Document-Projet de loi relatif à la presse du CGE

Légende :

Document faisant office de projet de loi relatif à la presse, adopté par le Comité Général d'Etudes (CGE), daté du 18 mars 1944

Genre : Image

Type : Document

Source : © Archives nationales 72AJ/45/VI Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié de cinq pages (voir l'album).

Date document : 18 mars 1944

Lieu : France

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Analyse média

Ce document, qui fait office de projet de loi porté par le CFLN, comporte 18 articles, dont voici les plus importants :
- interdiction de toutes les parutions après le 25 juin 1940, date de l'entrée en vigueur du double armistice, à l'exception des titres n'ayant pas traité de politique, c'est-à-dire, n'ayant pas été des outils de propagande ;
- mise sous séquestre des biens - meubles et immeubles - acquis par les détenteurs des titres de presse incriminés, couplée à la mise à disposition des titres de presse clandestine ;
- suspension de l'exercice professionnel du personnel ayant travaillé au sein des rédactions visées par la future loi pour le temps de la procédure ;
- toute personne ayant exercé une influence personnelle sur l'administration ou la rédaction d'un titre incriminé est considérée comme tombant sous le coup de fait de collaboration avec l'ennemi ;
- radiation des personnes incriminées  - gens de presse et de lettres - de tout organisme fédérateur ou représentatif ;
- fixation des conditions d'obtention de la carte professionnelle de journaliste (aujourd'hui appelée "carte de presse") ;
- fixation de sanctions et de pénalités (peine d'emprisonnement et amende) applicables aux contrevenants ;
- création d'un haut-jury de presse, dont un membre au moins siège au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation et à la Cour des comptes.

On note la mention "très secret" aposée sur le document : celle-ci signifie que seules cinq ou six personnes étaient autorisées à en prendre connaissance.

 

Ce document présente l'intérêt d'illustrer de manière très significative et concrète le travail mené au CGE, consistant à préparer les grandes réformes de la Libération en faisant table rase des institutions et des hommes de Vichy, et ainsi, à penser l'avenir.


Paulina Brault

Contexte historique

A l'été 1943 est constituée la Commission de la Presse, sous l'égide du Comité Général d'Etudes (CGE). Présidée par Alexandre Parodi, elle réunit plusieurs personnalités compétentes, dont Jean Guignebert et Francisque Gay, directeur du journal L'Aube et auteur d'un mémoire publié en 1944 sous le titre : Eléments d'une politique de presse, dans lequel il expose les mesures destinées à épurer la presse et à la libérer des puissances d'argent.

La Commission de la presse clandestine, née en 1943, est devenue ensuite la Fédération nationale de la presse clandestine et rassemble notamment Albert Bayet, Jean-Daniel Jurgensen et Jean Texcier.
Plus tard, une Commission de la presse clandestine, présidée par Pierre Hervé, sera instituée au sein du Conseil National de la Résistance (CNR) ; cependant, le Programme d'Action de la Résistance évoquera peu la presse.

La confrontation des tendances diverses provoque des heurts fréquents au sein de la Résistance et avec le Comité d'Alger, sur trois questions fondamentales :
- les modalités de l'élimination de la presse "indigne"
- les journaux autorisés à paraître à la Libération
- l'élaboration du futur statut juridique de la presse.
Un seul point suscite l'unanimité : l'assainissement financier des entreprises de presse.

S'inspirant de divers projets, et en particulier de ceux du CGE pour la presse, le Cahier Bleu, rédigé par Pierre-Henri Teitgen, porte à la connaissance des futurs responsables administratifs des territoires libérés les mesures à prendre à la Libération en matière de presse.
Les ordonnances de débarquement (22 juin 1944) prises à Alger procèdent du même esprit, malgré quelques différences.
L'ordonnance du 30 septembre 1944, portant réglementation provisoire de la presse périodique en territoire libéré, valide l'essentiel des mesures du Cahier Bleu.

Inspirées des projets de la Résistance, l'ordonnance du 6 mai et surtout celle du 26 août 1944 jettent les fondements d'une première réglementation, qui fait de l'entreprise de presse une "maison de verre" (transparence, identification des dirigeants et propriétaires) et qui vise à empêcher les monopoles.

Les douze ordonnances prises à la Libération entraînent une mutation sans précédent - en France comme en Europe ocidentale - de la presse et de la radio. S'ouvre alors un âge d'or pour la pluralité de la presse, mais qui ne durera guère.


D'après Diane de Bellescize, in Dictionnaire historique de la Résistance, sous la direction de François Marcot, Robert Laffont, 2006.