Rue Léon Mury, Rennes (Ille-et-Vilaine)

Genre : Image

Type : Plaque de rue

Producteur : Joris Brouard

Source : © Cliché Joris Brouard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : Février 2022

Lieu : France - Bretagne - Ille-et-Vilaine - Rennes

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Contexte historique

MURY Léon, Henri est le 21 novembre 1920 à Tressé (Ille-et-Vilaine). Il est élevé sévèrement par des parents instituteurs très patriotes. Son père a été grièvement blessé lors de la guerre 14-18 et il a reçu le prénom d’un oncle tué en octobre 1918. Il a la réputation d’être un garçon gentil, gai, bavard, malin et débrouillard.

Après des études primaires supérieures à Ernée et à Rennes, il réussit en 1938 le concours de surnuméraire des Postes. Après quelques mois de formation à Nantes, il est nommé à Metz au début de 1939. Au printemps 1940, lors de l’invasion de la France, sur le conseil de son chef, il quitte précipitamment son poste pour éviter d’être enrôlé dans l’armée allemande et rentre à Rennes.

Le 5 juin 1940, il s’engage dans la Marine Nationale et est affecté au 3ème Dépôt des Equipages de la Flotte à Lorient. L’État-major ayant décidé de se replier vers le Sud, Léon, après avoir changé sept fois de bateau, met enfin le cap vers Bordeaux à bord d’une embarcation vétuste, avec un équipage inexpérimenté et sous les bombes allemandes. A l’entrée de la Gironde, parce qu’il sait lire les feux indiquant que le port est miné, le bateau fait marche arrière et descend à Bayonne.

Léon est expédié à Casablanca et reçoit une formation à l’Ecole des radios.

A bord du cargo « Aude » qui transporte des marchandises alimentaires, il effectue plusieurs traversées reliant Marseille et Alger. Puis affecté sur le torpilleur « Iphigénie » il navigue le long des côtes d’Afrique. En décembre 1941, il travaille à la station de TSF de la base aéronavale de Bizerte. Le grade de matelot-radio-télégraphiste breveté de 1ère classe lui est accordé le 1er juillet 1942.

Le 16 octobre 1942, il vient passer trois semaines de permission chez ses parents à Rennes, rue Jacques Cassard.

Reparti, il se retrouve bloqué le 8 novembre à Port-Vendres où il est nommé opérateur-radio à terre avec deux camarades dont Norbert Jaille de Saint-Malo.

Le 11 novembre, les Allemands envahissent la zone sud. Les trois radios, qui ont détruit leur matériel, sont battus par les occupants et séquestrés sur le paquebot « Lyautey » ancré dans le port.

Suite au sabordage de la Flotte de Toulon le 27 novembre 1942, la Marine est mise en congé d’armistice. Léon, libéré, tente en vain de passer en Espagne afin de gagner la France Libre. Il se résigne à rentrer à Rennes où il arrive le 29 novembre.

Durant six mois, il va vivre sagement. Sur le conseil de son père, il se fait embaucher comme secrétaire au Commissariat à la Reconstruction, ce qui lui donne une carte de travail et lui fait espérer d’échapper au STO. Lors des bombardements des 8 mars et 29 mai 1943, Léon se précipite à la gare pour porter secours aux blessés et transporter les morts.

Le dimanche 30 mai 1943, un ancien camarade de la Marine, Louis Sicre tire la sonnette de la maison Mury. On l’invite à déjeuner, la conversation est banale ; l’après-midi, les deux amis s’en vont faire un tour en ville. Le mardi, Léon déclare à ses parents stupéfaits : « J’ai quitté mon travail, reçu ma paye, je pars rejoindre la Résistance ». Son père, bien qu’ardent patriote, tente de le faire renoncer en lui exposant les dangers. En vain !

A l’aube du vendredi 4 juin, Léon quitte la maison familiale à l’aube en compagnie d’un dénommé Brengues mais finalement il prendra seul le train pour Bordeaux où l’attend Louis Sicre, déjà membre du réseau Alliance. Léon signe son engagement et va être opérationnel immédiatement car les radios sont très recherchés.

Il est envoyé en Charente et y restera deux mois sous les ordres de Philippe Königswerther, chef de la région « Hangar » (Gironde, Charente) qui regroupe des hommes courageux dans le cadre du sous- réseau Sea-Star chargé d’espionner les allers et venues des U-Boote de l’arsenal de Bordeaux et de l’immense base sous-marine de La Pallice. Léon, connu pour arriver de Rennes, se cache sous le pseudo de Lori. Tous les radios portent un nom d’oiseau ; le lori est un perroquet curieux, enjoué et hyperactif qui correspond bien à sa personnalité. Ce serait Ferdinand Rodriguez alias Pie, grand chef des radios qui le lui aurait donné.

Il devient l’opérateur-radio de Jean Godet et envoie des renseignements à Londres. Pour leur sécurité, les « pianistes » doivent être très mobiles, on le signale à Cognac, Saintes, Rochefort. C’est suite à un de ses messages qu’est déclenché le bombardement du port de La Pallice, le 4 juillet 1943 à 12h01.

A la mi-juillet, un soir, ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité dans la rue, il reçoit l’ordre de se présenter à la Kommandantur le lendemain. Etant « grillé », il doit fuir d’urgence et gagne Lille puis Paris.

Le 30 juillet 1943, il est à Rennes et passe quelques heures chez ses parents à qui il ne raconte rien de ses activités, affirmant que tout va très bien, qu’il ne court aucun danger et que sa confiance est absolue. Il repart à Paris où il passe tout le mois d’août.

Le 31 août, il envoie une carte  à ses parents, postée à Clermont-Ferrand, les informant qu’il est en vacances. En fait, il rejoint le colonel Kauffmann, numéro 3 d’Alliance et chef de la région Centre, et devient son quatrième opérateur-radio. Le Secret Intelligence Service le connaît sous le matricule X 84. Il semble qu’il ait reçu un Ausweiss au nom de Lucien Noblet. Kauffmann a installé son PC au hameau de Marcenat près de Volvic tandis que les jeunes - les radios et les Apaches (service de sécurité) – logent dans une grande ferme à Fontaubes à quelques kms. Leurs déplacements ne passent pas inaperçus. Après la guerre, le père de Léon recevra une lettre d’un Auvergnat : « Ils étaient quatorze et vivaient dans des maisons inhabitées comme les maquisards. Ils avaient pour émettre des installations extérieures importantes ».

Les Allemands s’inquiètent du danger que représente pour eux le réseau de renseignements Alliance qu’ils baptisent « l’Arche de Noé ». Durant l’été 43, l’Abwehr de Dijon reçoit l’ordre de le décimer. Grâce à deux traitres, Lien et Flandrin qui ont réussi à l’infiltrer, Kurt Merck lance l’hallali en septembre 1943. Après avoir arrêté deux chefs à Paris, il fonce vers l’Auvergne.

A l’aube du 21 septembre 1943, Kauffmann est arrêté. Vers 9h00, c’est au tour de ceux de Fontaubes de tomber. Léon et ses camarades se défendent avec  deux mitraillettes, ils sont frappés et torturés, une voisine entend leurs cris de douleur.

Le réseau Alliance est décapité et très affaibli.

Enfermés à la prison du 92ème RI de Clermont-Ferrand, ils sont interrogés au siège de la Gestapo de Chamalières. Aucun  ne parle. Kauffmann leur fait passer ce message : « Courage et espérez ».

Le 20 octobre, ils sont transférés à la prison militaire allemande « Mal Coiffée » à Moulins et le 29 arrivent à Fresnes. Leur moral y est meilleur, ils peuvent se laver et recevoir des colis.

Trente cinq résistants dont Léon sont entassés dans un wagon cellulaire le 16 décembre 1943 et quittent la gare de l’Est pour Strasbourg où ils sont à nouveau interrogés. Léon prétend avoir été recruté à Paris par Paul Bernard alias Martinet et lui avoir dit sa volonté de continuer la guerre contre l’Allemagne ; Kauffmann minimise le rôle de ses radios en prétendant que les émetteurs ont rarement réussi à fonctionner.

Les cent vingt huit agents d’Alliance sont dispersés dans différentes prisons allemandes. Léon est envoyé à Rastatt (Pays de Bade). En février 1944, les autorités allemandes transmettent leurs dossiers au grand tribunal de guerre nazi qui classe les résistants « Nacht und Nebel ». Les conditions de vie sont rudes. Enfermé dans une cellule individuelle, il passe ses journées à scier à la main du bois destiné aux gazogènes. On les soumet régulièrement à des interrogatoires, notamment pour obtenir leur numéro de code. Après la guerre, les avocats allemands raconteront avoir été frappés par la grande dignité, la personnalité si sympathique et le patriotisme de ces prisonniers.

Léon n’aura pas le temps d’être jugé. A l’automne 1944, son dossier est encore à l’instruction au tribunal de Freiburg in Brisgau. Fin novembre, l’armée Patton a atteint le Rhin, Leclerc et sa 2ème DB ont libéré Strasbourg. Lors de la « Semaine sanglante », Gehrum, chef de l’antenne Abwehr de Strasbourg, reçoit l’ordre de liquider les prisonniers d’Alliance afin de leur donner « la liberté dorée ». Le 24 novembre, vers 10h, il se présente à Rastatt et exige qu’on lui remette douze prisonniers. Transportés à Plittersdorf, à quelques kms, ils sont attachés nus deux par deux et fusillés. Leurs corps sont jetés dans le Rhin.

Lors du 14 juillet 1946, Louis Mury reçoit pour son fils la Médaille de la Résistance et la Croix de Guerre avec palme et citation : « Opérateur-radio habile et d’une audace à toute épreuve qui a transmis quotidiennement des renseignements navals et militaires importants. Pris en plein travail dans un guet-apens avec ses chefs, il est tombé victime de son devoir. Malgré  les tortures et les privations il n’a jamais parlé. Par l’excellence de son travail et par son sacrifice, il est de ceux qui ont permis à la France de vaincre ».

Reconnu mort le 10 février 1947, il reçoit le 12, le grade de sous-lieutenant à titre posthume et le 22, il est déclaré mort pour la France.


Notice biographique rédigée par Pierre Mury et Élisabeth Plot consultable sur le site Mémoire de guerre – la Résistance en Bretagne : http://memoiredeguerre.free.fr/biogr/fontaine/mury.htm#deb