Patriotes au maquis

Légende :

Sentiers difficiles, armement léger : le quotidien des maquisards

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives privées Paul Silvani Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique noir et blanc extraite du cd-rom La résistance en Corse, AERI, 2003.

Lieu : France - Corse

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Analyse média

La vie clandestine se développe sous l'Occupation, et culmine pendant l'été de 1943. La solidarité de la population la rend possible, surtout en milieu urbain, pour permettre réunions secrètes et hébergement des radios. Agents de renseignement et résistants de l'intérieur sont tenus à une grande mobilité et endurent de pénibles conditions de vie. La topographie de l'île et sa végétation (forêts et maquis) leur permettent de se soustraire souvent aux recherches des carabiniers et de l'OVRA, malgré une densité d'Occupation qui n'a d'équivalent nulle part.

Pendant les 10 mois qui vont de novembre 1942 à septembre 1943, la répression exercée par l'occupant contraint à la clandestinité résistants de l'intérieur et agents de la Résistance extérieure en mission en Corse.

Sans qu'il y ait eu formation de maquis comparables à ceux du continent, car il s'agit ici d'une période antérieure, les lieux de refuge ont été simplement, grâce à la solidarité de la population, des villages et des hameaux, et, dans quelques cas, des bergeries et des grottes peu accessibles à l'occupant dans une région montagneuse, riche d'une végétation dense. La vie clandestine était rude, le ravitaillement incertain. Certains, comme Fred Scamaroni, ont connu la clandestinité en milieu urbain, avec des risques plus grands qu'en milieu rural.

Les principaux responsables de la Résistance ont presque tous connu la clandestinité : Arthur Giovoni, professeur muté à Rodez sur ordre de Vichy, revient en Corse en clandestin dès octobre 1942. Paul Giacobbi, surveillé depuis 1940, interné à la demande de l'occupant à Prunelli di Fium'Orbu en 1943, s'en échappe pour éviter la déportation en juin, et est caché à Chisa, puis dans des grottes ou des bergeries en montagne jusqu'en septembre.

Les réunions des responsables du Front national se font dans des zones-refuges comme la grotte de Porri à proximité de la demeure familiale de François Vittori. En mars 1943, les Chemises noires qui ont cerné la zone, ne parviennent pourtant pas à temps sur ce lieu de réunion. Les agents envoyés en Corse sont traqués par l'OVRA qui les traite en espions. Tous sont voués à la clandestinité et ceux qui les hébergent courent les plus grands risques : leurs radios sont particulièrement recherchés. Les premiers venus d'Alger sont les hommes de la mission Pearl Harbour qui sont cachés à leur arrivée à Marignana en décembre 1942 par les frères Nesa. L'un d'eux, le radio Pierre Griffi, sera exécuté par les Italiens le 18 août 1943, après avoir réussi à communiquer jusqu'au bout avec Alger à partir de ses caches successives à Corte puis Ajaccio. Les frères Nesa avaient été condamnés à mort par contumace le 27 juillet.

Fred Scamaroni, envoyé en mission par de Gaulle, chef de la mission FFL arrivée en janvier 1943, est hébergé à Ajaccio par Joseph Vignocchi que le tribunal militaire italien condamne à 30 ans de réclusion le 12 juillet, quatre mois après le suicide de Fred Scamaroni dans sa cellule de la citadelle d'Ajaccio. La nécessité de cacher les matériels de reproduction des tracts et journaux clandestins ou les armes envoyées par Alger est l'un des facteurs essentiels de la vie clandestine.

Le relief accidenté de la Corse et ses indentations côtières favorisent les actions clandestines mais soumettent à de dures épreuves les hommes chargés des transports. Certains monuments à la mémoire de la résistance évoquent l'effort d'endurance demandé à tant de résistants dont les noms n'ont pas été retenus pour la plupart.


Hélène Chaubin, "La vie clandestine", extrait du cd-rom La résistance en Corse, AERI, 2003.

Contexte historique

Le terme de maquis est particulièrement adéquat en Corse où il désigne des formations végétales broussailleuses et difficiles à pénétrer qui commencent à basse altitude et recouvrent aussi la moyenne montagne. Pendant la guerre, il est devenu synonyme de refuge ou de base de combat pour tous les résistants. Cependant, la chronologie particulière à la Corse fait que cette région se libérait en 1943 dans la période même où, sur le continent, se formaient en montagne les maquis, dont le plein développement se fit en 1944. Cette antériorité ne doit pas interdire de distinguer dans l'île des maquis-refuges, des caches, et des maquis armés, combattants de septembre 1943. Les maquis refuges En 1943,  les hautes vallées de l'Abatescu puis du Travu, au-dessus de la plaine de Solenzara, furent le refuge des évadés de Prunelli di Fium'Orbu qui y avaient été internés depuis mai 1943 et qui échappèrent ainsi à la déportation en Italie. Parmi eux, se trouvaient le sénateur Paul Giacobbi et Eugène Macchini, qui deviendra le maire d'Ajaccio après la Libération. Passés par Ania et Chisa sous la protection de patriotes locaux, ils s'abritèrent dans une grotte, puis dans les bergeries des Pianure, accessibles par de difficiles sentiers. Paul Giacobbi y resta jusqu'à son retour à Venaco, le 9 septembre. Une vie rude et inconfortable qui l'éprouva physiquement, mais lui permit d'être en Corse au moment de la Libération. Pendant l'été 1943, une grotte de Casinca, au-dessus du village de Porri, lui-même situé à 500 mètres d'altitude, abrita le QG du Front national pendant les semaines précédant la Libération : une grotte naturelle qui n'avait qu'un accès, par des chemins des plus malaisés, à travers le maquis. Ce sont des responsables locaux comme Damien Vittori qui la choisirent et la camouflèrent pour en faire un lieu de rendez-vous, y installer une imprimerie clandestine, puis un poste radio. Le 21 août, les Chemises noires s'en approchèrent, mais sans réussir à s'emparer des hommes ni du matériel. Les caches d'armes   De décembre 1942 à septembre 1943, des armes furent livrées à la Corse pendant les neuf derniers mois de l'Occupation italo-allemande, sur la demande des chefs des réseaux R2 Corse et Pearl Harbour, ainsi que du Front national. Livrées soit par des sous-marins, soit par le parachutage en containers, elles représentaient des tonnes de matériels qu'il fallait dissimuler et transporter. Par exemple, sur la côte ouest lors des débarquements sur les plages à Saleccia et dans la baie d'Arone, toujours dans des lieux éloignés des villages et d'accès difficile. Les abris de bergers ont servi de dépôts d'armes, dans le premier cas à Calamicorno, dans la montagne de Tenda, dans le second dans les bergeries du Salognu, non loin de Piana. Les nombreux terrains de parachutages (au moins une quarantaine), recensés par la Résistance avant même l'Occupation et pourvus de noms de codes, étaient répartis dans toute la Corse, en montagne, mais pas trop loin des villages, car la récupération des containers devait être rapide en raison de la surveillance exercée par les patrouilles italiennes. Les maquis armés du Sartenais La zone montagneuse et forestière de Valle Mala, qui s'étend entre le golfe du Valinco et le région de Petreto Bicchisano, où se trouve le hameau des Martini, a été le lieu de formation des maquis du Sartenais. Les affrontements armés y ont été nombreux, simples embuscades ou véritables engagements militaires dans la phase de la Libération. Quelques-uns des plus ardents recruteurs du  Front national, Dominique Lucchini ("Ribellu"), Charles Giacomini, Jean Nicoli, Jules Mondoloni, Dominique Bighelli, y ont rassemblé, selon Giacomini, environ 500 patriotes prêts au combat à partir du printemps de 1943. Ce maquis a été bien pourvu en armement léger grâce aux débarquements et parachutages et a disposé d'un poste émetteur-récepteur. C'est dans ce maquis que Tony Ogliastroni a composé le chant des patriotes corses, La Sampiera. Le 6 juillet, le village de Petreto-Bicchisano a été encerclé par les carabiniers. Trente-neuf hommes ont été arrêtés et déportés en Italie. Dans la même région, le 24 juillet, les Italiens ont incendié la forêt. Les conditions de vie sont devenues de plus en plus dures dans ces maquis du Sartenais qui ont connu, dans l'été 1943, le plus grand dénuement. Le ravitaillement y était très difficile en raison de la venue de jeunes gens réfractaires au STO et surtout du harcèlement par les Italiens. On y attendait avec impatience un débarquement allié.


Hélène Chaubin, "Les maquis", extrait du cd-rom La résistance en Corse, AERI, 2003.