Village de Creyers en 1943

Légende :

Photographie du village de Creyers en 1943. Au loin, on aperçoit la vallée de Châtillon-en-Diois.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © AERD, photo tirée de l’ouvrage de P. de la Bretèque, Le groupement 14 Duguesclin, Histoire du gro Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en noir et blanc.

Date document : 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Le drapeau flotte sur le camp du Chantier de jeunesse dont les jeunes, pour échapper au STO (Service du travail obligatoire), se transforment rapidement en résistants. Faute d’armement, ils ne peuvent faire face à l’assaut des GMR (Groupes mobiles de réserve) guidés par un traitre, le 26 février 1944.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

En juin 1943, un camp FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - Main-d'oeuvre immigrée) est formé au-dessus de Die sous le commandement de Simon Fred et de « Francis ». Ce maquis devait jouer ultérieurement un rôle important dans la lutte armée. À la suite de diverses activités dans la région de Die par plusieurs groupes de maquis, les GMR (Groupes mobiles de réserve) du groupe Comtat d’Avignon sont envoyés sur place pour réduire les FTP : ils établissent leur quartier général à Die.


Le 26 février 1944, d’importantes forces de ce GMR guidées par un ex-Flèche Noire (« Pierre à huile »), se dirigent vers Châtillon-en-Diois pour attaquer ce camp de Creyers au-dessus du défilé des Gâts. Ils aperçoivent Jolesse, d’Aix-en-Diois, qui essaie d’alerter les maquisards, et le blessent. Ils le hissent sur une camionnette et l’obligent à se tenir debout pour l’exemple. C’est ainsi que le cortège traverse Châtillon. Les GMR attaquent le camp FTP où les maquisards sont tous des réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) encore sans armes. Au cours d’une courte bataille à coups de fusils, grenades et armes automatiques, l’un des maquisards, Allemand antinazi résidant à Lyon avant de prendre le maquis, est grièvement blessé. Il tente de gagner les hauteurs, mais il meurt au hameau de Reychas, à 1 100 m d’altitude. 18 des maquisards de Creyers, parmi lesquels Maurice Clerc, dit Simon, chef FTPF, dont la capture est mise à prix, sont arrêtés et emprisonnés dans les locaux de l’école primaire supérieure de garçons à Die.

Le soir, une réunion des responsables de la Résistance de Die a lieu chez Auguste Buis (« Toutou »). Ils décident de tenter de libérer les prisonniers avant leur transfert à Lyon en faisant appel au groupe Béranger, agriculteur à Sainte-Croix, ancien combattant de 1914-18. Raymond Bonnard, de Die, 19 ans, et Pierrot « la main coupée » (il lui manquait 3 doigts) partent à bicyclette. Le pont des Chaînes étant gardé par les GMR, ils traversent la rivière Drôme vélo sur l’épaule.
À 22h30, ils arrivent chez Béranger, à Sainte-Croix. Celui-ci est d’accord pour intervenir, mais exige un ordre écrit de Saint-Sorny, responsable militaire FTP du secteur. Les deux agents de liaison pédalent jusqu’à Saillans où Saint-Sorny se « planquait » dans une mansarde de l’hôtel Favier-Gras. Ordre d’attaque en poche, Bonnard et Pierrot reviennent chez Béranger qui alerte son groupe à Vachères-en-Quint.
Vers 5 h du matin, le 27 février, les 25 hommes du groupe Paul Béranger quittent Sainte-Croix et remontent la Drôme par la rive droite pour gagner Die où ils sont renforcés par un groupe diois.
Vers 7 heures, l’attaque est lancée contre l’école supérieure. Les GMR tirent et blessent 2 assaillants. Mais ils sont vite dépassés. Une demi-heure plus tard, l’affaire paraît réglée et les prisonniers enjambent le mur de clôture, quand l’arrivée inopinée d’un car GMR modifie le cours des choses et change le succès en revers. Si certains prisonniers peuvent s’échapper, en revanche des attaquants et des évadés sont arrêtés (plusieurs avec la complicité de madame K. qui dénonce des maquisards se cachant dans les jardins autour de sa villa. Elle sera abattue quelques jours plus tard).

En résumé, 19 hommes sont dirigés sur la prison de Valence, puis incarcérés à Lyon, à la prison Saint-Paul. Le 13 mars, ils sont traduits devant une cour martiale, qui en condamne six à mort. Alfred Bochot, André Dupuy, Alexandre Flor, William Gutschmidt, Jacques Oustando et Vincent Santori sont passés par les armes au fort de la Duchère. En outre, Robert Xima, (« Bonnefoi »), blessé, sera fusillé après sa guérison le 6 juin 1944.
Trois seront déportés. Ce sont trois réfractaires au STO pris au maquis de Creyers la veille et presque libérés : Ernest Planel, 21 ans de Saillans, Marcel Poncet, 23 ans, de Grenoble, arrêtés à Die le 28 février, et Jean Pelletier, 22 ans, dit « de Paris », arrêté le 29 février à Sainte-Croix. Ils partiront le 29 juin 1944 à Dachau.

Deux jours après cette arrestation, le 29 février, les GMR en embuscade abattent froidement Paul Béranger dans la cour de sa ferme, sous les yeux de sa femme et de ses quatre enfants.

 


Auteurs : Robert Serre
Sources : AN, BCRA, 3AG2/478-171 Mi 189, dossier 5. ADD, 97 J 91, 9j 8/7. Archives Paul Arthaud, notes de Robert Noyer sur la Résistance dioise. ADD, 132 J 64, témoignage écrit de Madame Poncet, née Béranger, de Sainte-Croix, épouse de Marcel Poncet, reçu par A. Vincent-Beaume. Pour l’amour de la France. Dufour, Drôme terre de liberté. Veyer Jean, Souvenirs sur la Résistance dioise. Gerland, La Résistance en Drôme Centrale. P. de la Bretèque, Le groupement 14 Duguesclin, Histoire du groupement racontée par les anciens, Amicale des Anciens du 14ème CJF. 1995. Martin Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme. Collectif, Die, histoire d’une cité, Patrimoine de la vallée de la Drôme, 1999. La Picirella, Témoignages op. cit. David Diamant, Les Juifs dans la Résistance française, 1940-1944, avec ou sans armes, Le Pavillon/Roger Maria éditeur, Paris, 1971. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Fondation pour la mémoire de la déportation, le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, éditions Tirésias, 2004. tome I, 1 446 pages, tome II, 1 406 pages, tome III, 1 406 pages, tome IV, 1 282 pages.