Carnet d’un policier romanais

Légende :

Dans ce carnet, il consigne des renseignements divers, notamment de nombreuses explosions qui émaillent la tranquillité nocturne de Romans-sur-Isère à la fin de 1943.

Genre : Image

Type : Carnet

Producteur : Monier René

Source : © Archives Monier René (fils) Droits réservés

Détails techniques :

Feuillet appartenant à un carnet mesurant 10 cm sur 6,5 cm. Il comporte 21 feuillets en tout, couverture cartonnée non comprise.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

Carnet publicitaire d'une marque d'apéritif (Bonal) célèbre jusque vers les années 1950. Il appartenait à René Monier (1914-2001), policier du corps urbain romanais.

Il mesure 10 cm sur 6,5 cm et comporte 21 feuillets, couverture cartonnée non comprise. Aucun feuillet ne semble avoir été arraché. Quatre sont totalement vierges d'annotations. Les trois premiers en portent écrites à l'encre. Il a été exhumé des archives familiales par son fils René en 2005. Les renseignements qu'il renferme touchent des domaines très divers, concernent les activités professionnelles d'un policier amené à faire des relevés, des contrôles d'identité et de domicile.

Le support utilisé par le policier traduit la pénurie en papier qui régnait pendant la guerre. Il se peut que ce carnet date de l'avant-guerre et qu'il ait été utilisé par le fonctionnaire, faute de mieux. Les informations consignées sont toutes intéressantes. La plus remarquable est la liste des « bombes » qui ont explosé durant le mois de décembre 1943 à Romans-sur-Isère et à Bourg-de-Péage.

Dates, lieux, heures précises, consignés témoignent d'une minutie dans le rapport que doit faire un policier sur un événement de ce type. La liste, sur les rectos des trois premières pages, a été écrite à l'encre, au minimum en janvier 1944 et d'un seul jet. On ignore la raison pour laquelle le policier a écrit un inventaire uniquement pour le mois de décembre 1943.

En plus de la liste des explosions, 29 pages portent des annotations diverses témoignant de l'activité quotidienne d'un policier : horaire de car, prix de denrées, adresses et domiciles de personnes, différend entre deux personnes, un document perdu par une autre.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

La valeur du document est de traduire, par l'intermédiaire de l'activité d'un policier, des moments de la vie quotidienne dans une petite ville occupée, réellement, par les Allemands seulement depuis trois mois. Romans-sur-Isère, d'abord en zone dite libre, puis sous contrôle italien, n'a vu arriver les Allemands qu'après le revirement italien.

La liste des bombes est le passage le plus riche en informations. Précisons qu'il ne s'agit pas de bombe au sens technique du terme mais d'explosions dues à l'utilisation d'explosifs militaires (parachutés), voire civils (récupérés dans les carrières). Quels sont les responsables de ces explosions ? Qui est visé ?

La longue liste permet de percevoir l'ambiance qui devait régner dans cette ville quand, pratiquement tous les deux jours, retentissaient des explosions. De façon surprenante, en 2009, des témoins de cette époque ne se souviennent pas de cette grande fréquence de déflagrations. On entendait aussi, de Romans, celles de Bourg-de-Péage, sur la rive gauche de l'Isère. Le policier n'a consigné que le lieu, le jour et l'heure des explosions. Il ne précise ni les auteurs, ni la position politique des victimes.
Le premier événement est un acte de sabotage contre un pylône électrique à Bourg-de-Péage. Il est le fait de la Résistance. Le sabotage vise la ligne électrique à haute tension qui relie la centrale de Pizançon au bassin industriel de Saint-Étienne (Loire).
Le 17 décembre, c'est le café Fayet, lieu de réunion du PPF (Parti populaire français) qui subit des dégradations par explosif.
Le 21 décembre, le maire de Romans-sur-Isère semble visé par une explosion devant son garage.
Les autres actes sont commis contre des lieux publics ou des magasins.
La Résistance s'attaque à ceux qu'elle considère comme des collaborateurs. La Milice riposte. Le soir du 22 décembre, trois explosions retentissent à 21 heures, en visant des résistants, en s'en prenant à un lieu de rendez-vous de l'AS (Armée secrète), le café du nord tenu par Pierre Biset (Bizet?), dit "Reverdy", à la vitrine de la droguerie tenue par un résistant, Chapelle.

L'impression qui se dégage de cette énumération d'explosions est que Romans-sur-Isère et Bourg-de-Péage sont plongées dans une ambiance de guerre civile larvée. Les tensions ne feront qu'augmenter dans les premiers mois de 1944. La proximité de l'agglomération avec le Vercors va les exacerber et atteindre son paroxysme en juin, juillet et août 1944.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Archives Monier René (fils). Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.