Benito Carod

Légende :

Combattant républicain en Espagne, combattant dans la Résistance française dès décembre 1943

Genre : Image

Type : Portrait

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Robert Serre, don de Maria Caritg Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en noir et blanc.

Date document : septembre 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Militant convaincu, soldat expérimenté et courageux, compagnon dévoué, Benito Carod joue un rôle important dans sa compagnie.

Ici à Aouste après la libération de la Drôme, est prêt à partir avec les guérilleros pour tenter de libérer l'Espagne du franquisme. Il est photographié sur le parapet du pont d’Aouste.

À peine revenu chez lui après la libération de notre région, il repart dans les bataillons de sécurité formés par le Parti communiste espagnol pour éliminer les derniers îlots nazis et les miliciens tueurs du Marseillais Sabiani. Ces bataillons ayant été dissous par de Gaulle, il part dans les guérilleros. Pleins d’illusion sur l’aide des pays démocratiques, ces hommes pénètrent en Espagne en octobre 1944 par le val d’Aran. Mais ils ne pourront lutter contre les forces franquistes.


Auteurs : Robert Serre

Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.

Contexte historique

Benito Carod, né le 3 avril 1901, est un réfugié espagnol qui, après trois ans de lutte contre le franquisme, est obligé de fuir son pays et de chercher protection en France.
Sa famille, originaire de la province de Teruel, est partie dès la fin janvier 1939 et a traversé les Pyrénées dans des conditions très douloureuses. Femmes, enfants et vieillards, ayant été séparés des hommes dès l'accueil, se retrouvent par hasard dans la Drôme. Le voyage est long, jusqu'à Montélimar d'abord où du ravitaillement leur est apporté par un organisme de secours, puis à Valence, terme du voyage. On les installe dans une caserne où ils couchent sur un peu de paille.

Le 3 février, nouvelle étape en train, vers Die cette fois, où on les conduit dans une usine à l'arrêt. De nombreuses personnes bénévoles les accueillent et les réconfortent, les dons affluent : paillasses, vêtements, nourriture.
À partir du centre d'hébergement de Die, les réfugiés sont distribués dans toutes les communes de la région en fonction des offres d'hébergement et des demandes de main-d'oeuvre.

Le 5 février, nouveau déménagement en train des trois belles-soeurs de la famille Carod réunies à des membres de la famille Escofet. Ensemble ils descendent à la gare de Vercheny où Edmond Daumas, fils du maire, venu avec cheval et charrette, les attend. Vercheny a préparé un accueil sympathique : discours du maire, chanson par les enfants de l'école. On installe tout ce monde, quinze personnes en tout, dans l'appartement de l'école que l'institutrice n'occupe pas, on leur apporte des matelas, quelques meubles, une chaise haute pour le bébé...
Dans un premier temps, seules arrivent certaines des épouses et les enfants des trois frères Pedro, José et Benito. C'est ainsi que l'école de Vercheny héberge Baselisa, l'épouse de José, Carmen, la fille, Francine et Elisa, les belles-filles de Pedro et leurs enfants Augustin, Pedro et Luis, ainsi que Henric et Maria, les enfants de José.
Les hommes, combattants dans l'Armée républicaine, n'ont traversé la frontière qu'après les derniers combats.

Amado, engagé à 20 ans en 1936, franchit les Pyrénées le 5 février entre Puigcerda et La Tour-de-Carol. Pendant une semaine, il reste accroché au flanc de la montagne avec ses compagnons d'armes, n'ayant pour se nourrir qu'un peu de riz cru et une boule de pain pour six. Après une quinzaine de jours dans le fort de Montlouis, ces réfugiés sont conduits à pied au camp du Vernet. Un simple champ encore, où des milliers d'hommes pataugent dans la boue. Ils imaginent alors de se construire des sortes d'igloos de terre en découpant dans la glaise tassée des briques avec lesquelles ils dressent des murettes qu'ils coiffent de leur unique couverture. Amado tombera gravement malade ; heureusement son frère Prudencio sera muté du camp d'Argelès à celui du Vernet et pourra lui venir en aide. En septembre 1939, un négociant de Vercheny l'embauche, ce qui lui permet de retrouver sa famille et de s'installer dans ce village qu'il ne quittera plus.

Les autres hommes de la famille, en particulier Benito, les rejoindront dans des conditions semblables. Benito Carod trouve un emploi chez Andrieux, à Saillans. Il entre dans la clandestinité le 15 décembre 1943, discrètement prévenu par le chef de la gendarmerie Puig qu'il a été désigné pour partir en zone Nord. Avec l'aide de son employeur, il rejoint la compagnie Pons.

Le 6 juin 1944 au matin, la nouvelle du Débarquement parvient à Saillans et les rues sont en effervescence. Les maquisards se rassemblent dans "le Fossé", à la grande surprise de la population. Parmi eux, Carod, armé d'un fusil-mitrailleur (FM). Les hommes du village, nombreux à s'engager, reçoivent des armes. Sous les ordres de Dujet, instituteur à Vercheny, Benito participe, en tirant une rafale au-dessus des génoises, à la prise un peu folklorique de la gendarmerie de Saillans. Les choses seront beaucoup plus sérieuses le mois suivant.

Le 21 juillet 1944, la 9e Panzer-Division allemande remontant la vallée de la Drôme se heurte à hauteur d'Espenel à la compagnie Pons qui la tient en échec durant tout l'après-midi avant de se replier pour éviter l'encerclement. Au moment de franchir une crête, quatre membres de la section Dujet, mitraillés par un avion, puis pris sous les tirs d'armes automatiques, sont plus ou moins grièvement blessés.
Allongés dans l'herbe, ils attendent l'obscurité de la nuit pour ramper jusqu'à un cabanon proche. Là, résignés et souffrants, ils attendent. À quelques dizaines de mètres, ils entendent les Allemands ivres qui, en hurlant leurs chants guerriers, pillent et incendient le village d'Espenel. Henri Poulet souffre horriblement de sa blessure à la cuisse et ne peut retenir des cris de douleur. Vers le milieu de la nuit, la porte s'ouvre, une femme du village, madame Béranger, alertée par les gémissements, apporte à boire aux blessés et commence à les soigner à la lueur d'un briquet. Peu après, nouvelle apparition : c'est celle de Carod. Replié avec les autres maquisards sur les hauteurs de Saint-Benoît, il a constaté l'absence de ses quatre camarades. Au péril de sa vie, lui, l'ancien combattant aguerri d'Espagne, est revenu seul au secours des blessés. Leur état étant de plus en plus préoccupant, il fallait trouver des médicaments. Carod n'hésite pas : en se faufilant entre les maisons en flammes, il va chez madame Béranger et en ramène de l'eau-de-vie et des pansements.
Hélas ! malgré ces soins sommaires, Poulet succombe au cours de la nuit. Le lendemain, Robert Barnier, blessé au bras, est pris d'une forte fièvre provoquée par l'infection. À trois reprises, des femmes d'Espenel viennent apporter boissons et soins. Barnier asperge ses plaies d'eau-de-vie. Après deux nuits de souffrance, dans la matinée du 23, il voit arriver son père et le docteur Thomas de Saillans qui ont pu franchir les lignes allemandes et apportent aux blessés quelques soins. Benito Carod qui, pour veiller seul sur ses camarades n'avait pas dormi durant ces deux nuits, profite de cette présence pour prendre un peu de repos. "Tout à coup, à la suite d'un violent coup de pied, la porte s'ouvre brusquement, laissant apparaître un soldat allemand casqué, pistolet dans une main, grenade à manche dans l'autre. Nous voyant tous allongés, ne bougeant pas, il fit un signe d'apaisement à mon père, remit la grenade dans sa botte, referma la porte très doucement puis s'éloigna" raconte Robert Barnier. Cet incident finit de convaincre les hommes qu'une évacuation rapide s'imposait.

Elle a lieu la nuit suivante, avec l'aide des habitants d'Espenel qui transportent les blessés sur des brancards de fortune à travers la montagne. Après six heures de marche et un relais assuré par une charrette tirée par un mulet, ils arrivent au petit jour à la maison forestière de Chastel-Arnaud. Le docteur Thiers, chirurgien à Crest, et le docteur Thomas, jouant les pêcheurs à la ligne, parviennent jusqu'à eux. Sans anesthésie, le docteur Thiers pratique l'amputation de l'avant-bras de Barnier. Aujourd'hui, Robert Barnier a déposé un récit de son aventure, apportant un précieux témoignage de reconnaissance à l'acte de courage de Benito Carod, l'un de ceux à qui il doit la vie.


Auteurs : Robert Serre

Sources : Témoignages de Amado Carod, de Mme Maria Caritg, nièce de Benito, de Mario Escofet. Récit de M. Escofet dans le Bulletin de la Cie Pons n° 17 (oct. 95). Récit de Robert Barnier dans Bulletin de la Cie Pons n° 9 (1998). Témoignage manuscrit, arch. A. Fié, dossier 9. AC Crest, I 147. AC Crest, pièces diverses non classées (registre des cartes d’alimentation…) ADD, 711 W 76-7/5M4. Robert Serre, « L’accueil et l’hébergement des réfugiés espagnols dans le Diois et la vallée de la Drôme » et « Étrangers en surnombre, le 352e GTE de Crest (1941-1944) dans Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale, Peuple Libre et Notre Temps, Valence 1999.