Un ardéchois dans la tourmente de Michel Bancilhon

Légende :

Ce tapuscrit des mémoires de Michel Bancilhon n'a pas été édité mais réservé à ses enfants et à ses amis

Genre : Image

Type : livre

Source : © Alain Martinot Droits réservés

Date document : 1992-1993

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche

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Analyse média

L'auteur : Michel Bancilhon, ex-commandant Bernard du secteur D (Aubenas et ses environs) de l’AS (Armée Secrète). Il naît le 10 août 1917 à Pont d’Aubenas et meurt le 18 novembre 1998 à Aubenas. Il appartient à une famille protestante de quatre enfants, dont un frère aîné : Robert, qui sera prisonnier de guerre. Son grand-père et son père sont de petits industriels de la soie, quartier de Tartary à Aubenas. Touché par la crise de 1929-1930, son père Emile fait faillite, devient directeur de la Caisse d’Allocations Familiales d’Aubenas et le prend comme directeur adjoint en 1941. Après avoir obtenu son BEPC, à 17 ans Michel Bancilhon entre aux Ponts et Chaussées dirigés par Pierre Bertrand, ingénieur TPE, à Aubenas. En avril 1942, il épouse Pierrette Bertrand, la fille de Pierre. En novembre 1938, il est appelé sous les drapeaux à Istres dans l’aviation. Confronté à la débâcle en mai-juin, il refuse la défaite et traite Pétain de « vieux Maréchal félon » après son discours du 17 juin 1940. Libéré en août de ses obligations militaires, il revient à Aubenas. Il reprend ses activités aux Ponts et Chaussées, écoute radio Londres, intègre le mouvement Cochet (du nom du général qui refuse la défaite et les accommodements avec les vainqueurs) auquel appartiennent Bertrand, Fournier, Calloud…. Il devient en décembre 1942 le responsable du secteur d’Aubenas de l’AS, sans doute grâce à Pierre Limagne, journaliste à La Croix replié à Aubenas, dont il est le voisin. En mai 1943 à La Voulte lors d’une réunion présidée par Henri Darciel, Bancilhon est confirmé comme chef du secteur d’Aubenas de l’AS, soit le territoire qui deviendra le secteur D. A partir de la fin février 1944, il passe à la clandestinité avec Jean Pujadas et André Bernard d’abord dans une villa à Lazuel (Aubenas) puis en mai au Crouzet d’Ailhon. Sa femme et sa fille sont placées à Banne puis à Saint Pierre le Colombier chez Marius et Rose Bouchon boulangers et résistants. Le 3 août 1944, il quitte l’AS pour les FTP (Francs Tireurs et Partisans) entraînant avec lui 9 des 21 compagnies du secteur D de l’Armée Secrète. Après guerre, il est resté fidèle à ses camarades de la Résistance et à leurs organisations. Il est un des fondateurs du musée de la Résistance du Teil en Ardèche.

L'ouvrage : Ce tapuscrit de format A4 se compose de 96 pages écrites auxquelles s’ajoutent six pages de photos dont quatre pleine page, une carte des monuments de la mémoire et l’arbre généalogique des Bancilhon. « C’est à la demande de mes nombreux enfants [6] et de beaucoup d’amis que je [Michel Bancilhon] me décide à écrire mes mémoires» dans les années 1992-1993. Ce récit autobiographique, sans recherche d’effets de style, comporte, après une courte préface, cinq chapitres : "mes origines, mon enfance, mon adolescence", "le début de ma vie d’adulte", "l’année 1943 : l’organisation de la Résistance", "1944, l’année de l’insurrection et la libération", "l’insurrection". Ces deux derniers chapitres sont bien plus étoffés que les précédents.

Fin 1942 ou début 1943 Michel Bancilhon fait la connaissance de Jean Pujadas (Jean l’espagnol ou le commandant Jean responsable des armements et de l’instruction) et avec Marcel Jardon (capitaine Noël, intendant en charge de l’organisation des maquis, de leur approvisionnement avec l’aide de Georges Mennéglier), ils forment « le fond du secteur D de l’AS » qu’il structure. D’Aubenas, le recrutement s’est étendu à tout le Sud Ardèche avec l’indication des noms des principaux résistants des villes et villages. En 1943, avec Pierre Bertrand et Pierre Fournier et en relation avec la SAP (Section Atterrissages et Parachutages) de Valence, le commandant Bernard s’est occupé de repérer et faire homologuer trois terrains de parachutages : Acier à Lanas, Adjoint et Acanthe à proximité du Gerbier-de-Jonc. Après les échecs liés aux conditions climatiques difficiles des mois de février-mars sur le plateau ardéchois, tous les parachutages, dont le premier à Plats (terrain Ail) à côté de Tournon le 8 mars 1944, effectués jusqu’au débarquement en Normandie ont été réceptionnés par le secteur D de l’AS d’après Michel Bancilhon. 1943 marque aussi le début des maquis, en particulier pour accueillir des réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire) créé en février.
Début 1944, André Bernard instituteur, membre du groupe Cochet, rejoint l’équipe Bancilhon, devient le capitaine Laurent et fait partie de l’état major du secteur D comme adjoint direct du commandant Bernard. Michel Bancilhon mentionne l’exécution d’un couple de Lentillères qui pour de l’argent avait dénoncé le maquis de la Haute Valette. Il précise « j’ai fait cela moi même avec mon plus fidèle lieutenant parce qu’on ne peut pas être un vrai chef si l’on ne donne pas l’exemple du courage et de l’abnégation ». Il en a été de même pour une famille dans la région de Borée « Je n’ai aucun regret de ce que j’ai fait et je pense l’avoir fait dans l’honneur et le respect de ma patrie ». A propos de son action le 22 juillet 1944 dans la région des Vans qui lui vaut d’être porté en triomphe par la population, il écrit « je devais passer devant et donner l’exemple. C’était de cela que je tenais mon commandement ». Il indique les actions, exemple à Vals-les-Bains, menées pour protéger les juifs pourchassés par le régime de Vichy et les occupants en les prévenant de rafles, en les hébergeant. Le lendemain du débarquement en Normandie, l’état-major du secteur D s’installe au château de Rochemure entre Chassiers et Largentière. 800 hommes sont tout de suite mobilisés (2 400 au 14 juillet), avec comme objectif de chasser les Allemands, en affaiblissant l’État Français par le ralliement de gendarmes, celui de trois escadrons de gardes mobiles ainsi que l’unité du centre de démobilisation des Bouches du Rhône. Entre le 7 et le 15 juin les compagnies du secteur D se sont installées dans toutes les montagnes du Sud de l’Ardèche. A cette structure militaire à laquelle appartient une 1/2 brigade espagnole, il convient d’ajouter les services sanitaires et le parc automobile ce qui montre que le secteur D est bien organisé. « Il est certain que je [Michel Bancilhon] donnais aussi une impulsion particulière en faisant de ces compagnies des unités très mobiles destinées à la guérilla et non pas au combat organisé comme une armée ».
Entre le débarquement en Normandie et la fin juillet 1944, quelques exemples montrent que les résistants du secteur D ont multiplié les actions contre les occupants. En juin- juillet, face à la question de l’épuration, un conseil de guerre est constitué avec des officiers résistants dont Michel Bancilhon président, Marcel Jardon, Jean Pujadas, André Bernard et des officiers d’active ayant rejoint la Résistance. Michel Bancilhon écrit « Nous examinions chaque cas de personnes arrêtées et prononcions en notre âme et conscience une sentence. Je puis dire que les officiers d’active étaient plus sévères que nous. Notre rôle s’arrêtait là et nous ne participions pas aux exécutions s’il y en avait ». Il précise qu’il y a eu bien peu d’exécutions prononcées par ce conseil de guerre qui « a dû se réunir cinq ou six fois au plus ». Il ajoute « Je n’ai entendu parler du Puits de Fons qu’après la Libération lorsque la droite anciennement collaboratrice a monté politiquement cette affaire ». Le 14 juillet à Aubenas est resté dans sa mémoire comme un jour de fête. Le 22 juillet il décrit sa participation à l’embuscade tendue à un convoi allemand à la sortie des Vans direction Villefort. Sur les combats de Banne le 29 juillet, il laisse la parole au lieutenant Charles Escudier. Le 3 août 1944, Michel Bancilhon quitte l’AS pour les FTPF. Il invoque plusieurs raisons à ce choix rendant son parcours atypique. « Mon chef départemental FFI [le commandant Calloud] issu de l’AS m’avait choqué le 29 juillet aux Vans ( il avait rejeté la demande de Bancilhon d’envoyer son corps franc de dix à douze hommes armés jusqu’aux dents participer à la bataille de Banne indiquant que son corps franc est fait pour le protéger et non pour se battre). Quand je voulais le voir, il me fallait aller à la Villa Lodie à Vals où il faisait plutôt la fête qu’assumer son commandement ». Après les différents combats de juin-juillet, il indique avoir été contacté par la majorité des chefs de compagnie qui étaient issus de la Résistance qui lui ont demandé de quitter l’AS et de passer aux FTPF. Il ajoute que « la majorité des gars qui se battaient à mes côtés étaient soit communistes, soit socialistes ». Ainsi il semble que son ralliement aux FTP soit davantage lié à son inimitié avec Calloud et à sa fraternité d’armes avec ses compagnons de la Résistance qu’à un choix politique bien défini. Le secteur D se coupe en deux. Les compagnies issues de la Résistance et le parc automobile restent avec le commandant Bernard, celles formées par les officiers d’active demeurent dans l’AS. Les groupes Picard et Escudier ne choisissent pas mais restent en contact avec Bancilhon. Après le 15 août et le débarquement allié en Provence, les combats se poursuivent dans le Sud du département contre les allemands en retraite avant que n’arrive l’armée de De Lattre de Tassigny.


Alain Martinot

Contexte historique

Cet ouvrage écrit longtemps après les évènements « n’est pas [d’après Michel Bancilhon] historique mais simplement un recueil de mes souvenirs avec des erreurs possible après quarante huit ans mais il est surtout fait pour donner l’esprit de la résistance et expliquer notre action ». Il rédige ce livre dans les années 1992-1993 dans le contexte de la disparition progressive de nombreux résistants et déportés. Comme certains de ses camarades il tient à apporter son témoignage sur son vécu alors que les idées révisionnistes se développent. C’est aussi à cette période qu’il participe activement à la création du musée de la Résistance du Teil.


Alain Martinot