Après le déraillement d’une locomotive au viaduc de Pont-La-Dame (05)

Légende :

Photographie prise au viaduc ferroviaire de Pont-La-Dame (Hautes-Alpes) en juin 1944, après le sabotage

Photograph taken at the railway viaduct of Pont-La-Dame (Hautes-Alpes) during June of 1944 after the sabotage

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Inconnu

Source : © Collection privée Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Juin 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Hautes-Alpes - Pont-La Dame

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Analyse média

Les sabotages de voies ferrées ont pour objectif d’empêcher, ralentir ou gêner leur utilisation par les occupants. Ils sont le fait de résistants, pour certains cheminots et agents de la SNCF.

Les opérations contre les voies ferrées se multiplient après le débarquement allié en Normandie, notamment dans les Alpes. Pendant l’été 1944, des plans de sabotages préétablis sont ainsi mis en œuvre dans la région. Afin de préparer le débarquement de Provence, ils visent à couper les voies de communication, à désorganiser la défense allemande et à empêcher l’envoi de renforts. 

The sabotaging of railways was intended to prevent, slow down, and obstruct their use by occupying forces. Resistance fighters, railway workers, and employees of SNCF carried out these efforts.

These operations to sabotage railways multiplied with the landing of Allied troops in Normandy, and particularly in the Alpes. During the summer of 1944, premeditated plans for sabotage were thus implemented in the region. In order to prepare for the Allied landing in Provence, these operations sought to cut communication lines, to disorganize German defense, and to prevent the sending of reinforcements.


Auteur : Laetitia Vion

Pour en savoir plus sur l'action résistante des cheminots dans la région PACA : Robert Mencherini, Cheminots en Provence, Les années de guerre, 1939-1945, Marseille, le CE des Cheminots de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, 2012.

Traduction : Sawnie Smith

Contexte historique

Quel groupe de résistants ou de maquisards n’a pas revendiqué avoir été l’auteur de sabotages visant à entraver, retarder, détruire tout ce qui était a priori favorable aux intérêts de l’occupant ?  Ou avoir su confectionner avec des moyens de fortune de puissants engins explosifs ? Les cibles diffuses pouvaient être très variées, et d’autant plus commodes que situées en rase campagne : pylônes, lignes aériennes, transformateurs et sous-stations électriques, câbles souterrains télégraphiques, voies ferrées ou les fameux « Trains en cours d’opération » (TCO ou convois ferroviaires commandés par les Allemands). Plus stratégiques, les plaques tournantes des dépôts de locomotives, les ponts routiers ou ferroviaires, les tunnels, les écluses constituaient des cibles de prédilection, compte tenu de l’obstruction créée et des difficultés de remise en état dans un contexte de rareté des matériaux et des pièces de rechange. Les plus subtils sabotages n’impliquaient pas forcément des destructions : la disparition simultanée d’une pièce essentielle de telle machine (groupes électrogènes, locomotives, etc.) et du stock des pièces de rechange pouvaient paralyser à bon compte toute activité. Sans doute, les sabotages les plus « rentables » visaient-ils les rares engins de dépannage ou de relevage (tels que les wagons-grue de la SNCF) que nécessitait la remise sur pied des ouvrages et machines détruits. Certains, comme à Oullins fin juillet 1944, furent opérés alors même qu’en réparation dans les ateliers de la SNCF ils étaient gardés par l’armée allemande.

Bien entendu, l’occupant ne resta pas inerte devant la multiplication des sabotages. Dans le domaine ferroviaire, atteler au-devant de la locomotive un wagon plat avec une équipe d’agents français outillés spécialistes de la voie constitue un dispositif dissuasif plutôt efficace. L’institution en 1941 par Vichy d’un corps civil de gardes des communications visait à assurer la surveillance efficace des installations sensibles des voies de communication. En 1943, le dispositif est doublé de gardes-voies, requis dans la population civile pour assurer en roulement la surveillance nocturne des voies ferrées dans les communes riveraines. On sait que ces dispositifs s’avérèrent inefficaces, les gardes se faisant souvent les complices des saboteurs, moyennant une mise en scène donnant le change.

Si les cibles ferroviaires ont été privilégiées, la participation des cheminots aux destructions de pleine voie a souvent et fondamentalement résidé dans l’information tactique communiquée aux groupes résistants et maquisards : heures de passage des trains à tel lieu approprié, fourniture des outils spéciaux de déboulonnage, etc. En revanche, à l’atelier, au dépôt, au triage, où il était inimaginable de disposer derrière chaque agent un cheminot allemand (que les Français nommaient par dérision « Bahnhof », « gare »), les cheminots pratiquèrent des actes de sabotage discrets très efficaces : poignée de limaille dans les boîtes à graisse des freins, échange des étiquettes de destination sur les wagons…

Si l’énumération de tous ces actes de sabotage put être présentée à la Libération comme le glorieux « tableau de chasse » illustrant la saga de chaque groupe, s’il y eut  de tragiques bavures – à la suite de la confusion des trains « désheurés » (considérés comme significativement en retard) par exemple -, la question de leur efficacité stratégique réelle a pu être débattue, par opposition aux attaques aériennes mieux ciblées de la RAF. En revanche, comme dans le cas des autres sabotages, leur intérêt résidait dans les risques moindres qu’ils faisaient courir aux cheminots et aux voyageurs. Si leurs défauts de coordination devaient être compensés par les divers plans globaux de sabotage ( plan vert, plan violet, plan Tortue, plan Grenouille… - préparés à Londres pour frapper les infrastructures dont auraient besoin les renforts allemands se portant sur le front ouvert après le jour J, ces plans furent très vite dépassés par les initiatives ponctuelles des résistants, cheminots ou non, adaptées à une situation en perpétuelle évolution. C’est cette efficacité que souligne Rommel dans son rapport à Hitler du 15 juillet 1944 : « Quant à l’envoi de renforts, la destruction du réseau ferroviaire, l’insécurité des routes et chemins jusqu’à 150 kilomètres derrière le front, l’ont rendu tellement précaire qu’on ne peut amener au front que les éléments de toute première nécessité. »


Article "Sabotages ferroviaires" de Christian Chevandier et Georges Ribeill in Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, 2006, pp 760-761.