Le buste de Marianne reprend sa place de la République à Saillans

Légende :

Pendant l’Occupation, le buste de Marianne ayant été désigné pour la refonte, des patriotes l’avaient caché. Au cours d’une cérémonie, en 1945, il va reprendre sa place.

Genre : Image

Type : Photo de groupe

Producteur : Photo André Banet

Source : © ADD, collection Pierre Vincent-Beaume Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saillans

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Analyse média

Le 29 juillet 1942, la municipalité de Saillans avait fait enlever de son socle le buste de Marianne, symbole de la République, pour être versé aux métaux non-ferreux. Dans la nuit du 30 au 31 juillet, cette statue, déposée provisoirement dans le couloir de la mairie, est volée par des inconnus, certainement communistes ou socialistes, nombreux à Saillans, qui n'ont pas abandonné leurs idées politiques, d’après le rapport de gendarmerie. Une enquête est ouverte : personne ne veut parler, la grande majorité de la population est très satisfaite que ce vol ait eu lieu.

En 1945, les autorités municipales et la population de Saillans ramènent solennellement le buste de Marianne sur son socle, après un défilé dans les rues du village. Parmi les personnalités présentes : le sénateur Lisbonne, Roger Marty, secrétaire général de la préfecture, Verly, sous-préfet de Die, Bouchier, président du CDL (Comité départemental de Libération). Le "brancard" est porté par le maquisard Albert Planel, et trois déportés Robert Arnaud, Marcel Got, Ernest Planel. La dame présente à l'avant de la photo pourrait être madame Russier, surnommée "la tante", chez qui la Marianne avait été cachée, au café du Commerce.


Auteurs : Robert Serre et Jean Sauvageon

Contexte historique

Sur l'instigation des occupants, dès 1941, est déclenchée en France une campagne pour la récupération des métaux non ferreux, notamment du plomb, du cuivre, de l'étain.

Dans toutes les villes et toutes les bourgades de grandes affiches informent la population en s'appuyant sur des arguments fallacieux, par exemple que sans cuivre on ne pourrait pas lutter contre le mildiou, maladie de la vigne, donc qu'on produirait moins de vin, et que sans plomb on ne pourrait pas fabriquer l'insecticide destiné à détruire les doryphores qui ravagent les champs de pommes de terre. 


Une collecte des métaux non ferreux est organisée, à la suite d'une circulaire adressée aux maires, pendant la période allant du 18 août au 18 octobre 1941. Par une lettre de l'Inspecteur d'académie aux directeurs d'écoles, les enfants sont incités à y participer.

Par les lois du 26 janvier 1942 et du 4 Juin 1942 est créé le Commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux. Un contrôle principal Drôme-Ardèche est installé à Valence-sur-Rhône. Des ordres impératifs sont donnés pour récupérer le plomb et le bronze des installations d'éclairage à gaz des rues et des bâtiments ne répondant plus à aucune utilité. Par la suite sont envoyées à la refonte les statues et les plaques en bronze de certains monuments.

À Valence, par exemple, ce sont les statues d'Emile Augier, de Bancel, de Montalivet, du buste de Louis Gallet, des plaques du monument aux morts de la guerre de 1870 qui prennent la direction des fonderies. Par contre, la statue du général Championnet est descendue de son piédestal, le 5 avril 1944. Le 6 avril, M. Reboul, secrétaire général de la mairie et M. Caillet, conservateur du musée ont réussi à sauver la statue pesant 2 500 kg en la faisant enterrer dans la cour du musée. Les pavés de la cour furent ensuite remis en place.

Autre exemple, à Romans, c’est le monument célébrant la réunion des États provinciaux de 1788-1789 qui est envoyé à la fonte. Il sera remplacé, après la Libération, par un monument rappelant la Résistance. Seul, le médaillon en bronze représentant Dedelay d’Agier a pu être sauvé.

Les opérations de retrait de ces statues, à Saillans, Valence-sur-Rhône, Crest ou Romans-sur-Isère, montrent l’hostilité d’une partie de la population à ces récupérations, d’autant plus qu’elles représentaient des jalons de l’histoire locale pour la conquête des libertés.


Auteurs : Jean Sauvageon et Robert Serre
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.