Berek Kutas dit Bernard

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives nationales, 19780030/77 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique noir et blanc

Date document : 30 juillet 1949

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône - Lyon

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Contexte historique

Berek Kutas est né le 16 novembre 1922 à Strykow en Pologne. La famille Kutas s’installe en France en septembre 1931, d’abord à Paris jusqu’en 1936 puis à La Varenne Saint-Hilaire (actuel Val de Marne) jusqu’en 1940. Durant l’exode de 1940, alors qu’il est encore étudiant en région parisienne, il est évacué sur Périgueux. Il y obtient son Brevet élémentaire primaire supérieur, section commerciale, en juillet 1940. En 1941, il s’installe à Lyon, au 10 rue de la Fraternité, où il travaille comme comptable pour la société Duverger à compter du 18 mars 1942.

En décembre 1942, Bernard Kutas devient clandestin. Sous les fausses identités de Bernard Coudray et Bernard Chardonnet, il commence une action dans des organisations de la résistance animée par de jeunes juifs communistes. À partir du mois de février 1943, il participe à des actions de propagande : inscription de slogans anti nazis, distribution de tracts et de journaux clandestins, destruction de panneaux indicateurs de l’armée allemande… Ces actions ne sont pas sans risque comme il le rappelle dans un témoignage recueilli en 1995 où il évoque la distribution de tract pour démoraliser les troupes d’occupation (1). "Il y avait parmi les communistes autrichiens de Lyon des médecins qui ont rédigé un tract en allemand dans lequel ils donnaient des conseils aux jeunes soldats qui devaient partir sur le front de l’est. Ils leur expliquaient comment faire apparaître des symptômes qui les feraient exempter […]. C’est nous qui avons eu la charge de diffuser ces tracts. J’en ai lancé, seul, un soir, un paquet par-dessus le mur de la caserne de la Part-Dieu. Puis, quelques jours plus tard, je suis revenu avec une équipe de copains, et nous en avons jeté en divers endroits. À notre troisième passage, la Gestapo nous attendait, un copain a été tué et un autre arrêté." (in Claude Collin, Jeune Combat, les jeunes juifs de la MOI dans la Résistance, Grenoble, PUG, 1998).

À la fin de l’année 1943, Bernard Kutas alias Gaston s’engage totalement dans la lutte armée au sein des groupes de combat de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) et du bataillon Carmagnole. En décembre 1943, sa première action alors est la récupération d’armes qui manque cruellement à son groupe de combattants. Accompagné de deux de ses camarades, il désarme un agent de police devant le grand hôtel, rue de la République à Lyon.

Le 15 janvier 1944, il est nommé chef de détachement d’un groupe de jeunes avec le grade de sous-lieutenant. À partir du printemps 1944, l’intensité de son engagement armé ne fait que croître. En mai 1944, à la tête de son groupe, il contribue au sauvetage d’un dépôt d’armes surveillé par la Gestapo, il participe à la destruction de poteaux télégraphiques reliant la base de Bron à Lyon, il fait sauter la vitrine de collaborateurs, il récupère des armes sur des soldats allemands rue Chevreuil à Lyon. Le mois suivant, il participe à l’exécution d’un couple de traîtres et sécurise une prise de parole appelant à lutter contre les Allemands devant l’usine Gendron à Villeurbanne.

À partir de juin 1944, de nombreuses actions armées sont menées conjointement par les Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Carmagnole et les groupes de combat de l’UJRE. Ainsi, le 13 juillet 1944 en soirée, avec un détachement des FTP-MOI de Carmagnole, Bernard Kutas et ses hommes procèdent au sabotage de toutes les machines de l’usine d’huiles industrielles Janin et Romatier située route de Vienne à Lyon.
Le 16 août 1944, ils prennent part au désarmement d’une unité des groupes mobiles de réserve (GMR). Ce jour-là 70 hommes issus des FTP-MOI et des groupes de combat de l’UJRE encerclent et investissent les locaux du groupe scolaire Édouard Herriot à Lyon où depuis quelques jours une centaine de GMR ont pris leur quartier. Après des pourparlers, les GMR se rendent. Une quarantaine d’entre-eux décident même de gagner le maquis tandis que la totalité de leurs armes et de leurs munitions sont récupérées. Ces armes serviront quelques jours plus tard à équiper les premiers combattants de l’insurrection de Villeurbanne.
En août 1944, Bernard Kutas organise le blocage des tramways du dépôt Jean-Macé de Lyon en sabotant un embranchement et organise la distribution de 50 000 tracts appelant à la grève générale du 10 août 1944 avec protection armée.

Il prend une part active aux combats de l’insurrection de Villeurbanne et à ceux de la libération de Lyon aux cours desquels il est blessé par balle le 3 septembre 1944. Après son hospitalisation et sa convalescence, il est versé au Premier régiment du Rhône et rejoint la caserne de la Part Dieu où il est démobilisé. Il obtient la nationalité française en 1948.

(1) Cette propagande appelée le "travail allemand" était organisée par la MOI.


Auteur : Frantz Malassis

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 324508 (dossier individuel de Bernard Kutas).
Archives nationales, 19780030/77, dossier de demande de naturalisation 33147X47
Claude Collin, Jeune combat, les jeunes juifs de la MOI dans la Résistance, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1998.
Claude Collin, 24-26 août 1944. L’insurrection de Villeurbanne a-t-elle lieu ?, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1994.