Gérard Morpain : itinéraire d’un professeur résistant de la première heure en zone interdite

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives municipales du Havre, 4Fi1450 Droits réservés

Lieu : France - Normandie (Haute-Normandie) - Seine-Maritime - Le Havre

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Contexte historique

- Etat civil

Jean-Paul Gérard Morpain est né à Bordeaux (Gironde) le 13 mai 1897. Fils de négociants Bordelais, il est agrégé d’histoire géographie et franc-maçon de la loge « Emile Zola ». Ancien combattant de la Première Guerre mondiale il est démobilisé à la fin de la guerre avec le grade de sergent. C’est en 1936 qu’il est muté au Havre, en Seine-Inférieure où il réside au 16 rue de Verdun à Sanvic avec sa femme, Henriette, chirurgien-dentiste, et son fils Frédéric. Professeur au Lycée du Havre, actuel François 1er, il est nommé officier d’académie le 10 juillet 1938.

- Parcours de résistance

Le censeur du Lycée du Havre voit en Gérard Morpain quelqu’un de prudent, consciencieux, évitant tous les sujets brûlants et ne faisant surtout pas de politique avec ses élèves. D’un naturel bavard, il s’étonne qu’il ait pu détenir des secrets. Pourtant, dès le mois de juin 1940, Gérard Morpain manifeste son refus de la défaite et de l’occupation allemande. Le groupe Morpain qu’il crée à l’été 40 est un des premiers réseaux en zone interdite et même en France. Grace à ses réseaux de sociabilité, dont l’éducation et la franc-maçonnerie, il est très vite rejoint par d’autres et le réseau s’organise à partir de septembre 1940. La rentrée scolaire et le retour en classe permet aux différents professeurs et élèves concernés tels que Pierre Garreau, de se rencontrer plus facilement sans éveiller les soupçons. Ses qualités de professeur démontrent son aptitude à diriger un groupe.
Il faut attendre décembre 1940 pour que l’organisation se stabilise, date qui marque le plein essor du mouvement. Le périmètre d’action de la vingtaine de sous-groupes et des 90 membres s’étend sur une zone de 30 km autour du Havre. Parmi les combattants, 9 sont dans le secteur de l’éducation. Les missions sont nombreuses : récupération de matériel, en particulier des armes et munitions dont certaines sont cachées dans le jardin de Morpain, renseignement, hébergement d’aviateurs alliés, impression de petits tracts ronéotypés et distribution dans toute la ville, détention de postes émetteurs… En janvier 1941, le groupe Morpain prend enfin contact avec Londres et passe une convention radiophonique. Désormais le réseau peut transmettre régulièrement des renseignements sous le pseudo de Lahire.

- Une dénonciation entraine l’arrestation

Le réseau est dénoncé au printemps 1941. Un certain Edmond Godefroy alias « Gouge » se voit confier la mission d’évacuer vers Paris, en vue de leur faire passer la ligne de démarcation, des aviateurs anglais touchés à Pierrefiques. Gouge les abandonne lors du transfert et les aviateurs rentrent par miracle au Havre où ils informent Morpain de leur déconvenue. Ecarté du réseau Etienne Godefroy continu de se vanter et attire très vite l’attention des Allemands. Il est arrêté par Ackermann, le chef de la Gestapo du Havre. Interrogé, il dénonce 8 membres du groupe qu’il connait et un professeur du Lycée de garçons dont il ignore le nom. Morpain est alors arrêté à son domicile au 16 rue de Verdun à Sanvic, le 6 juin 1941 par Ackermann lui-même pour faits de résistance et propagande anti-nazie. Interné à la prison du Havre, il est ensuite transféré à Paris, à la prison de la Santé en attente du son jugement.

- Un jugement sans appel

Le jugement commence à Paris le 27 novembre 1941. Gérard Morpain et ses camarades de lutte René Brunel, Georges Piat et Robert Roux sont condamnés à mort le 14 décembre 1941 par un tribunal militaire allemand et exécutés le 7 avril 1942 à 16h10 au Mont Valérien. Après la mort des principaux dirigeants les membres du réseau s’effacent quelques temps avant de reprendre le combat. Roger Mayer, professeur de physique au Lycée du Havre, est désigné par Morpain avant sa mort, pour reprendre la tête du groupe qui devient le réseau « Heure H » en 1942 puis « Buckmaster-Hamlet/Salesman» en 1943. A la fin de la guerre les reconnaissances sont nombreuses : à titre posthume, il est homologué aux FFI au grade de capitaine et reçoit la médaille de la Résistance. Il est reconnu par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre interné politique puis interné résistant. Afin de lui rendre hommage, la rue de Verdun à Sanvic est rebaptisée rue Gérard Morpain en 1945 et la salle vidéo du lycée du Havre aujourd’hui François 1er est baptisée salle Gérard Morpain. Son nom figure sur le monument aux morts du lycée en tant qu’ancien enseignant mort pour la France.


Auteur : Camille Duparc

Sources et bibliographie

ADSM 19p76/25 Groupement Heure H
SHD Vincennes 18P26 Groupement Heure H
AMH 106Z Fonds Gérard Morpain

Notice "MORPAIN Gérard [MORPAIN Jean, Paul, Gérard]" par Jean-Paul Nicolas, Delphine Leneveu, Thomas Piéplu, version mise en ligne le 2 décembre 2014, dernière modification le 1er mars 2022.
« Le groupe Morpain : approche sociologique d’une proto-résistance en Normandie » cosigné par Delphine Leneveu et Thomas Piéplu, 23 juin 2020.