Approvisionnement du maquis : témoignage de Georges Molle

Genre : Son

Type : Témoignage audio

Source : © Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon Droits réservés

Détails techniques :

Durée : 0:02:06s

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Franche-Comté) - Doubs

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Analyse média

Dans l'armée de l'Air en 1940, en congé d'armistice en 1942, résistant en 1943, chargé de l'instruction au Valdahon des troupes d'occupation en Allemagne, à la Libération, Georges Molle termine sa carrière militaire à Luxeuil. Georges Molle a 28 ans en 1940. Son père fait son service militaire en 1914. Il est fait prisonnier à Soissons et emmené dans un camp en Allemagne. En 1918, il est envoyé à Leysin, en Suisse pour soigner sa tuberculose. Il décède en 1919. Georges a très peu connu son père . D'autre part deux oncles, les Charpy, sont tués en 1914. Georges éprouve ainsi un vif sentiment anti-allemand. En 1940, alors qu'il est dans l'armée de l'Air en Tunisie, Georges revient en France au décès de sa mère. Il est affecté à la base aérienne 543 à Valdahon. Georges, mécanicien, fait plusieurs missions sur l'Allemagne avec le pilote Jacques Weinman. depuis le terrain de Mesnil-sur-Oger, en 1940. A la débâcle, depuis Cognac, à bord d'un Potez 63, il gagne Alger avec Weinman pour continuer la guerre. Mais Weiman, officier de réserve, rentre en France et Georges Molle est affecté à la base de Lyon-Bron. En 1942, lorsque les Allemands envahissent la zone non-occupée, il est mis en congé d'armistice. En 1943, de retour en Franche-Comté, il retrouve de nombreux aviateurs dont Weinman et JeanCornet. De nombreuses rencontres avec Maurinalias "Robinet" aboutissent à la création de petits groupes chargés de missions. Georges est chargé de la prospection de terrains de parachutage et d'évacuation sanitaire. A ce titre, il reçoit chez lui, à Vieilley,  un officier parachutiste, René Bompuis et son radio. Le terrain "Ognon" est accepté par le Bureau central de renseignement et d'action (BCRA) de Londres. Avec un terrain homologué, proche de Besançon, un maquis peut s'installer. En recrutant  par le bouche à oreille des jeunes réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), il installe son maquis dans le bois de la côte de Merey et de Vieilley : tout était à inventer pour organiser la vie clandestine dans les bois. Avec Barthelet, Georges réussit à obtenir du boucher Croppet, du fromager Bouchut et d'un épicier de quoi approvisionner le maquis, sauf en pain ! Le maire de Mérey donne la possibilité au maquis de se servir au château d'eau. Le maquis est bien nourri et l'état-major de la SR D2 s'installe à Vieilley. Georges a la chance de recevoir un parachutage du terrain de la Bretenière dont le contenu est caché chez Weinman au château de Beaupré (entre Thise et Roche). L'instruction militaire et le maniement des armes sont assurés par "Emile" (George Millar).

Le maquis de Vieilley dirigé par Georges Molle agit jusqu'à la Libération. Le 15 août 1944, le village de Vieilley est cerné par les Allemands et le colonel Maurin est arrêté alors que Georges Molle et George Millar réussissent à échapper aux Allemands en se cachant dans un égout. A la libération de Besançon, Georges rejoint la base de Dijon où il est désigné pour refaire fonctionner la base de Valdahon. Ne pouvant pas intégrer l'armée dans l'aviation (le colonel Girardot, du 7e corps aérien, a plus de pilotes et de mécaniciens que d'avions), Georges Molle est en Allemagne chargé de commander une compagnie de gardes de terrains d'aviation jusqu'en 1949. Il est affecté ensuite en Indochine avec sa femme pendant deux ans : elle est infirmière et lui chargé des transports. Il termine sa carrière militaire comme capitaine à la base aérienne de Luxeuil après avoir fait un stage à Reims sous contrôle américain (NATO). Georges Molle fait valoir ses droits à la retraite et revient à Vieilley pensant s'adonner à la pêche, à la chasse et profiter de sa propriété, mais sa réputation de "Patron de la Résistance" le conduit à la mairie de Vieilley où il accomplit trois mandats. 


Françoise Leboul, "Georges Molle", extrait du CD-ROM La Résistance dans le Doubs, AERI, 2008.

Contexte historique

Le site de Vieilley (la vallée de l'Ognon, les bois, les pâtures), sa situation (proche de Besançon et des voies ferrées) est propice à l'installation d'un maquis.

Dès l'arrivée de l'occupant - le 16 juin 1940 à Besançon, Dole, Lons-le-Saunier et Vesoul, le 18 juin à Belfort-, des actes spontanés de résistance ont lieu : le sabotage de câbles téléphoniques, la récupération d'armes abandonnées par l'armée française lors de la débâcle,des manifestations lors des fêtes patriotiques malgré les interdictions allemandes, l'hébergement de prisonniers de guerre évadés...Des groupes se forment puis, en 1943 avec le Service du travail obligatoire (le STO) et surtout à partir du 6 juin 1944, les maquis se multiplient.

Le maquis de Vieilley naît le 6 juin 1944 Mais, dès décembre 1943, le capitaine Boulaya, commandant des groupements de Besançon, donne l'ordre au lieutenant Weinman de constituer une équipe de destruction chargée du sabotage des voies ferrées et des communications télégraphiques et téléphoniques. En janvier 1944, la première équipe est constituée sous le commandement du lieutenant Weinman. L'effectif compte dix-huit hommes, le chef est Jean Buteau. Tous les membres actifs du maquis sont déjà des résistants. Louis Bulle travaille pour un réseau d'évasion avec Fernand Valnet, et pour un réseau de renseignements (Carmel), il est aussi agent de liaison de l'état-major. Marcel Boichard, réfractaire au STO, qui a dû fuir, est réfugié en forêt de Chaux....Tous, sans exception, participent à l'action immédiate depuis mai 1943. Georges Molle entreprend déjà la recherche et l'homologation à Londres de terrains de parachutages. Pour le maquis de Vieilley,  le 6 juin 1944 est donc autant un point d'aboutissement qu'une date de naissance. L'idée d'installer un maquis à Vieilley remonte probablement à l'automne 1943 : une réunion de l'état-major de l'Armée secrète (AS) prévoit la création de maquis spécialement chargés du sabotage ferroviaire à partir du jour " J ". Le premier but des maquisards de Vieilley est de rendre la ville de Besançon inutilisable pour l'ennemi et de préserver celle-ci de la destruction. Ce maquis dépend du secteur de Besançon, auquel est également rattaché le maquis de Champoux, d'un accès difficile. Ce dernier offre une plus grande sécurité que celui de Vieilley mais le recrutement est assuré uniquement par des hommes de la ville.

Le maquis de Vieilley agit sur la ligne de chemin de fer Besançon-Vesoul.Concernant les sabotages, il s'agissait de déterminer la manière la plus sûre et la moins coûteuse à employer pour interrompre le trafic de Besançon sur les directions suivantes :Belfort - Vesoul - Dijon - Lyon - Morteau. Dès le 10 juin 1944, le capitaine "Boulaya" envoie comme adjoint au capitaine Molle un officier de l'armée britannique parachuté par les soins du Bureau central de renseignement et d'actions (BCRA) de Londres. Cet officier, le capitaine George Read Millar, pseudo "Emile", a suivi des cours spéciaux de sabotage et vient des " Black Masters ". Après une étude approfondie du secteur et après de nombreuses réunions, "Boulaya", Molle et "Emile" décident de procéder au sabotage des voies ferrées afin d'interrompre le trafic en faisant dérailler les locomotives et les wagons de transports de troupes. Le but est d' empêcher le passage des renforts allemands pour les fronts de Normandie et pour les côtes ouest et sud. En plus des opérations de sabotage, le maquis fait des actions de propagande.En particulier, le 14 juillet 1944, l'équipe du maquis de Vieilley accroche au clocher de l'église Saint-Pierre à Besançon, un immense drapeau tricolore à croix de Lorraine qui est enlevé à 6 h 30 par les Allemands. A 7 h, les explosifs placés par les maquisards font sauter les locaux de la Milice et de la Légion des volontaires français (LVF). Des affiches sont placardées sur toutes les portes. Sur toutes les places sont dessinées des croix de Lorraine. Des cocardes ornent les cheveux de jeunes femmes dont une bonne partie est giflée par les Allemands. Une palme fabriquée par les maquisards avec l'inscription : "Les Forces françaises de l'intérieur à leurs camarades", doit être déposée au monument aux morts, en face de la gare, à Besançon, mais un brigadier de la police française s'oppose à ce geste symbolique.


Audrey Nigon, "Historique du maquis de Vieilley", "Vieilley: l'organisation des sabotages", "Les activités du maquis de Vieilley: le 14 juillet 1944", extrait du CD-ROM La Résistance dans le Doubs, AERI, 2008.