Jean Chauvet et sa Sten

Légende :

Dessin de Marcel Tillard extrait de la brochure de Roger Ferrand Révolte à la centrale d’Eysses, éditions Hier et Aujourd’hui, collection France d’abord « Jeunesse héroïque », 1947.

Genre : Image

Type : Dessin

Producteur : Dessin de Marcel Tillard

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Dessin noir et blanc. Dimensions : 17,5 x 11 cm.

Date document : 1947

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Le 19 février 1944, alors que les détenus, armés pour quelques-uns, se trouvent devant la porte blindée qui sépare les locaux de détention du bâtiment administratif, le capitaine des GMR entrouvre la porte et leur ordonne de rentrer dans leurs préaux. C’est alors qu’il se retrouve nez-à-nez avec la mitraillette que Jean Chauvet braque sur lui. L’officier vichyste bat en retraite. Avant qu’il n’ait le temps de refermer la porte, Jean Chauvet le met en joue et appuie sur la gachette. Mais le coup ne part pas, la mitraillette s’est enrayée. La porte blindée s’est refermée derrière le capitaine stoppant la progression des insurgés.

Ce dessin illustre ce face-à-face qui opposa un bref instant Jean Chauvet au capitaine des GMR. Il porte comme légende : « Il y eut un déclic métallique, mais aucune détonation ne retentit. L’arme s’était enrayée…». La posture du capitaine des GMR, légèrement penché en arrière, montre l’effet de surprise face à un détenu armé d’une mitraillette Sten. Derrière Chauvet, tête baissée, ses camarades, cachés derrière la porte, sont prêts à le suivre. 


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, éditions Tirésias, 1992.

Contexte historique

Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d'une ambitieuse tentative d'évasion collective (de mille deux cents détenus politiques). Ce jour-là, alors qu'un inspecteur général effectuait une visite dans la centrale,  les détenus saisissent l'occasion pour le prendre en otage, ainsi que le directeur milicien de l'établissement, Joseph Schivo, et quelques membres du personnel, au moment où ceux-ci pénétraient dans le chauffoir du préau 1. Le plan, préparé depuis plusieurs semaines par l'état-major clandestin des détenus, consistait à s'emparer des gardiens et à se rendre maitre de la centrale en silence. Entre 14h, heure de la capture de l'inspecteur et du directeur au préau 1, et 17h, les détenus progressent, en silence, jusqu'au bâtiment administratif, capturant et ligotant les surveillants au fur et à mesure de leur avancée.

Cependant, l'alerte est donnée vers 17 heures par une corvée de droits communs de retour dans la détention. Alerté par des coups de feu, la garde extérieure met alors en batterie des armes automatiques aux fenêtres des bâtiments d'entrée donnant sur la cour d'honneur et commence à ouvrir le feu sur les locaux de détention. Les groupes de choc, formés en particulier d'Espagnols bénéficiant de l'expérience du combat à la faveur de la guerre civile, après avoir sommé en vain les GMR des tourelles de les laisser sortir, tentent, à plusieurs reprises, de franchir les murs de l'enceinte extérieure en attaquant le mirador nord-est à la grenade. Certains détenus atteignent les toits, tirent à coups de mitraillette sur les gardes, pendant que d'autres, protégés par des matelas, tentent de monter à l'échelle jusqu'au mirador de la porte Est. Toutes ces tentatives sont repoussées. Du coté des détenus il y a un mort - Louis Aulagne - deux blessés graves et trois blessés légers. On compte un tué et un blessé parmi le personnel pénitentiaire et seize blessés parmi les forces de l'ordre.   Vers 21 heures, les troupes d'occupation venues d'Agen encerclent la centrale, munies de pièces d'artillerie. Vers minuit, l'état-major des détenus, installé dans le poste de garde du bâtiment administratif, tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la préfecture, demandant au préfet de les laisser sortir, en arguant de la qualité des otages qu'ils détiennent. C'est Auzias qui dirige ces négociations avec la préfecture afin d'obtenir une reddition acceptable. On libère alors le directeur Schivo qui confirme le traitement correct dont il a été l'objet et relaie la demande des détenus auprès des autorités. Il est ici intéressant de signaler que tous les témoins insistent sur l'attitude particulièrement veule du milicien qui, craignant pour sa vie, tentera de se justifier par toutes sortes d'attitudes mensongères, tout en faisant état de sa qualité d'officier français. Vers trois heures, le commandant des troupes allemandes lance un ultimatum donnant aux révoltés un quart d'heure pour se rendre sans condition, faute de quoi la centrale sera bombardée. Les détenus demandent alors, par l'intermédiaire du directeur, un délai d'une heure pour regagner leurs dortoirs et déposer les armes (temps également nécessaire pour faire disparaître un certain nombre de papiers compromettants), celui-ci ayant donné sa promesse d'officier qu'il n'y aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Conscient que la poursuite des combats se solderait par un échec,  les détenus libèrent les otages, abandonnent leurs armes (onze mitraillettes et huit grenades) et regagnent leurs dortoirs : il est environ quatre heures du matin.     


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007.