Tract appelant à manifester le 14 juillet 1943 à Nyons

Légende :

La fête nationale est un jour où s'exprime l'opposition à l'occupation allemande et au régime de Vichy.

Genre : Image

Type : Tract

Source : © ADD, 268 W 2 Droits réservés

Détails techniques :

Format approximatif 10 x 6 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Nyons

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Analyse média

Papillon collé à Nyons appelant à une manifestation à l’occasion de la fête nationale étouffée le 14 juillet 1943. On y lit :
« Le 14 juillet
Tous place
du Champ de Mars
Vive la France »


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Le 14 juillet devient jour « du deuil et du recueillement ». Plus question de la Révolution de 1789 et de la prise de la Bastille, on évoquera les morts de la campagne de 1940, « dignes de leurs victorieux devanciers de la guerre de 1914-1918 ». Ce qui est une manière de confirmer que la République et le régime parlementaire sont les « responsables de la défaite ». Le 14 juillet doit être célébré dans la plus grande discrétion, à l’intérieur de préférence, avec l’école et l’Église comme supports principaux. On se limite à des messes, des défilés sobres, des dépôts de gerbes, le tout dans le plus grand silence.

Saillans est le théâtre le 14 juillet 1941 d’une opération menée par quelques jeunes gens qui s’emparent des drapeaux tricolores rangés à la mairie et en ornent les édifices publics, puis, la nuit tombée, font exploser pétards et feux de Bengale qui attirent près de 300 personnes : la foule entonne La Marseillaise, le Chant du départ, la Marche lorraine, crie « Vive De Gaulle ». Un seul gendarme tente de disperser les manifestants, sans succès. Le lendemain, des jeunes, dénoncés, sont interrogés. Ils s’en tireront avec quelques jours de prison à Valence-sur-Rhône.

Mais en 1942, Maurice Schumann, porte-parole de la France combattante à la BBC, demande aux Français de la zone non occupée de manifester le 14 juillet en pavoisant leurs demeures, en se promenant dans les grandes artères avec des cocardes tricolores. Partout, des actions interdites sont signalées.

La veille, des tracts gaullistes sont répandus dans les rues de Die. À Valence, une équipe constituée de Henri Faure, Sylvio Péraro, Emile Garçon, Pierre Chazal, d'un chef de service de la préfecture et Georges Chauvet tape à la machine un texte rappelant à la population que « le 14 juillet est une fête de la République, il faut nous libérer des oppresseurs et avoir confiance en l’avenir », et le ronéote sur un duplicateur caché par des militants communistes, avec du papier et des stencils « récupérés » à la préfecture, puis, en pleine nuit, ils vont déposer discrètement ces tracts à l’entrée des usines, touchant ainsi près de 1 500 ouvriers. Le 14, une cinquantaine de manifestants viennent chanter la Marseillaise sur la place de la République, face à l'hôtel de la Croix d'Or, siège de la commission d'armistice italienne. Le salut fasciste exécuté par un Italien sur le balcon de l'hôtel provoque les huées des manifestants. Un peu plus tard, un échange de coups de poing oppose des soldats italiens à de jeunes Français.

À Nyons, Toesca, du Parti socialiste, retraité de l'enregistrement, accompagné de plusieurs membres du Comité de Front national, tente de déposer une gerbe au monument commémoratif de la révolution de 1789. Deux gendarmes l'en empêchent et Toesca est conduit au bureau de la brigade.

À Saint-Vallier-sur-Rhône, Camille Panaye réalise un exploit en pleine nuit en risquant deux fois sa vie : il hisse un drapeau rouge et un drapeau tricolore en croix au sommet de la pile centrale du pont du Rhône ! Le jour levé, des groupes de Saint-Valliérois viennent contempler ironiquement ces drapeaux défiant l'occupant. La municipalité vichyssoise et les collaborateurs s'évertuent toute la matinée à trouver un volontaire assez hardi pour, en grimpant le long des câbles, aller décrocher ce symbole de la Résistance à l'ennemi.

Un exemplaire du journal L'Humanité et deux exemplaires du journal L'Etudiant patriote sont affichés à Dieulefit.

À Crest, où des tracts ont été trouvés dans les WC publics, des inscriptions « Vive de Gaulle » et des croix de Lorraine ont été peintes sur les murs de la ville dans la nuit. Le 14, le bijoutier Martin Hérold, le Lorrain Schlokoff et la femme de Pons, chef d’un groupe de résistants, en présence d'une cinquantaine de personnes, déposent une gerbe de roses rouges au pied du monument élevé à la mémoire des insurgés victimes du coup d'État de 1851. Les deux gendarmes de service, chargés de surveiller la manifestation, se tiennent discrètement en arrière. Au moment de la minute de silence, ils se mettent au garde-à-vous, la main au képi. Malgré ses 71 ans, Hérold est envoyé en résidence surveillée à Montbrun-les-Bains. 

À Montélimar, une gerbe de fleurs ornée d'un ruban rouge est trouvée à 5 h du matin au pied du monument aux morts. Une centaine de tracts, vraisemblablement jetés par les occupants d'une voiture automobile entre 2 h et 4 h du matin, invite la population de Montélimar à manifester contre le gouvernement de Vichy en se rassemblant à 18 h 30, en arborant les 3 couleurs et en chantant La Marseillaise.


Faisant le bilan, le préfet indique que, dans la Drôme, la journée du 14 juillet 1942 a été marquée par quelques incidents sans aucune gravité, mais qui « mettent en relief la sourde animosité régnant dans le sein de la population ». Il insiste sur « l'état d'énervement et la tension d'esprit d'une partie de la population » qu’il explique « par les difficultés grandissantes du ravitaillement, […] le plus sûr levier d'action sur l'état d'esprit des foules ».


Auteur(s) : Robert Serre
Sources : SHGN, Rapport R4 Section Die n°30/4 du 14/07/1942, n° 58/4 du 08/09/1942, n°79/4 du 15/07/1942, n°85/4 du n°23/07/1942. Vilhet, La Résistance dans le Nyonsais, p. 22. Témoignage de Marcel Peyret in Dauphiné Libéré 06/08/1994. Paul Pons, p 15-16. Pour l'Amour de la France, p 35. Burles, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud, p 18-19, 21. Oriol-Maloire, p. 97. PV de la brigade de gendarmerie de Montélimar, n°744 du 14/07/1944, dossier SS n°402. Souvenirs d’Albert Fié (récit de Roger Caillet).