand et ses collaborateurs au travers de la publication d’un journal clandestin, La Bretagne enchaînée. Initialement impulsé par un employé de mairie, Étienne Maurel, par des enseignants à l’image de Victor Janton ou encore par des membres de professions libérales comme Joseph Lavoué – par ailleurs agent du réseau de renseignements JOHNY – l’activité rédactionnelle du journal s’est également ouverte aux étudiants et lycéens rennais aiguillés par les frères Louis et Pierre Normand ainsi que par André Ménard qui se propose d’accueillir les émissions radios du poste OVERCLOUD dans son appartement situé rue Alfred de Musset.Dans la Capitale bretonne, les frères Le Tac se rapprochent d’une autre organisation, surnommée « La Bête Noire », implantée dans le milieu des Chemins de fer. Ils prennent également contact avec la « Bande à Sidonie », réseau de renseignements qui dépend du SIS/MI6 britannique (Secret Intelligence Service/Military Intelligence 6) ultérieurement appelé GEORGES FRANCE. Le rapprochement avec des membres du réseau GEORGES FRANCE permet à Joël Le Tac d’envisager une coopération réciproque des deux réseaux et ainsi, d’ajouter une branche de renseignement pur – Georges 31 – dans la structure organisationnelle d’OVERCLOUD. Afin de mieux répondre aux impératifs de cloisonnement édictés par les services britanniques et londoniens, Joël Le Tac s’efforce d’entretenir des contacts réguliers uniquement avec les responsables et les agents de liaison des trois branches du réseau précitées. D’autre part, il n’existe en principe, aucune interaction entre les membres des différentes entités à l’intérieur du réseau.

Sur le plan des transmissions, le réseau OVERCLOUD ne compte qu’un poste radio à l’automne 1941 qui émet de façon très irrégulière ce qui suscite l’agacement des services londoniens renforcé par le fait que l’opérateur Alain de Kergorlay présente de sérieuses difficultés de chiffrage des messages à destination de Londres. De surcroît, le poste OVERCLOUD est fréquemment la cible des tentatives de détection par les véhicules allemands de goniométrie ce qui contraint l’opérateur-radio à interrompre immédiatement ses émissions en cours.

Cependant, l’équipe OVERCLOUD parvient à commander un premier parachutage d’armes et de matériels auprès des services spéciaux londoniens qui est prévu courant décembre 1941 dans le département du Morbihan. Dans la nuit du 13 au 14 décembre, après avoir entendu sur les ondes de la BBC la phrase de confirmation du parachutage « Valentin a reçu la lettre », Joël Le Tac dépêche une équipe de réception sur un terrain préalablement repéré situé dans le secteur d’Elven près de Vannes. Vers 1 heure du matin, le comité d’accueil entend le vrombissement d’un avion et transmet par le biais de lumières les signaux convenus avec les pilotes de l’avion. Mais, les pilotes de la RAF font une erreur de navigation et larguent finalement les containers à quelques kilomètres du point de chute. Ces derniers sont retrouvés le lendemain par un cultivateur qui pris de panique, s’empresse d’alerter la gendarmerie qui à son tour, prévient les Allemands.

Dans le même temps, les frères Le Tac poursuivent leur travail d’extension géographique du réseau et n’hésitent pas à y impliquer des agents issus d’autres structures. Le domicile parental à Paris, situé rue Gît-le-Cœur devient également une des « boîtes aux lettres » du réseau de renseignement polonais F2 – INTERALLIÉ. Or, depuis l’arrestation par les Allemands de plusieurs membres du réseau, dont Robert Kiffer, devenu agent double au service de l’Abwehr (service de renseignement et de contre-espionnage de l’Armée allemande), le réseau polonais est confronté à des tentatives d’infiltration allemandes organisées par Hugo Bleicher, agent de l’Abwehr qui deébouche au démantèlement à Paris d’une partie du réseau parmi laquelle Mathilde Carré alias La Chatte, membre du réseau et qui acceptera de travailler pour l’Abwehr. Début décembre 1941, c’est au tour d’un autre agent du réseau INTERALLIÉ, Robert Goubeau d’accepter en échange de sa libération, de travailler pour les services de l’Abwehr. Robert Goubeau qui a eu vent de l’existence de la boîte aux lettres du réseau OVERCLOUD, rue Gît-le-Cœur, décide d’en informer l’agent Hugo Bleicher. Celui-ci sollicite alors Robert Goubeau, Robert Kiffer et Mathilde Carré pour tenter d’infiltrer le réseau des frères Le Tac. Une première rencontre est organisée dans un café parisien entre Yves Le Tac et Robert Goubeau accompagné de Robert Kiffer. Mathilde Carré qui se présente comme une éventuelle recrue pour le réseau OVERCLOUD, est présentée à Andrée Comte, secrétaire particulière d’Yves Le Tac pour OVERCLOUD. Hugo Bleicher ordonne à ses trois agents infiltrés de poursuivre leur travail de pénétration du réseau et d’attendre le moment opportun, à savoir le retour d’Angleterre des frères Le Tac  qui s’apprêtaient à partir pour rendre compte de leur mission, avant de procéder au démantèlement complet du réseau OVERCLOUD. Fin décembre 1941, une autre priorité contraignit Hugo Bleicher à se dessaisir lui et Mathilde Carré de l’affaire OVERCLOUD. En effet, Bleicher et Carré furent chargés de l’infiltration d’un autre réseau de résistance, celui de Pierre de Vomécourt, le réseau Lucas-AUTOGIRO. Quant à Goubeau et Kiffer, ils furent redirigés vers l’infiltration d’une autre organisation parisienne, celle du SR de l’Armée des Volontaires qui entretenait des relations aussi bien avec le réseau INTERRALLIÉ qu’avec le groupe Valmy proche d’OVERCLOUD. Étant toujours du ressort de l’Abwehr, l’infiltration du réseau OVERCLOUD est alors confiée à une autre équipe.

Loin de s’imaginer que leur structure est la proie des services de contre-espionnage allemand, les frères Le Tac s’efforcent durant cette fin d’année 1941 à préparer des liaisons maritimes depuis la côte de Saint-Pabu vers l’Angleterre. La première opération intitulée PLAICE annoncée à la BBC par la phrase « Alfred de Musset est un grand poète », est organisée dans la nuit du 30 au 31 décembre 1941 et vise à l’acheminement du second radio du réseau OVERCLOUD en la personne de Pierre Mourraux alias Pierre Cazin. Cette opération maritime permet l’embarquement d’un autre agent de la France Libre, Fred Scaramoni alias Grimaldi Godefroy. La second opération se situe dans la nuit du 4 janvier 1942 introduite par la phrase « Aide-toi et le ciel t’aidera » diffusée à la BBC qui annonce l’opération maritime codée GUE 4 afin d’exfiltrer par vedette rapide MGB (Motor Gun Boat) depuis les côtes de Saint-Pabu sept résistants français parmi lesquels Joël et Yves Le Tac, Paulin Bertrand (groupe Valmy), Jean Forman (mission MAINMAST B), Henri Labit (mission TORTURE), Joseph Scheimann alias André Peulevey et Jean Chanal qui désire rejoindre Londres pour s’engager dans la France Libre.

Avant leur voyage vers l’Angleterre, les frères Le Tac firent la rencontre d’un individu qui se fait appeler « Charles », industriel dans le nord de la France et qui prétend être en contact étroit avec des groupes de résistants lillois. En outre, Charles affirme travailler de concert avec un agent de l’Intelligence Service britannique, un certain « Georges ». Charles propose alors aux frères Le Tac d’organiser une rencontre avec des membres de la résistance lilloise afin d’étendre la sphère d’influence du réseau OVERCLOUD au nord de la France. Contraints de regagner l’Angleterre, la prise de contact avec les membres de la résistance lilloise est assurée par le radio du réseau, de Kergorlay qui se rend en compagnie de Charles à Lille où il s’entretient effectivement avec un responsable de la résistance communiste. Dans cette optique d’accroissement de l’activité, Charles demande en retour à de Kergorlay, de se rendre à Rennes accompagné de Georges pour y être mis en contact avec les membres rennais du réseau. En réalité, ces deux individus, Charles et Georges, s’avèrent être des agents français de pénétration (V-Mann), hommes de confiance qui travaillent pour le service de contre-espionnage Abwehr. 

Une fois à Rennes, l’imprudence d’un étudiant membre du réseau conduit les deux agents de l’Abwehr à faire la connaissance de certains membres de la branche rennaise action-propagande du réseau OVERCLOUD. En parallèle, et sans que l’on puisse déterminer de liens avérés avec les deux agents précités, un autre individu résidant à Rennes, André H. se présente comme un homme d’affaires travaillant clandestinement pour le compte de l’IS et parvient à se lier d’amitié avec Christiane Frahier, secrétaire de Joël Le Tac et du réseau. De la même façon, André H. entretient des contacts avec les services répressifs allemands.

Alors que Joël et Yves Le Tac sont à Londres pour rédiger leur rapport auprès des services secrets sur le début de la mission OVERCLOUD et prendre connaissances des futurs objectifs de la mission, les responsables du réseau restés en France occupée s’activent à préparer la réception de parachutages. Deux terrains ont été préalablement repérés en Ille-et-Vilaine : l’un codé REN 1 se situe sur la commune d’Iffendic et doit servir à la branche action-propagande. L’autre codé FER 1 sur la commune de Saint-Malo-de-Phily est affecté à la branche sabotage-fer du réseau. Les opérations de largage sont prévues pour la fin du mois de janvier 1942. C’est également à cette période que les frères Le Tac accompagnés de Joseph Scheinmann sont déposés sur la côte de Saint-Pabu en Bretagne par l’intermédiaire d’une opération maritime qui a lieu dans la nuit du 25 janvier 1942. Dès lors, Yves Le Tac se rend à Paris pour y développer la mission Witching qui consiste à accroître l’activité de propagande dans les universités françaises. De leur côté, Joël Le Tac et Joseph Scheinmann se dirigent vers Rennes pour se tenir au courant de l’évolution du réseau. A peu près au même moment, une première arrestation s’abat sur OVERCLOUD : le 27 janvier 1942, Christiane Frahier est arrêtée dans un café rennais par des policiers allemands alors qu’elle se trouve en compagnie d’André H. à qui elle confie un répertoire de noms de membres du réseau, sans savoir que celui-ci est un agent au service des Allemands.  N’étant pas informés de cette arrestation, les membres du réseau maintiennent les opérations de parachutage. 

Dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1942, les phrases diffusées à la BBC « Oncle Robert est en bonne santé » et « Augustin a vu la bête noire » annoncent respectivement l’imminence des parachutages sur les terrains REN 1 et FER 1. Quatre containers sont largués sur chaque terrain, immédiatement dissimulés par les comités de réception.

Ce début février 1942 marque à partir des renseignements fournis par les agents infiltrés, le démantèlement progressif du réseau OVERCLOUD avec une première vague d’arrestations qui commence dès la journée du 2 février durant laquelle Joseph Scheinmann tombe dans une souricière à Rennes tendue par des agents de la Geheime Feldpolizei, GFP (police sécrète de l’Armée allemande) appuyés de Feldgendarmes. Le 5 février, Joël Le Tac se dirige vers l’appartement rennais d’un des étudiants, membre du réseau. A peine passe-t-il le pas de la porte que plusieurs policiers allemands de la GFP dégainent leur arme et procèdent à son arrestation. Durant cette première quinzaine du mois de février 1942, la majorité des membres du réseau OVERCLOUD sont arrêtés à tour de rôle. Aussitôt arrêté, Joël Le Tac est d’abord transféré à Angers puis à Paris où il est incarcéré à la prison de Fresnes. Là-bas, il y retrouve les membres de sa famille également incarcérés parmi lesquels son frère Yves, ses parents. Pendant plusieurs semaines, Joël Le Tac est interrogé par les services du contre-espionnage allemand. Après un an de détention à la prison de Fresnes, Joël Le Tac est déporté le 8 juillet 1943 en direction du camp de concentration de Natzweiler-Struthof situé en Alsace sous l’indicatif « NN » (« Nacht und Nebel ») avec huit autres membres du réseau dont son frère Yves.

Revenu de déportation en mai 1945, Joël Le Tac intègre les services secrets français de la DGER (Direction générale des Etudes et Recherches) avec le grade capitaine. Après un passage dans le secteur privé, il est rappelé sous les drapeaux en mars 1951 et participe à la guerre de Corée en tant qu’officier de renseignement. A partir de 1954, il devient consécutivement journaliste à Paris-Match, au Temps de Paris puis fait son retour à Paris-Match. En 1958, il est élu député de Paris sous la bannière de l’UNR (Union pour la nouvelle République), siège qu’il occupera jusqu’en 1981 année où il décide de mettre fin à sa carrière politique. Il devient alors président de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) jusqu’en 1982. Il décède le 8 octobre 2005 à Maisons-Laffitte (Yvelines).

Joël Le Tac a été promu :
• Grand Officier de la Légion d'Honneur
• Compagnon de la Libération - décret du 17 novembre 1945
• Croix de Guerre 1939-45 (5 palmes)
• Croix de Guerre des Théâtres d’opérations extérieures (2 citations)
• Médaille de la Résistance avec rosette
• Médaille des Services Volontaires dans la France Libre
• Military Medal
• Médaille des Nations Unies
• Croix de Guerre Coréenne

 


Auteur : Joris Brouard

Sources
:

- Archives Nationales :

  • 72AJ/41 Dossier n°2 Pièce 1a

- Archives départementales d’Ille-et-Vilaine :

  • 167J26/2
  • 6ETP2/40 ; 6ETP2/57 ; 6ETP2/62
  • 134W15 ; 134W19
  • 213W63
  • 514W11
  • 516W245 ; 516W305 ; 516W314 ; 516W404

- Service historique de la Défense :

  • GR 16 P 351797 LE DEUFF Edouard
  • GR 16 P 295515 LE TAC Joël
    • GR 16 P 410148 MENARD André, Auguste
    • GR 16 P 418433 MIGAUD Albert
    • GR 16 P 447155 NORMAND Louis
    • GR 16 P 447178 NORMAND Pierre, Jean
    • GR 16 P 580118 TURBAN Louis
    • GR 17 P 185 Overcloud
    • GR 28 P 3 20 Mission Savannah
    • GR 28 P 3 25 Mission Overcloud
    • GR 28 P 4 303 36 LE TAC Joël
    • GR 28 P 4 336 17 MOUREAUX Pierre

Bibliographie

- ALBERTELLI Sébastien, Histoire du sabotage. De la CGT à la Résistance, éditions Perrin, coll. Synthèses Historiques, 2016, Paris, 504 p.
- ALBERTELLI Sébastien, Les services secrets du général de Gaulle. Le BCRA, 1940 - 1944, éditions Perrin, 2009, Paris, 624 p.
- Amicale des réseaux action de la France Combattante, Les Réseaux Action de la France Combattante 1940 - 1944, Paris, 1986, 293 p.
- BROCHE François, CAÏTUCOLI Georges, MURACCIOLE Jean-François (dir.), Dictionnaire de la France Libre, éditions Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010, Paris, 1602 p.
- BROOKS Richard (Sir), Flottilles secrètes, les liaisons maritimes clandestines en France et en Afrique du Nord, 1940 – 1944, éditions Mdv, 2001, 959 p.
- FOOT Michael R.D, CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis (préface), Des anglais dans la résistance. Le SOE en France, 1940 – 1944, éditions Tallandier, coll. Poche Texto, Paris, 2011, 816 p.
- Les cheminots victimes de la répression, 1940-1945 ; ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éditions Perrin/SNCF, 2017, Paris, 1444 p.
- Les réseaux de résistance de la France combattante, dictionnaire historique, ouvrage collectif sous la direction de Stéphane Longuet et Nathalie Genet-Rouffiacn, éditions Économica/Service historique de la Défense, 2013, Paris, 1080 p.
- RENAUD Franck, Joël Le Tac, le Breton de Montmartre, éditions Ouest-France, 1994, 207 p.

Sites Internet :

Fondation pour la Mémoire de la Déportation : http://www.bddm.org/liv/index_liv.php

Ordre de la Libération : https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/joel-le-tac

Mémoire de guerre – la Résistance en Bretagne : http://memoiredeguerre.free.fr/