Coup de main contre un Chantier de la jeunesse

Légende :

Un groupe du maquis commandé par Lucien Dufour, dépourvu de tout, attaque le Chantier de la jeunesse d'Eyroles, lui, bien équipé.

Type : Témoignage écrit

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographies de 4 pages (81 à 85) de l’ouvrage de Lucien Dufour, Mémoires de l’ombre, éditions Scriba, édité le 10 mai en 1989.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Eyroles

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Analyse média

Le début de la page 81 de l’ouvrage de Lucien Dufour annonce le récit qui va suivre : « une opération de récupération sur le Groupement des Chantiers de jeunesse de Eyroles, au-dessus de Sahune ». Sur trois pages et demie, l’auteur décrit le coup de main et montre son intérêt – combler le manque cruel d’équipement des maquis, d’autant plus sensible que l’hiver est là.

Dans un manuscrit de six pages, Lucien Dufour explique pourquoi, 45 ans après les faits, il décide, pour la première fois de sa vie, d’entreprendre un ouvrage d’une certaine importance (270 pages), portant précisément sur la période de la Résistance drômoise qu’il a vécue, au cours de laquelle il fut appelé capitaine Paris. 


Dans le cadre d’une préoccupation permanente – vivifier la mémoire, c’est pour lui l’occasion de montrer les maquisards (essentiellement FTP Francs-Tireurs et partisans) dans leur vérité. « Faire connaître les FTP, dont on a donné une image fausse », écrit-il.
Ainsi, il se soucie de prendre part aux débats de son temps. Il remarque que les ouvrages parus jusque-là, s’attachent, pour la plupart, à communiquer le souvenir d’une Résistance « à bilans très lourds ». Le Mont Mouchet, les Glières, le Vercors… sur lesquels on a beaucoup écrit, laissent le souvenir d’une Résistance de martyrs, d’une Résistance vaincue. Prenant part aux discussions en cours, il s’inscrit dans l’esprit d’une trace mémorielle avec luttes gagnantes, celle d’une Résistance victorieuse, celle du Sud Drôme.

Le récit du coup de main contre ce Chantier de la jeunesse se veut un témoignage proche du vécu existentiel de jeunes hommes mêlés à « un courant de pensée unique dans l’histoire » ; enfin, c’est l’image d’une réussite.


Auteurs : Michel Seyve

Contexte historique

Les maquisards sont démunis de vêtements chauds, de chaussures, de nourriture… Ces manques sont d’autant plus insupportables avec la neige et le vent de l’hiver, dans les montagnes. Les chefs de maquis organisent des coups de main, notamment contre les Chantiers de Jeunesse, pour parer à l’essentiel.

Lucien Dufour, chef FTP dans le sud de la Drôme, face à la neige et au froid de l’hiver 1943, face au dénuement de ses hommes, fait le récit de l’une de ses opérations de récupération. 


« Afin de pourvoir au manque d’équipement, je décide, en accord avec le commandement »,
[d’attaquer] « le Groupement de Chantiers de Jeunesse d’Eyroles, au-dessus de Sahune.
Je constitue donc un groupement de 18 hommes, venant de différents camps, La Lance
[…], Vercoiran […], entre autres. […]
Nous traversons le plateau en pente douce vers Montréal que nous traversons de nuit. […] Nous prenons tous les raccourcis possibles afin de gagner du temps et, le froid aidant, l’allure est très rapide, presque de la course. […] Le bon entraînement de nos maquisards permet de maintenir l’allure […]. Nous ne sentons plus le froid sous nos chemisettes et avec nos espadrilles.
L’effet de surprise a été total, le poste de garde rapidement neutralisé, nous rassemblons tout l’effectif au réfectoire où j’expose mon but,
[…] afin d’éviter d’avoir à utiliser la force. À part quelques chefs qui nous traitent de pillards, notre objectif est bien compris et accepté par l’ensemble. […] Deux hommes montent la garde au réfectoire et le reste commence la récupération, selon un processus bien établi, […] couvertures, chaussures, toiles de tente, chemises, tenues de drap, etc. ; quelques jeunes s’offrent même à nous aider ; […] l’un d’eux est allé chercher trois mulets avec leurs bâts afin de faciliter le transport. […] Le butin s’avère important. […] Tout étant terminé, le téléphone arraché, […] », les chefs « ficelés solidement », le signal du départ est donné. « À présent la neige tombe dru […]. L’ambiance est un peu euphorique à la pensée du confort promis par ces équipements. »
Á propos de l’ambiance, L. Dufour raconte comment il a demandé à l’un de ses hommes de remplir son sac, afin de porter lui aussi sa charge, étant occupé à surveiller la fin de l’opération. Au retour, il songe enfin à examiner ce sac, particulièrement lourd… Des armes, peut-être ? Il découvre des livres de catéchisme et des images pieuses, provenant de l’Aumônerie du camp ! ... « Quelques jours après, remarque-t-il, le calme revenu, je suis le premier à en rire. Je n’ai rien contre la religion, mais nous manquions tellement de choses essentielles. Les camarades ne manqueront pas, lors des opérations suivantes, de me demander en repartant : “T’as pas oublié tes images pieuses, au moins ?” »

 


Auteurs : Michel Seyve
Sources : Lucien Dufour, Mémoires de l’ombre, éditions Scriba, 1989.