Triptyque du chœur de l'église de Vassieux-en-Vercors

Légende :

Eglise Notre-Dame-de-l'Assomption.

Genre : Image

Type : Peinture murale

Producteur : œuvre de Carmelo Zagari

Source : © Municipalité de Vassieux - Carmelo Zagari Droits réservés

Détails techniques :

Huile sur toile/châssis de quatre mètres sur quatre mètres.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

Le triptyque Notre-Dame-de-l'Assomption qui orne le chœur de l'église est une huile sur toile/châssis de quatre mètres sur quatre mètres, œuvre de Carmelo Zagari. L'artiste est coutumier de ce type d'œuvre de grandes dimensions. Il a également réalisé, sur commande publique, les vitraux de la chapelle des mineurs de Faymoreau en Vendée où il rend hommage aux mineurs.

Dans le cadre de la rénovation de l'église de Vassieux-en-Vercors, reconstruite après sa destruction en juillet 1944, les restaurateurs ont été amenés à remplacer la peinture murale, ornant le chœur, par une nouvelle œuvre picturale.

L'artiste a dû tenir compte du lieu, de son histoire et de l'œuvre de son prédécesseur Jean Aujame pour réaliser un triptyque qui déroute le visiteur, non averti, parce que extrêmement codé. « C'est une peinture qui touche à la fois l'implicite, l'explicite et le subliminal » (Carmelo Zagari)

L'approche du triptyque ne peut être dissociée de celle de l'autel et des vitraux du chœur, œuvre de Jean-Marc Cerino.

Carmelo Zagari prend en charge toutes les formes de contextes, historique, religieux, social, culturel, d'où un foisonnement de sens et une multitude de lectures de l'œuvre.

L'Assomption, scène centrale, est flanquée, à sa droite, par Les âmes fortes, à sa gauche, par Un jour nouveau. La Vierge, en lévitation, est le personnage fondamental. Son visage serein appelle à la méditation. Le nimbe jaune, autour de la Vierge, symbolise la lumière. C'est une représentation de la Vierge de l'Apocalypse qui s'élève au-dessus de la lune. Les roses sont celles de la vierge du Rosaire. « Le fond jaune qui entoure la Vierge, la lune et le cerf, confère à la scène son caractère intangible. Un long phylactère et plusieurs colombes, avec le brin d'olivier dans leur bec, accompagnent le mouvement de la Vierge au nimbe étoilé et au corps auréolé par des roses, évocation poétique et légendaire de son tombeau découvert vide et rempli de fleurs. Dans la partie basse, le cerf, métaphore du Christ, domine les montagnes du Vercors en flammes et meurtries par les scènes de combats ; ses bois fleurissants symbolisent sa résurrection et le renouveau du monde à venir. Autre allégorie du Christ, l'Agneau mystique couché, son regard compatissant est tourné vers la population persécutée, allusion à leur sacrifice respectif. (…) Zagari a tenu compte également de la charge émotive provoquée par la représentation de l'assaillant allemand et ce sont les squelettes menaçants qui personnifient ces oppresseurs car, pour lui, seuls les martyrs peuvent être de chair. De plus, ces scènes rappellent qu'ailleurs, malgré l'histoire, d'autres hommes et femmes sont encore persécutés. La lecture de la scène est ascendante, de la tragédie à l'espoir, de la mort à la résurrection » (Christine Blanchet-Vaque).

Le panneau Les âmes fortes est une parabole de la Passion. L'enfant grandit, devient un homme sacrifié au nom de sa liberté. L'homme attaché aux branches rappelle le Christ sur la croix mais aussi le supplice de deux Résistants pendus au hameau de la Mure et plus généralement tous les martyrs. L'arbre devient une couronne d'épines que l'on retrouve sur le panneau du Jour nouveau.

Ce dernier évoque le Paradis. Le couple d'enfants représente la pureté, l'innocence. Habillée en communiante, la jeune fille incarne Arlette Blanc symbole de l'atrocité de la répression qui s'est abattue en juillet 1944 sur le Vercors. Le jeu de la marelle est la représentation de la croix. Il suggère le passage de la terre au ciel. Il rappelle également, de façon subliminale, la structure métallique des planeurs, étranges squelettes de mort qui entourent encore l'église.

Le triptyque de Carmelo Zagari est une œuvre majeure témoignant parfaitement de l'évolution de la mémoire concernant les événements tragiques du Vercors. Plus on s'éloigne de ceux-ci, plus on les dématérialise, plus on utilise des symboles pour les évoquer. On peut constater une mutation semblable, à Vassieux-en-Vercors, entre le musée de la Résistance et le mémorial du col de la Chau. Le changement de dénomination du rond-point dans le village est aussi significatif. Au Rond-point des martyrs, fortement chargé de sens, a succédé le Rond-point des cinq communes, communes ayant reçu le titre de Compagnon de la Libération. À la mémoire du drame, succède celle de la distinction honorifique.

« Indirectement, l'œuvre témoigne aussi du déclin de la pratique religieuse. Jean Aujame avait peint sa fresque dans le contexte de l'immédiate après-guerre. Les événements étaient encore très présents dans la mémoire des survivants dont la pratique religieuse était forte. Photos et reportages témoignent des multiples cérémonies religieuses sur les lieux des massacres, autour de la nécropole primitive. La lecture des codes iconographiques était aisée pour des pratiquants assidus. Aujourd'hui, avec la baisse de la fréquentation religieuse, les références iconographiques d'œuvres anciennes ou contemporaines ne sont guère reconnaissables par le public. Carmelo Zagari use des codes iconographiques de son langage pictural qui est celui du XXIe siècle comme les artistes de la Renaissance l'avaient fait dans leur temps et que leurs contemporaines ne comprenaient pas toujours. »


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

L'église de Vassieux-en-Vercors a été détruite lors des combats de juillet 1944. Reconstruite en changeant sa direction pour tenir compte du nouveau plan du village, elle a été progressivement dégradée par les rigueurs du climat régnant à plus de 1 000 mètres d'altitude sur le massif du Vercors. La peinture murale qui ornait le chœur a particulièrement souffert de l'humidité. Dans le cadre de la rénovation de l'église entreprise en 1999, l'œuvre de Jean Aujame n'a pas été détruite mais conservée, protégée par une coque sur laquelle a été fixé le triptyque. Cette solution a été trouvée par l'architecte Thomas Joulie, Jean-Marc Cerino et Carmelo Zagari. Ce dernier a hésité avant d'accepter la commande car il refusait de réaliser une œuvre en couvrant « une mémoire par une autre », celle de Jean Aujame.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Christine Blanchet-Vaque, dans Vercors Résistance en résonances, sous la direction de Philippe Hanus et Gilles Vergnon, La Librairie des Humanités, série « Mémoire des Alpes », L'Harmattan, 2008, 239 pages. Échanges épistolaires avec Blanchet-Vaque Christine, Cerino Jean-Marc, Zagari Carmelo. Trois feuillets imprimés distribués à l'église de Vassieux-en-Vercors.