Plaque apposée à l'endroit où se trouvait la ferme Bertrand à Marignac

Légende :

Un arrière petit-fils de Gaston et Lucie Bertrand dévoile une plaque rappelant la destruction de la maison familiale et dédiée aux paysans du Vercors.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Marignac-en-Diois

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Analyse média

Le 8 juillet 2006, un petit-fils de Gaston et Lucie Bertrand dévoile une plaque en souvenir des événements du 27 juillet 1944 qui ont vu la destruction de la maison familiale. La plaque, en marbre, est scellée sur un bâtiment annexe de l'exploitation agricole. Elle précise la date et les circonstances de l'incendie. Plus généralement, il est rendu hommage aux paysans du Vercors qui ont aidé la Résistance. On peut remarquer que si la commune de Marignac est située dans le Diois, elle est intégrée au massif du Vercors en ce qui concerne les opérations militaires de juillet 1944. Cette situation est justifiée par le fait que les puissantes collines de Marignac sont situées au pied même du Vercors et peuvent être définies comme le rempart protégeant le cœur, le donjon, du Vercors.
C'est la raison pour laquelle Marignac est considérée comme faisant partie du Vercors par l'administration et particulièrement par le Comité aide et reconstruction du Vercors.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Pour connaître l'affaire de Marignac, il est intéressant de rapporter le témoignage d'Albert Fié, résistant de la compagnie Pons qui combattait dans le secteur de Marignac au moment des événements.

« 61 ans après l'événement, je ne me doutais pas que les fils d'un habitant d'une ferme du col de Marignac viendraient me demander des renseignements sur le drame de cette journée du 27 juillet 1944 où les Allemands avaient brûlé la ferme de leur père. Revenons sur ces événements. Daté du 22 juillet 1944, à 23 heures, nous parvient, dans la nuit du 22 au 23 juillet, un message manuscrit du commandant Legrand (de Lassus Saint-Geniès) ordonnant au capitaine Paul Pons d'envoyer une colonne sur le tunnel des Tourettes, le col de l'Âne, le col de Marignac et le col de Pare, pour faire face aux Allemands débordant du massif. Nos camarades patrouilleront aussi sur les cols de Vassieux et Fontpayanne. Il fallait que la situation soit bien compromise au centre du Vercors pour que l'état-major du massif soit amené à faire appel à celui de la Drôme-Sud commandé par le commandant Legrand. En clair, cela voulait dire que les camps C 11, C 15, C 18 n'avaient pu remplir leur mission. Très tôt dans la matinée du 26 juillet, le lieutenant Breton, tout nouvellement affecté à notre compagnie, tente avec son groupe d'exécuter les ordres de notre état-major. Faute de pouvoir être partout, il délègue ses pouvoirs au sous-lieutenant Marion qu'il place au col de Marignac. C'est, pour l'ennemi venant de Die, le seul passage possible permettant de rejoindre la vallée de Quint par la montagne. Dans le plan des Allemands, ce trajet leur permettait de débloquer le passage des Tourettes, où le pont avait sauté et où leurs camarades étaient arrêtés par la compagnie Perrin. Pour qui connaît cet endroit, il est évident qu'il n'a de col que le nom, et qu'il n'est pas défendable à moins de 2 ou 300 hommes. La décision de le défendre n'avait été prise que sur une carte, et encore sur une carte mal lue ! De son côté, le lieutenant Breton part, comme nous le raconte notre ami André Grimaud, avec quelques hommes (deux groupes, soit une vingtaine d'hommes) en reconnaissance sur le col de Vassieux. La veille, deux de nos camarades en vadrouille se sont arrêtés au bistro du village de Marignac. Arrivant tard dans la nuit, et ne voulant pas réveiller leurs copains, nos deux camarades vont dormir dans une grange de la ferme Bertrand. Le lendemain, le 27, il pleut et, à la pointe du jour, les Allemands débarquent, venus de Die dans neuf camions précédés d'une moto de reconnaissance, et, les véhicules vides, redescendent sur Die. Il faut savoir qu'à cette époque, le chemin de charrette, à peine carrossable, pouvant tout juste être utilisé par des camions avec beaucoup de précautions, s'arrêtait au col. Seul un sentier muletier, impraticable pour tous véhicules, rejoignait Saint-Julien-en-Quint. À peine descendus, les Allemands tirent sur tout ce qui bouge, puis se dirigent sur la ferme Bertrand, qui en fait contrôle le passage du col. Pour mettre ses hommes à l'abri de la pluie, le sous-lieutenant Marion, avec quelque légèreté, s'était réfugié la veille au soir dans une dépendance de la ferme, qui existe toujours. Une différence aujourd'hui : la route passe derrière ce bâtiment, alors que le chemin d'origine passait au pied de celui-ci. Un cri d'alerte : « les Boches ! » À ce cri, tous les hommes prennent la fuite, à l'exception des deux camarades, Brozille et Viallet qui, surpris dans une autre étable, sont arrêtés et fusillés au passage des Tourettes. Dans son rapport au commandant Pons, le sergent Pierre Nys écrit : « La deuxième nuit, un orage nous fait lâcher position pour une bonne grange. Pas de chance, les Boches arrivent. Le poste de garde nous réveille, mais nous avons juste le temps de ramasser nos «clous » et prendre la montagne. Ils sont à une soixantaine de mètres environ. Nous les voyons bien, un side-car, puis une auto-mitrailleuse. Nous sommes dans les bois, mais deux camarades n'ont pas suivi, ils seront fusillés le soir même après avoir subi les supplices nazis. Nous le saurons après. Planqués derrière les pins, nous regardons brûler la ferme, ce qui fait bien rire ces Messieurs. Nous nous replions sur le PC de L'Escoulin où nous arrivons le lendemain matin 28 à 3 heures ». Sylvain Richaud, épicier à Saint-Julien-en-Quint, raconte : « La première colonne allemande arriva à Die, le 27 juillet vers 9 heures, traînant avec elle M. Bertrand demeurant au col de Marignac, ainsi que deux maquisards Brozille et Viallet, arrêtés près de la ferme. Vers midi, elle repartit en direction de Sainte-Croix rejoindre une seconde colonne que la Résistance, en faisant sauter le pont, avait bloqué aux Tourettes ».

Il semble que les huit enfants de la famille Bertrand ignoraient que leur ferme abritait des maquisards, mais les Allemands, dans de telles conditions, ne connaissaient qu'une solution : on brûlait ! Monsieur Bertrand, relâché, vit la reconstruction de sa ferme. Mais il est décédé en 1947. La ferme fut revendue. Son acquéreur en fit une colonie de vacances pour enfants. Actuellement, les enfants de monsieur et madame Bertrand, les huit frères et sœurs, désirent organiser une cérémonie à cet endroit en mémoire de leurs parents ».

Le 8 juillet 2006, le désir a été réalisé.


Auteurs : Albert Fié, Robert Serre, Alain Coustaury
Sources : Archives Albert Fié.