Nécropole de Vassieux-en-Vercors

Légende :

La nécropole de la Résistance à Vassieux-en-Vercors depuis le belvédère du mémorial du col de La Chau.

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : Cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur prise au téléobjectif 300 mm .

Date document : 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

Prise au téléobjectif 300 mm, depuis le belvédère du mémorial du col de la Chau, la photographie permet d'apercevoir les différents éléments de la nécropole de la Résistance de Vassieux. Ce lieu de mémoire est situé au milieu d'un paysage de prairie établie sur les parties les plus utilisables de ce secteur karstique marqué par des dépressions et des rochers visibles sur l'angle supérieur gauche de la photographie. Le troupeau ovin du premier plan est un troupeau transhumant qui marque bien la fonction de prairie estivale pour un cheptel originaire de la Provence. On peut distinguer trois parties du lieu de mémoire : - la nécropole est délimitée par un mur. 183 tombes sont alignées sur 7 rangs - la salle du souvenir - les vestiges de planeurs sur un tertre herbé. Le tout est dominé et signalé par un drapeau tricolore.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

Au lendemain des événements dramatiques de juillet 1944, les corps des soldats et civils tués ont, pour beaucoup, été regroupés dans un cimetière provisoire, aux Pouyettes, au pied du talus septentrional du village de Vassieux. Dès le début du mois d'août 1944, des équipes d'hommes et de femmes montées de Die ou de Romans-sur-Isère, ont rassemblé les corps, très souvent en décomposition, découverts à Vassieux et ses alentours et les ont enterrés dans une fosse commune après avoir fabriqué sur place des cercueils de fortune. Un pathétique travail de reconnaissance, d'identification a été réalisé notamment par l'équipe dioise de Jean Veyer. Ce dernier a réuni une équipe de Résistants comprenant Maurice Rouchy, Marcel Galland, Henri Chazot (auteur des nombreuses photographies qui seront largement diffusées), Jean Masseport, André Bertrand, Henri Mazel, les deux frères Woerner (photographes également), Jean Girard, Jean Perrier, René Didier, Roger Richaud. Il recrute une jeune pharmacienne, mademoiselle Borel. D'autres personnes se joindront ensuite à ce groupe initial. Le 10 août, utilisant un camion chargé de provisions, de produits pharmaceutiques, dotés de brassards rudimentaires de la Croix-Rouge, le groupe gravit la route arrivant au col de Rousset dont le tunnel a été saboté par la Résistance et par les Allemands. Le transbordement pour franchir le col est difficile et c'est par des charrettes à bras que le matériel arrive à Vassieux. « Le spectacle est épouvantable. Avant même d'aborder le village, nous sommes saisis par une odeur de putréfaction aggravée par la chaleur de l'été, qui ne nous quittera plus pendant tout notre séjour et que nous essaierons de combattre avec l'essence de lavande que les habitants de Chamaloc nous ont donnée au passage et dont nous imbibons nos mouchoirs » Le groupe commence son triste labeur : rassembler les corps, les reconnaitre, fabriquer des cercueils, creuser une fosse commune provisoire, enterrer les victimes. Les identifications sont difficiles, entraînant, postérieurement, quelques conflits. Pierre Emmanuel rapporte parfaitement l'horreur du lieu et du moment. À l'automne 1944, il accompagne une mission de la Croix-Rouge dans le Vercors. « Et ce silence, cette immobilité tragique du paysage figé... Puis, soudain, au bord de la route, la pente d'un petit cimetière, des tombes fraîches que rouvraient des prisonniers. Une femme blonde aux cheveux fous, outrageusement maquillée, debout au bord d'un trou que creusait un Allemand malingre, hurlait des imprécations hystériques en cravachant le visage du soldat. C'était la femme de l'officier qu'on supposait enterré là : depuis des jours elle errait ainsi, cherchant à identifier la tombe.[...] Personne - et surtout pas le jeune lieutenant timide et courtois commis à la recherche des corps – ne savait trouver les mots qui eussent arrêté son explosion de sadisme, et ramené, brisée de souffrance intérieure, cette femme au respect de soi. […] Quand, ce soir-là, recrus d'horreur et d'angoisse, nous rentrâmes à Valence, parmi les vivants, nous fûmes accueillis par les flonflons d'un bal populaire, donné aux profit des victimes du Vercors … » Pierre Emmanuel semble décrire la fosse commune qui restera plusieurs années en ce lieu. Les deux témoignages rendent parfaitement compte des enjeux de mémoire liés aux événements dramatiques du Vercors. Ils ne cesseront de brouiller l'histoire du massif. En avril 1948, le conseil municipal de Vassieux autorise l'érection d'un cimetière national, cède un terrain et assure la gratuité des droits d'enregistrement. Le cimetière national est inauguré le 25 juillet 1948. Son aspect a été modifié depuis sa construction. La photo 2 laisse bien apparaître le transfert des corps dans un terrain dominé par une grande croix de Lorraine. Au loin, descendant la route départementale 76, on distingue deux groupes d'hommes portant un cercueil. Ils sont passés au large des bâtiments du quartier de Jossaud où ont eu lieu des accrochages quand ont atterri des planeurs à cet endroit. Tout cet ensemble est édifié à l'initiative de l'Amicale nationale des Pionniers et Combattants volontaires du Vercors créée le 13 janvier 1945. Par la suite la nécropole va être entourée d'un mur d'enceinte. Face à l'entrée sera érigée une terrasse et un mur semi-circulaire dominé par la croix de Lorraine et un panneau dédié « Aux héros du Vercors ». Le mur semi-circulaire est ensuite surélevé et porte la dédicace « Les pionniers du Vercors aux combattants et martyrs du Vercors morts pour la France ». Les tombes sont entretenues régulièrement. À un moment, elles portent dessinées, semble-t-il en utilisant des petits cailloux, une croix de Lorraine. Cette dernière disparaît, marqueur politique trop fort. Elles sont délimitées ensuite par un petit muret. Un bâtiment est construit, jouxtant le mur semi-circulaire. Il comprend deux salles. L'une est réservée à la vente de souvenirs et d'ouvrages consacrés au Vercors. L'autre est la salle du souvenir où une plaque rappelle que le corps de Raymond Anne, maquisard de Vassieux, repose dans la crypte du Mont-Valérien comme représentant tous les morts des maquis de France. Ces deux salles sont, actuellement, fermées au public car la tenue de la salle de vente n'est plus assurée et la salle du souvenir ne peut être gardée et surveillée. À l'extérieur de la nécropole des vestiges de planeurs DFS 230 et Gotha 242 ont été disposés contre le mur de la nécropole. Actuellement, ils sont placés au sommet de poteaux métalliques. On peut regretter l'absence d'une notice explicative correcte. De même, il serait nécessaire de les repeindre car ils sont endommagés par la rudesse du climat. L'intérieur du mur d'enceinte sert de support à de nombreuses plaques de témoignage de familles ou d'associations. Il semble que la nécropole ait atteint sa forme définitive. Elle est, chaque année, le 21 juillet, le théâtre d'une cérémonie commémorative. Ce jour-là, après un office religieux dans l'église de Vassieux, un moment de recueillement devant le monument de la place des cinq communes, la commémoration des événements de juillet 1944 se termine à la nécropole. Cette dernière, bien située, reçoit de nombreux visiteurs et constitue un des lieux majeurs de la mémoire du Vercors.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources :

Veyer Jean, Souvenirs sur la Résistance dioise 1941-1944, édition définitive, Imprimerie Cayol, 1986, 111 pages.

 Emmanuel Pierre, L'ouvrier de la onzième heure, Éditions du Seuil, 1953, 249 pages