Intérieur de l'abri de la carrière du Grand Montceau

Légende :

L’abri de la carrière de Monceau (Allan) a servi de planque à un groupe de réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) durant quelques semaines pendant l’été 1943.

Genre : Image

Type : Paysage

Producteur : cliché Michel Seyve

Source : © AERD, collection Michel Seyve Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Date document : novembre 2009

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Allan

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Analyse média

L’exploitation des carrières de Montceau a été « mise en ferme aux enchères» par la commune d’Allan le 30 novembre 1800 ; un entrepreneur de Montélimar l’emporta. Elle a cessé dans l’entre-deux-guerres, et, définitivement, vers 1950, du fait du risque d’éboulement et à cause également de l’évolution des matériaux utilisés pour la construction – le parpaing, la brique et le béton se substituant à la pierre.

Cette vue, prise à l’entrée de l’abri, est axée vers l’intérieur de la cavité. C’est ce que les jeunes fuyant le STO avaient sous les yeux à l’été 1943.

Suite à l’abandon du chantier, il a subsisté, à proximité de l’emplacement de la carrière, cet abri creusé dans la roche calcaire. De là, se dégage le panorama de la partie occidentale de la plaine : au nord, à l’horizon, la Forêt de Marsanne avec, au pied de celle-ci, les villages de Sauzet à l’est et de Savasse à l’ouest. Dans des plans plus rapprochés, apparaissent la commune de Montboucher avec son clocher, et, au même niveau et à gauche, une partie des faubourgs de Montélimar. L’autoroute qui barre le paysage, est « coupée » par la départementale D 4 qui passe maintenant sous la grande voie de communication, absente en 1943. L’observation de cette route ancienne, en provenance de Montélimar, vers Espeluche, était essentielle pour les jeunes de l’embryon de maquis qui se constitue à l’époque dans ce lieu isolé : c’est en effet l’un des principaux moyens d’accès possible des forces de police du gouvernement de Vichy et des occupants, à la colline et à la carrière de Montceau lieu de la cache.


Auteurs : Seyve Michel
Sources : Monique Demortier, archives personnelles constituées à l’occasion de sa conférence portant sur les carrières en 2009 (témoignages, arch. communales, Allan).

Contexte historique

À l'origine du maquis de Montceau se trouve Marceau Brès. Interné, puis libéré le 15 février 1942, il revient à son domicile au quartier des Routes à Montélimar, où est installée sa famille. Avec son épouse et sa belle-sœur, il reprend ses activités de militant communiste et, révoqué de la SNCF, il parvient à se faire embaucher aux Ponts-et-Chaussées. Il participe, avec Georges Manen, surveillant de travaux, à la réparation du pont du Teil, coupé par l'Armée française en 1940. Ce chantier est un « lieu de rendez-vous pour les jeunes résistants du Teil ».

Marceau Brès, dans une lettre non datée, après la guerre, écrit à ce sujet : « Au départ du pont du Teil, à hauteur du bureau des Ponts-et-Chaussées, situé rive gauche [...], une activité intense de la Résistance s'organise. Il y a là, dès 1942 et plus particulièrement début 1943, des camarades : Ravier ["Nénesse"], René Bochaton (mort en déportation), Robert Bellot (sera déporté), son frère Louis, Maurice Mouton, Georges Manen. Je suis au centre, sinon à la tête de cette action ». De ce creuset, sort le maquis de Montceau.

Au cours de l'année 1943, Marceau Brès sollicite Georges Manen qui, originaire de Montboucher, connaît bien le pays, pour découvrir une cache destinée à héberger quelques jeunes réfractaires. Tous les deux, ainsi que Maurice Mouton, autre surveillant de travaux au pont du Teil, se retrouvent donc sur la D 4, à la carrière principale de la colline de Montceau (303 mètres d'altitude), sur la commune d'Allan.

Le site repéré concentre plusieurs intérêts pour les clandestins : la sécurité est assurée par une observation aisée de la D 4, permettant une fuite rapide en cas de danger. Ensuite, la proximité du lieu de recrutement (le Teil - Montélimar), est commode. En 1943, les abords de la carrière possèdent en outre une cabane sommaire, sans doute proche de l’abri sous roche photographié, faite de chevrons et de tôles ondulées (disparue au cours du demi-siècle d’après guerre) et qui devait le compléter avantageusement au cours de l’été ; le père de Georges Manen se souvient qu’il était utilisé par les tailleurs de pierre tant qu’a duré l’exploitation de la carrière.

Lorsque de nouvelles recrues, drainées par l'équipe de Marceau Brès, rejoignent bientôt les premiers maquisards, l'effectif atteint quatorze, voire quinze, ce qui est beaucoup, compte tenu des conditions précaires du lieu.

Les clandestins doivent se munir de fausses cartes d’identité : des amis travaillant au commissariat de Montélimar sont sollicités pour un tampon ; d’autres, des Ponts et Chaussées du Teil, par leurs relations à Valence, obtiennent des cartes d’identité vierges. D’autres Résistants sédentaires enfin, sont mobilisés pour le ravitaillement ; les sacoches sont remplies au marché de la ville ardéchoise pour pas cher – on ne pose pas de question mais la solidarité fonctionne –. Georges Manen, quant à lui, se procure de la farine chez le meunier de Manas (Loulou Chancel, lui-même résistant, futur maire et conseiller général de Montélimar, est propriétaire du moulin) ; il va la chercher la nuit, par petits sacs de quatre ou cinq kilos. Marceau Brès se charge de faire cuire le pain par un boulanger du Teil qu'il connaît bien.

L'approvisionnement en eau est aussi une des premières préoccupations. L'accès à une fontaine n'est pas un problème majeur ; au quartier le Ferrent (Allan), au pied de la colline de Montceau, il s'en trouve une à distance convenable. Il suffit de s'y rendre de nuit, pour ne pas attirer l'attention. "C'est pourtant bien l'eau qui nous a trahis !", dit Georges Manen. C'est en tout cas ce qu'il pense, sans doute à juste titre. L'homme de la corvée d'eau, bien que remplissant son bidon très tôt, vers quatre heures du matin, est remarqué un jour par un paysan. Les jeunes n'attachent pas grande attention à ce fait. C'est peu... mais assez pour lancer les interrogations : le secret est éventé. En effet, peu de temps après, dans une réunion de famille, Georges Manen relève cette remarque : "il paraît que certains jouent aux petits soldats à la carrière de Montceau ?"

Cette information signifie que la cache maintenant est connue. Le groupe court désormais le risque que la gendarmerie organise un contrôle et une arrestation collectifs dans de brefs délais. Il est donc décidé d'informer les maquisards immédiatement et de les inciter à poursuivre leur résistance en d'autres lieux. Ainsi prennent-ils la direction du Ventoux, certains atteignant d'abord les maquis de la Lance (Armée secrète et Franc-Tireur et partisan, AS-FTP), plus proches. Deux ou trois sont accueillis, provisoirement sans doute, à l'abbaye d'Aiguebelle (Montjoyer). Le séjour à la carrière de Montceau a duré guère plus d'un mois.


Auteurs : Seyve Michel
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Enregistrement magnétique (rencontre Marceau Brès avec un groupe d’élèves du collège Alain Borne, années 1970.