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Carte de réfractaire de Fernand Demeure

Légende :

En 2009, agriculteur retraité à Épinouze.

Genre : Image

Type : Carte de réfractaire

Source : © ONAC Drôme Droits réservés

Détails techniques :

Cartonnette grise 12 cm x 9 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône

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Analyse média

Carte de réfractaire n° 406, sur cartonnette grise, imprimée dans un encadré et à l’égide de la République française.

Sous couvert de l’office national des Anciens combattants et Victimes de guerre (ONAC), le président de l’office départemental signe (illisible) le document à Valence, le 26 juin 1963. Le statut de réfractaire est reconnu – par l’ONAC – à Fernand Demeure résidant à Épinouze. Le récipiendaire, né en 1922, a donc 21 ans en 1943, date de la loi imposant le STO (Service du travail obligatoire).

Une photo d’identité est agrafée à l’un des angles de la carte, lui conférant un aspect officiel. Un tampon sec a été appliqué sur un coin de la photo, débordant sur la carte à l’extérieur : il imprime en relief la marque de l’Office des anciens combattants de la Drôme ; le dessin, à l’intérieur du tampon, représente la République semblant tenir, en main droite, le sceptre de la Loi.

Les observations du verso de la carte précisent, entre autres, les conditions de validité du document, le droit de l’intéressé au port de l’insigne de réfractaire et celui de recourir à l’aide de l’Office. La carte porte, manuscrite, au bas de l’encadré du verso, la notation de la période datée de la situation de réfractaire (3 juin 1943 au 31 mars 1944).


Auteurs : Michel Seyve

Contexte historique

La carte de réfractaire exposée est établie par l’ONAC sur la base du dossier justifié, dans le cas de Fernand Demeure, par un refus tacite de partir travailler en Allemagne au titre du STO, lié à un fait de clandestinité d’une durée relativement importante.

Des situations comme celle-ci se comptent par centaines (la carte porte le n° 406). Il faut donc remarquer qu’il s’agit bien sûr d’un exemple non exceptionnel, mais aussi que la masse des jeunes, suivant le mouvement et pris au dépourvu – au moins lors des premières mesures relatives au STO – ont rejoint massivement l’Allemagne pour y travailler. 


Fernand Demeure fête, avec les conscrits de son village, la nouvelle classe (20 ans en 1942), pour le Nouvel An ; il accomplit son service aux Chantiers de la jeunesse – environ 8 mois – du 10 juillet 1942 au 24 février 1943. Six mois plus tard, il est convoqué pour le STO en Allemagne. Il ne répond pas à l’ordre de réquisition et prend le parti de se cacher.

Rappelons quelques dispositions légales du gouvernement de Vichy concernant le STO. Le discours de Pierre Laval du 22 juin 1942 : le ministre du maréchal Pétain annonçait la Relève (échange de prisonniers de guerre français détenus en Allemagne contre des travailleurs français réquisitionnés pour le travail outre-Rhin). La loi du 4 septembre 1942 autorisant l’envoi forcé de travailleurs en Allemagne. Et, surtout, suscitant l’angoisse, vécue comme un choc, la loi du 16 février 1943, rendant le travail obligatoire, par tranches d’âge, avec convocations et parfois arrestations.

Dans ces conditions, être réfractaire au STO est effectivement un acte d’opposition dont l’efficacité – pénalisant notamment l’industrie du IIIe Reich, travaillant pour l’armée allemande – n’est pas à démontrer. Au niveau des vécus individuels, il en va tout autrement : les comportements pouvant aller de l’acte de résistance conscient au simple « évitement » – action illégale certes mais n’incluant pas l’intention claire de lutter contre l’occupant. Le but essentiel est alors d’échapper au travail obligatoire en Allemagne, en attendant sur place des jours meilleurs, en un lieu relativement « sûr ».

Pour le cas qui nous intéresse, Fernand Demeure ne se rend pas au lieu prescrit sur la convocation. Accompagné d’un copain, Louis Genthon, l’un des jeunes de la classe 42 d’Épinouze, lui aussi tentant d’échapper au STO, il se dirige à vélo vers Crépol : tous deux vont travailler, dans cette commune, chez des agriculteurs.

Henri Revol ("Tersanne"), coordonne le placement et la cache des jeunes dans des fermes de la région, qu’il connaît, contribuant, à son niveau, à l’échec partiel du STO. Il était responsable du Parti communiste en Drôme-Nord. Ainsi, pour l’heure, Henri Revol, tout en hébergeant lui-même des jeunes convoqués pour partir, assure le fonctionnement d’un réseau ; c’est ce réseau qu’utilisent les deux requis d’Épinouze. Son œuvre de Résistance entraîna son arrestation, le 1er janvier 1944, en même temps que Pascalet et Peyrichou, de Saint-Uze, autres responsables du Front national, leur déportation en camps de concentration. Henri Revol fut l’un des rescapés de Buchenwald, Dora….

Fernand Demeure, et son copain, participent naturellement aux travaux de la campagne ; mais ils quittent la ferme qui les emploie et les cache, une fois par mois, pour 24 heures et rejoignent – en partie de nuit, en passant par Hauterives – la ferme de famille à Épinouze.

Alors que Louis Genthon abandonne cette cache au bout de 3 mois – se terrant dès lors dans la propriété familiale d’Épinouze, Fernand Demeure décide de conserver sa situation de réfractaire au STO, dans cette ferme, à Crépol. Il juge inutile de se procurer des faux papiers. Il y demeure jusqu’à l’arrestation d’Henri Revol. Le climat d’insécurité engendré par ces mesures de répression, amène Fernand Demeure à chercher d’autres caches : « chez M. Hugues à Crépol, dit-il, puis chez M. Ferlay à Montchenu, enfin, avec l’aide de Joseph Demeure, mon père, et de Louis Seyve d’Épinouze, chez M. Mangeat, à La Chapelle-de-Surieu [Isère] ».

Le printemps de cette année-là le voit de retour à la ferme familiale. Il y reprend ses occupations habituelles auprès de son père, l’exploitation de la propriété orientée vers la culture fruitière. Ainsi se termine pour lui le temps de l’occupation de la Drôme par les Allemands (31 août 1944).


Auteurs : Michel Seyve
Sources : entretiens avec Fernand Demeure le 17 août et le 5 septembre 2009.