Une vie, une scolarité, une carrière brisées : le cas d’Hélène Berr

Légende :

Hélène Berr est une illustration éloquente du sort fait aux élèves juifs dans le système scolaire de l’Etat français.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah / coll Mariette Job Droits réservés

Date document : sans date

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Contexte historique

Hélène Berr est une illustration éloquente du sort fait aux élèves juifs dans le système scolaire de l’Etat français.

Comme nombre de personnes alors, elle tient un journal (7 avril 1942-15 février 1944) qui a été publié par Karen Taïeb en 2008, à l’instigation de Mariette Job, nièce d’Hélène Berr, avec une préface de Patrick Modiano. Le livre, un succès de librairie, réédité en format poche dès 2009 et en version scolaire, traduit en de nombreuses langues étrangères, est la base d’un documentaire (Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé, Jérôme Prieur, 2013) et de projets pédagogiques (soutenus par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ; un parcours dans Paris est proposé par le Mémorial de la Shoah). On a pu parler d’elle comme d’une « Anne Frank française », même si les différences entre les deux personnages sont patentes.

Hélène Berr est issue d’une famille juive d’origine alsacienne installée à Paris depuis plusieurs générations, pleinement intégrée et aisée, dont le père, Polytechnicien, est le vice-président de l’entreprise Kühlmann, incarnation de l’israélitisme français opposé au judaïsme fraîchement installé en France.
Née à Paris le 27 mars 1921, elle est une élève brillante qui réussit, en 1937 et 1938 ses deux « bachots ». Elle engage des études d’anglais, qui peuvent se poursuivre malgré la guerre, l’interruption due à l’Exode et les débuts de l’Occupation. Son parcours d’excellence la fait s’engager dans la préparation de l’agrégation d’anglais, avec de réelles chances de réussite. Mais le statut des Juifs d’octobre 1940 rend ses projets caducs. Il constitue une interdiction en amont pour elle d’exercer la profession d’enseignante. De même que les enseignants juifs en poste sont désormais exclus, les personnes de confession juive qui aspirent à le devenir se voient également interdites de prétendre à passer les concours de recrutement de la fonction publique : ce qui vaut pour les fonctionnaires en général, vaut également, et particulièrement, pour les professions enseignantes, afin d’éviter une prétendue mauvaise influence sur les élèves.
Cette exclusion est pour Hélène Berr le début d’une mise au ban de la société dont elle retrace précisément les étapes dans son journal. Sans emploi ni occupation, elle se met au service de l’Union générale des israélites de France, en se dévouant à la prise en charge des enfants. Assistante sociale officielle, elle est également impliquée dans des réseaux clandestins : l’Entraide temporaire des époux Milhaud, ou le Service social d’aide aux émigrants, dirigé par Lucie Chevalley.

Arrêtée avec ses parents le 8 mars 1944 dans leur appartement du 7è arrondissement de Paris, elle est internée à Drancy. Déportée à Auschwitz le 27 mars 1944, le jour précis de ses 23 ans (convoi 70, ses parents y sont assassinés), elle en est évacuée à l’automne devant l’avancée soviétique et dirigée vers Bergen-Belsen, dans l’Ouest de l’Allemagne. Comme nombre des détenus amassés dans ce qui devient le déversoir des multiples camps du système concentrationnaire alors en plein déliquescence, elle y contracte le typhus. Trop affaiblie pour pouvoir se rendre au travail obligatoire, elle décède vraisemblablement le 10 avril 1945 sous les coups d’une gardienne. Sa mort, dans des conditions proches de celles d’Anne Frank, précède de quelques jours la libération du camp par les troupes britanniques, qui découvrent une situation dramatique, dont les images ont longtemps illustré la barbarie des camps nazis.

En mémoire d’Hélène Berr, son nom a été donné à une médiathèque du 12è arrondissement de Paris et à un amphithéâtre sur un site de la Sorbonne. Deux plaques rappellent son souvenir : l’une sur l’immeuble où se trouve l’appartement familial où elle a été arrêtée, dans le 5è arrondissement de Paris, l’autre sur la résidence secondaire de la famille, dans les Yvelines.


Auteur : Dominique Trimbur

Bibliographie :
- Hélène Berr, Journal, préface de Patrck Modiano, Tallandier, Paris, 2008
- Hélène Berr, Journal, Editions abrégée suivie d’un dossier pédagogique, Points, Paris, 2009
- Le parcours Hélène Berr sur le site du Mémorial de la Shoah