Papillon avant le 11 novembre 1943 à Nyons

Légende :

Les commémorations nationales sont un moment de manifestation d'opposition à l'occupation allemande et au régime de Vichy.

Genre : Image

Type : Papillon

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Détails techniques :

Petit papillon de quelques centimètres, réalisé avec un tampon à lettres mobiles permettant de composer un petit texte.

Date document : début novembre 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Nyons

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Analyse média

Les résistants nyonsais – FTP (Francs-Tireurs et partisans) vraisemblablement – invitent la population de la commune à un rassemblement symbolique pour le 11 novembre 1943, à 11 heures, sur la place du Champ de Mars.

Pour cela, ils rédigent un appel :
« Nyonsais
Le 11 novembre à 11h
Tous place du Champ de Mars. »


Le texte est très court, compte tenu des moyens de fabrication de ces papillons, réalisés avec un tampon dont la matrice comportait quatre « glissières » dans lesquelles on pouvait introduire des lettres amovibles, en caoutchouc, et ainsi composer un texte très court. Cependant, ce mode de fabrication permettait d’en réaliser un grand nombre d’exemplaires. Leurs dimensions – celle d’un tampon de quelques centimètres – ne les rendaient pas très repérables. Ils étaient souvent collés sur les chéneaux de descente des eaux pluviales à hauteur d’homme.
Ils ont été récupérés par les gendarmes.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Les journées commémoratives ou patriotiques (11 novembre, 14 juillet, 22 septembre, 1er mai…) ont souvent été le prétexte à des manifestations d’opposition au régime de Vichy et aux occupants.

La première manifestation utilisant la symbolique d'une journée patriotique a été le fait d'un petit groupe de lycéens du lycée Émile Loubet de Valence. À l'occasion du 11 novembre 1940, Roger Coursange (19 ans), avec Roger Balandreau (18 ans) et Edmond Duco (18 ans), impriment et diffusent un tract rédigé : "Souviens toi de Clemenceau, Clemenceau a dit : collaborer avec l'ennemi c'est trahir". Ce tract a été diffusé à 500 exemplaires à Valence-sur-Rhône et par les internes dans toute la Drôme.

Benjamin Malossanne, directeur du cours complémentaire de Saint-Jean-en-Royans, le jour de la rentrée scolaire de 1940, inscrit sur le tableau noir de ses trois classes : "Vive l'Angleterre qui continue la lutte !". Il est rayé des cadres de l'enseignement et deviendra un des responsables de la Résistance dans le Vercors et le Royans.

En juin 1941, "quelques manifestations se sont produites à Crest à l'occasion de films d'actualités. Des coups de sifflets ont été lancés à l'adresse du chancelier Hitler alors que des applaudissements se sont élevés lorsque le drapeau anglais a paru sur l'écran, dans le film "Capitaine Hood"", signale un rapport de gendarmerie.

Le 14 juillet 1941 donne lieu à des manifestations à Saillans et à Bourdeaux, notamment : À Saillans, une bande de jeunes "emprunte" des drapeaux tricolores à la mairie, en décore les édifices puis, le soir, allume quelques feux de Bengale et d'artifice. Trois cents personnes se rassemblent, entonnent des chants patriotiques et La Marseillaise ; on crie "Vive de Gaulle. À bas Pétain". Un gendarme intervient pour disperser la foule mais personne ne bronche. Le lendemain, le conseil municipal désigne les coupables. Les gendarmes de Die arrêtent et emprisonnent, à Die puis à Valence, quatre jeunes garçons inculpés après dénonciation pour "cris séditieux", qui, après quelques nuits, regagneront leur domicile.

À Bourdeaux, un drapeau anglais est découvert le matin du 14 juillet placé à côté d'un drapeau français au sommet de la tour qui domine le village, le drapeau anglais a été confectionné avec du papier sulfurisé de coquetier, de plus, des inscriptions de V ont été faites à la peinture devant les habitations des légionnaires les plus en vue. Toujours à Saillans, en 1942, les habitants renouvellent le geste symbolique de février 1850 marquant leur opposition au régime répressif de Louis-Napoléon : quelques hommes décident d'empêcher que la Marianne de bronze trônant sur le monument de la place de la République, mais déjà déboulonnée et mise en attente à la mairie, parte avec les métaux non ferreux vers la fonderie de canons. Une nuit, ils enlèvent la statue et vont la cacher en lieu sûr : d'abord sous la Roche, dans une cache des Trois Becs, ensuite au fond d'un puits ou d'une citerne au café du Commerce. La Marianne sera réinstallée en grande pompe le 8 juillet 1945, en présence des autorités et d'anciens déportés rapatriés.

Le 14 juillet 1942, à Valence, à 18 h 40, quelques dizaines de personnes chantent La Marseillaise. À Nyons, une vingtaine de personnes se réunissent. Les gendarmes estiment que cela est dû surtout à la radio anglaise, très écoutée, qui a lancé des mots d'ordre. Forts de cette expérience, ils prennent toute une série de mesures pour empêcher des manifestations le 10 août sur l'invitation aussi de la radio alliée.

Dès le 7 novembre 1942, des tracts sont découverts dans diverses communes appelant à manifester pour le 11. Leurs auteurs ne pouvaient prévoir l'invasion de la zone non occupée, le 11 novembre 1942. Le commandant de la gendarmerie de la Drôme explique que cette journée s'est déroulée dans le calme, seuls quelques incidents ont été constatés : "Malgré l'intensité de la propagande faite par radio appelant à des manifestations au cours de la journée du 11 novembre, celle-ci n'a été marquée par aucun incident sérieux. Il faut cependant souligner que, dans de nombreuses localités, une partie de la population avait l'intention, malgré l'interdiction formulée à ce sujet par le gouvernement, de se rassembler devant les monuments aux morts et de s'y livrer à des manifestations diverses (dépôt de gerbes, minute de silence etc.). Seuls les nombreux avertissements donnés, les services d'ordre organisés et l'intervention des gendarmes auprès de certains personnages, considérés comme les responsables probables des manifestations envisagées, ont pu empêcher, dans la majorité des cas, qu'il soit donné suite à ces projets". Citons parmi les manifestations symboliques, le dépôt d'une gerbe par André Hérold devant la pyramide du monument de l'Insurgé de 1851, à Crest, la statue ayant été enlevée par les autorités vichyssoises, le 20 janvier précédent. Cette journée est marquée aussi par la première action de sabotage par explosifs sous un pylône à haute tension qui n'a été que légèrement endommagé. C'est aussi le jour de l'invasion de la zone dite libre par les troupes allemandes.

Au cours de cette année 1942, un autre point où Vichy perd est celui des actualités cinématographiques. L'ambiance anti-allemande est toujours présente. Depuis que les films anti-allemands sont interdits et qu'une partie du public ne peut plus applaudir lorsqu'elle aperçoit le drapeau anglais, elle siffle lorsque apparaissent les Allemands au moment des actualités. Le préfet demande "de prendre toutes mesures de surveillance en prescrivant notamment un éclairage suffisant pendant la projection pour identifier les manifestants" !

Certains maquis profitent des fêtes nationales pour organiser des défilés ou des prises d'armes symboliques. Le 11 novembre 1943, à l'Estellon, Challan-Belval réunit ses maquisards pour une cérémonie au monument aux morts : "La troupe qui rendait les honneurs était plus guerrière par son esprit et sa foi que par l'armement qu'elle portait". À Saint-Martin-en-Vercors, les maquisards de la Chabotte dirigé par "Wap" défilent à 11 heures au son du clairon devant le monument aux morts qu'ils ont fleuri d'une croix de Lorraine en chrysanthèmes.

Les FTP ne sont pas en reste, leur commandement Sud-Drôme (Nyonsais, Baronnies) a décidé de commémorer l'armistice, des cérémonies sont organisées dans tout le secteur avec dépôt de gerbes aux monuments aux morts. Ces manifestations se font au vu et au su des gendarmes qui non seulement n'interviennent pas, mais parfois rendent les honneurs.

Dans cette nuit du 11 novembre, Roger Maisonny et son père Paul, accompagnés de leurs amis résistants, dressent simultanément dans les cimetières de Valence-sur-Rhône et Bourg-lès-Valence deux croix de Lorraine de quatre mètres de haut peintes aux couleurs de la France et munies d'une inscription menaçante mettant en garde contre tout enlèvement. Après avoir monté les couleurs, ils déposent une grande gerbe de fleurs.

Le 14 juillet 1944 à Die, après 17 heures, en présence de Yves Farge et Pierre de Saint-Prix, le commandant "Legrand" organise une prise d'armes et un défilé auquel participent plusieurs détachements FTP et AS (Armée secrète). A Buis-les-Baronnies, un résistant, Servay, prononce une allocution ainsi que Wladimir à Nyons, à l'issue du défilé.

Ces manifestations, le plus souvent symboliques, participaient à la sensibilisation de la population et lui permettaient de montrer son appui à la Résistance.


Auteurs : Jean Sauvageon et Robert Serre
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.