Insigne des Chantiers de la jeunesse

Légende :

L'insigne est un moyen de reconnaissance et l'affirmation publique d'une appartenance à une association, à un parti politique.

Genre : Image

Type : Insigne

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Insigne en tissu pour poitrine.

Date document : Sans date

Lieu : France

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Analyse média

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De l’origine et de la symbolique de l'insigne général des Chantiers de jeunesse (1940-1944)


Le général de La Porte du Theil, fondateur des Chantiers de jeunesse en juillet 1940, dut rassembler en quelques semaines les 90 000 jeunes français mobilisés les 8 et 9 juin 1940 et laissés pour compte entre la Vienne et les Pyrénées à l’issue de la débâcle de juin 1940.

Sous le joug de nombreuses critiques, essentiellement françaises, les Chantiers de jeunesse furent sur le point de disparaître en octobre 1940. Mais vers la fin du mois, le général de La Porte du Theil considéra avoir dissipé les doutes s’opposant à la pérennité de cette institution appelée à remplacer la conscription. Il demanda alors aux responsables « des travaux » du commissariat général de Châtelguyon (63) de lui proposer un projet d’insigne.

C’est le colonel Créange, ancien combattant de 1914-1918, qui se chargea de répondre à cette requête. Et c’est lui qui, par un croquis hâtif, conçu le « triptyque » original de l’insigne retenu : les épis de blé, le drapeau tricolore et le soleil levant sur un horizon de verdure.

- Les épis symbolisent la régénération de la France par la formation ou l'éducation de sa jeunesse, l'idée étant d'en recueillir les fruits ultérieurement.
- Le drapeau français "tombant" symbolise la France : il ne mérite pas d'être représenté déployé à cause de la défaite, mais les épis sont là pour nourrir l'espoir qu'un jour il le sera de nouveau.
- Le soleil symbolise l’espoir. Il se lève au dessus de la verdure, environnement des camps de jeunesse. Sur la version en métal de l’insigne, des tentes ont même été rajoutées sur ce fond vert. Elles représentent le seul abri des pionniers des camps de jeunesse qui en août et septembre 1940 ne disposaient que d’une toile de tente individuelle pour s’abriter, dans le meilleur des cas.

Ce dessin fut mis en forme par Gabriel Séjourné, étudiant aux « beaux arts » et fut présenté au général de La Porte du Theil qui le retint puis le fit mettre en fabrication. Les premiers exemplaires semblent avoir été livrés fin 1940.

Il y eut plusieurs variantes, en tissu et en métal de cet insigne général, au fil des retirages. Les insignes en tissu de grandes dimensions étaient portés sur la poitrine, du côté droit. Ils étaient également cousus sur le béret, mais dans ce cas ils présentaient de plus petites dimensions et parfois, le numéro du groupement. Le modèle en tissu pour poitrine était le seul réglementaire et avait fait l’objet d’une publication au journal officiel en 1941.

En ce qui concerne les différentes variantes des insignes tissés de poitrine, il est difficile aujourd'hui de les replacer chronologiquement. Les différences sont relatives à la couleur du fond (bleu, noir, vert), aux dimensions plus ou moins grandes, et aussi à la mention « CJF » (« Chantiers de la jeunesse française ») qui ne figure plus sur le dernier tirage.

Une modification significative du dessin intervint à partir de fin 1943. Ce modèle très sobre sur fond noir, sans mention « CJF », sans soleil ni verdure, n’était pas destiné aux Chantiers de jeunesse dans l’esprit de leur création en 1940 : il fut distribué aux groupements des Chantiers mis à la disposition des usines d’armement sous tutelle de la « Production industrielle » (travaillant pour le compte de l’occupant), à partir de septembre 1943. Cet insigne ne semble avoir été porté que par les cadres.



""       Insignia of the Chantiers de la Jeunesse: origins and symbolic meaning (1940-1944)

As founder of the Chantiers de la Jeunesse, General de la Porte de Theil had only a few weeks to gather 90,000 young men, mobilized on June 8th and 9th, 1940 and left on their own between Vienne and the Pyrenees as a result of the Debacle.

But the creation of the Chantiers was extremely unpopular in France, and they were almost forced to disband in October. But by the end of the month, General de la Porte de Theil was able to dispel any more opposition to the Chantiers by replacing the concept of conscription with something else. He called on the Commissioner General Châtelguyon and his «office» to come up with an insignia.

The task fell to Colonel Créange, a soldier in World War I, who came up with a rough sketch of the «triptych», an idea preserved in the final version. It consisted of ears of wheat, the French three-colored flag, and a rising sun over a lush pasture.

-The wheat symbolized France's rebirth through the training and education of her children. The idea being that you can reap the benefits if you first plant the seeds.

-The flag represented the fallen France, but the wheat would feed hope for France's recovery.

-The sun symbolized hope. It is shown rising over the pasture, where the camps for the Chantiers would be. In the metal version there are tents etched into the image. The tent represented the young men's only shelter, which in reality, was a flimsy tent if they were lucky.

The final version was drawn by Gabriel Séjourné, a graduate from «Beaux Arts», who presented it to General de la Porte de Theil. He approved it and soon, the first Chantiers were wearing it by the end of 1940.

There were several versions of the insignia, in fabric and metal. The larger fabric insignias were worn on the right side of the chest. They were also sewn onto berets, but were much smaller and included a group number. The fabric model worn on the chest was the only regulated insignia, and was published in an official journal in 1941. It is difficult to date the various insignias worn on the chest.

There are slight variations in color and size, and whether or not they include the initials «CJF». It appears the initials were only on the last version. A significant change was made at the end of 1943, however. The insignia was much more somber with a black background, no sun, pasture, and no mention of the CJF. It does not reflect the original spirit of the Chantiers in 1940, but its new direction where the Chantiers were sent to factories in Germany with the STO.


Traduction : Catherine Lazernitz


Auteur(s) : Laurent Battut

Contexte historique

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Le 30 juillet 1940, une loi crée les Groupements de jeunesse rapidement appelés Chantiers de jeunesse, dans l’optique de la Révolution nationale et dans le cadre des mesures visant à la formation morale et patriotique des jeunes. Ils étaient destinés, sous le commandement du général Joseph de la Porte du Theil, grand admirateur du Maréchal, à regrouper, encadrer et reprendre en main les jeunes conscrits des classes fin 1939 - début 1940 qui n’avaient connu de la vie militaire que la débâcle. La loi du 18 janvier 1941 y mobilise, dans la zone non occupée, tout Français de 20 ans pour un service de huit mois. De la Porte du Theil, Commissaire général, songe naïvement à préparer une armée camouflée de « soldats sans armes », avec des réservistes conservés dans une association des anciens des Chantiers.

Le scoutisme, dont la plupart des cadres étaient des adeptes, inspire leurs principes : on y cultive l’esprit d’équipe, l’honneur, la virilité, on y célèbre la Patrie et le drapeau, on y vit au contact direct de la nature, en secteur rural et en forêt essentiellement. Les « patrouilles » sont dirigées par des « chefs » portant un « insigne » de fonction. La pénurie empêchant la réalisation d’uniformes, les tenues sont assez disparates, même si le vert forestier de la teinture leur donne une certaine uniformité. Discipline militaire, cérémonie des couleurs, défilés, revues, marche au pas cadencé rappellent évidemment les méthodes de l’armée.

Leur activité est essentiellement « forestière et agricole » : forestage, fabrication de charbon de bois, entretien et construction de routes, aides aux récoltes agricoles. La formation est surtout physique (l’hébertisme) et morale (aumônier et pasteur attachés à chaque groupement). Les infirmières de la Croix-Rouge et les assistantes sociales sont les seules représentantes du sexe féminin.

Les conditions de vie sont souvent dures pour les jeunes : nourriture spartiate, hébergement rudimentaire, hygiène difficile… La propagande pétainiste se diffuse au sein des Chantiers par leur encadrement. Des personnalités extérieures y viennent aussi apporter la bonne parole. 

L’invasion de la zone non occupée en novembre 1942 bouleverse les Chantiers : des rafles y sont opérées pour le départ en Allemagne. Les Chantiers deviennent un réservoir de main-d’œuvre pour les Allemands qui ne tardent pas à y puiser pour enrichir les effectifs du STO (Service du travail obligatoire). Cette perspective va amener de nombreuses évasions vers les maquis. Les militants communistes se réfugient par petits groupes dans les montagnes et attirent à eux les jeunes gens qui ne veulent pas partir en Allemagne. 

Les coups de main de la Résistance sur les Chantiers sont extrêmement nombreux. Réfractaires cachés et maquisards sont dépourvus de tout, aussi cherchent-ils à se procurer l'indispensable. En particulier dans les magasins des Chantiers pour s'emparer des stocks de vêtements : on verra de nombreux maquisards habillés de cet uniforme. Couvertures, couchage, lainages, chaussures, matériel de cordonnerie, blousons de cuir, tissu, sacs à dos, toiles de tente, ravitaillement, conserves, chevaux et harnais, mulets, bétail, fil téléphonique, matériel d'infirmerie, cuisine, voitures automobiles et même un convoi de camions, l’inventaire hétéroclite montre combien la Résistance s’est alimentée et équipée dans les Chantiers de la Jeunesse. Dans de nombreux cas, les gendarmes semblent être de connivence...

Les désertions de jeunes des Chantiers vers les maquis marquent les deux dernières années de leur existence. 

Le 10 juin 1944, les Chantiers de Jeunesse sont dissous.



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On July 30th, 1940, Pétain's government passed a law that mandated the creation of youth groups called the Chantiers de Jeunesse. The goal was to teach young men the moral and social values of the Révolution Nationale, and to mold them into true patriots. Led by General Joseph de la Porte de Theil, a loyal supporter of Pétain, the Chantiers would be comprised of the young men who had never entered the military because of the Debacle. They would be graduates from the classes of 1939 and 1940.
The law was passed on January 18th, and it required all twenty year-old men in the Free Zone to serve for eight months. Commissioner General de la Porte de Theil naively believed he was creating an unarmed, secret army with reserves for Vichy France.

This was not to be. Because most of the men were already talented scouts, scouting became a key part of the Chantiers' manifesto as it captured their main principles: teamwork, honor, masculinity, and patriotism. The closeness and emphasis on nature was also an important pillar in Pétain's Révolution Nationale. Leaders, wearing an «insignia», led groups of «patrols», but there were not enough uniforms, and the ones the Chantiers did have did not fit. However, their grass-stained clothes made them easy to identify. Their discipline, ceremony, and orderly marching revealed their military training in spite of a lack of proper uniform.

The Chantiers worked as both «foresters and farmers» primarily. They cut down trees for wood, manufactured wood coal, built and repaired roads, and worked at local farms. Their training was physical (Hebertism) and religious (chaplains and priests accompanied each group). The only women the Chantiers had contact with were Red Cross nurses and social workers.

Living conditions were extremely difficult for the young men. They did not have adequate supplies, shelter, or hygiene... Pétain's propaganda and Christianity were the Chantiers constant influences.

When the Germans invaded the Free Zone in November, 1942, the Chantiers were shocked. It was revealed that the Chantiers would be sent to Germany as reserve laborers, and would bolster the STO. The maquis took advantage and hid in small groups all over to mountains, recruiting any Chantier who did not want to be shipped off to Germany.

The Resistance was enormously successful in this regard. The maquis and other resistance groups were everywhere, and they did not only recruit but also got their hands on the Chantiers' supplies as well as their clothing. Several members of the maquis and other resistance fighters were disguised in the Chantier uniform. Blankets, bedding, wool, shoes, cobbling material, leather jackets, rope, backpacks, tents, supplies, canned goods, horses, mules, livestock, telephone lines, first aid, cars and trucks: the Resistance had the Chantiers who had joined the cause to thank for their impressive inventory. And in some cases, it appears that the Resistance had help from the gendarmes...

The growing number deserters marked the final two years of the Chantiers.
On June 10th, 1944, the Chantiers were officially dissolved.

 

Traduction : Catherine Lazernitz


Auteur(s) : Robert Serre 
Sources : J. de la Porte du Theil, Un an de commandement des Chantiers de la Jeunesse, et Les Chantiers de la Jeunesse ont deux ans, Séquana éditeur Paris 1942 (Ces deux ouvrages rassemblent les bulletins hebdomadaires envoyés par le commissaire général aux groupements). Robert Vaucher, Par nous la France, ceux des Chantiers de la Jeunesse, Séquana éditeur Paris, 1942. Jean Delage, Espoir de la France, les Chantiers de la Jeunesse, Quillet, 1942. Laurent Battut, Le Groupement 22 Des Chantiers De La Jeunesse 1940-1944, Editions Anovi, 2007.